Du bon usage des administrateurs

par Alain Martel, Secrétaire général de l’IFA

Comme le montre la période de crise actuelle, la vie d’une entreprise est loin d’être un long fleuve tranquille. Pour prendre les bonnes décisions, dans ce moment hautement stratégique, les dirigeants de sociétés ont plus que jamais intérêt à s’adjoindre de l’expertise ou du conseil. C’est le rôle que l’on peut attendre d’administrateurs compétents au sein d’un Conseil d’administration ou au sein d’une structure de gouvernance adaptée aux SAS. Ces derniers offrent l’opportunité de s’ouvrir sur l’extérieur et de s’engager sur le chemin d’une gouvernance plus professionnelle, gage de limitation des risques et de création de valeur pour les PME.

« De nombreux dirigeants sont actuellement engagés dans la bataille du maintien de l’activité de leur entreprise, quand ce n’est pas dans son sauvetage. Un combat évidemment très stressant et chronophage, que beaucoup d’entre eux mènent seuls. Or, si la solitude traditionnelle du chef d’entreprise est parfois difficile à vivre quand tout va bien, elle est sans doute encore plus pénible à supporter dans une conjoncture délicate.

Et pourtant, cette solitude n’est pas une fatalité. Le dirigeant peut s’entourer d’experts pour le guider et l’aider à réfléchir aux meilleures solutions de pérennisation de son modèle économique. Les administrateurs indépendants sont à même de jouer ce rôle, au sein de Conseils d’administration créés en bonne et due forme ou, de façon plus informelle, au sein de structures similaires d’accompagnement (prélude à un conseil plus formalisé), indispensables pour une prise de recul, souvent salvatrice.

Il n’existe pas de taille minimale d’entreprise pour créer une gouvernance un peu structurée. Bien sûr, certaines sociétés y sont légalement obligées (les SA). Pour les autres, c’est une question de volonté. Les start-up ont, par exemple, intérêt à se doter de telles structures car des avis extérieurs, alors même que les dirigeants sont « noyés » dans le quotidien, sont souvent déterminants pour pérenniser le projet. La stratégie à long terme de l’entreprise est un sujet sérieux dès son démarrage ! Dans toute entreprise, trois impératifs justifient de créer une structure de gouvernance : le besoin de diversifier les compétences, de challenger le dirigeant (mais pas une opposition systématique) et de distinguer la gouvernance de l’entreprise de la gouvernance familiale.

1. Accepter des avis extérieurs

La mise en place de ces structures (conseil d’administration classique ou comité d’orientation, conseil stratégique, etc.) n’est à recommander que si le chef d’entreprise est convaincu de l’intérêt de recueillir des avis extérieurs. Si ces structures de gouvernance ne servent qu’à adouber ses décisions déjà entérinées et non discutables, cela ne servira pas à grand-chose…

Première « révolution » donc à mener dans une entreprise : faire accepter le principe que les idées du « patron » peuvent être discutées. Pas si évident dans certaines sociétés… Le dirigeant est le premier responsable de ce qu’il peut attendre d’un tel processus et doit appréhender la gouvernance comme une opportunité et non comme une contrainte.

2. Commencer doucement, mais sûrement

Mettre en place une gouvernance organisée peut se faire en douceur : l’important est que cela se fasse. Cela ne doit en aucun cas représenter une contrainte. Mais une fois créée, la structure doit fonctionner, sous la responsabilité du dirigeant. A lui de définir une gouvernance adaptée à la problématique de l’entreprise, car il n'y a pas de modèle unique de gouvernance et de la faire selon un processus qui évolue dans le temps en fonction des phases de développement l’entreprise.

A lui, aussi, de faire en sorte que la gouvernance soit effective en organisant la relation entre le Comité exécutif et le Conseil et en donnant au Conseil les moyens de son action, un programme de travail, et éventuellement, des comités spécialisés. La création d’un comité des risques qui évalue les risques actuels et à venir pour l’entreprise est évidemment à l’ordre du jour de nombreuses sociétés aujourd’hui.

3. Constituer une structure de gouvernance multi-profils

L’idée n’est pas d’installer au Conseil ses amis ou sa famille ou de dupliquer, au sein d’un Conseil, la direction opérationnelle, représentée par la direction générale. L’un des grands « plus » des Conseils dans les PME familiales est d’ailleurs de bien séparer l’intérêt de l’entreprise et l’intérêt des actionnaires.

Plus les profils des administrateurs seront diversifiés, plus la structure sera utile à l’entreprise. En tout état de cause, un minimum de personnes très au fait du cœur d’activité de l’entreprise est requis. Récemment, des Conseils ont engagé des universitaires pour bénéficier de leur vision « grand angle» sur certains sujets.

Pourquoi pas ? Un bon Conseil est constitué de compétences et d’horizons divers, mais d’abord et avant tout d’administrateurs motivés et disponibles. Ces derniers auront pour rôle de suivre l’activité de l’entreprise, mais aussi celle de ses concurrents, de contrôler les risques et de tracer le chemin de son développement.

Cette responsabilité exige du temps et de l’énergie. Concernant le nombre idéal d’administrateurs, cela dépend de la taille de l’entreprise et de ses obligations légales en la matière.

Les bénéfices de la création d’un conseil en bref

  • Le conseil aide à briser l’isolement du propriétaire dirigeant qui est le plus souvent seul à prendre les grandes décisions.
  • L’expérience et les réseaux des membres du Conseil permettent à la PME d’élargir son univers à des compétences souvent complémentaires et de profiter de précieux contacts autour des projets suivants : nouveau marché ; diversification dans de nouveaux créneaux ou croissance par acquisition.
  • Le conseil conduit à plus de rigueur dans la préparation des rapports et dans le suivi des résultats. Point rassurant pour les banquiers et les investisseurs.. xxxxxxxxxxxxxxxx Il favorise la mise en place de processus de gestion qui améliorent les choix stratégiques.
  • L’apport de membres externes permet de mieux intégrer les risques du marché dans l’évaluation des projets.
  • Une gouvernance de qualité avec la présence d’administrateurs externes ajoute à la réputation

Et au service de l’entreprise familiale

  • Il facilite le processus souvent délicat de transmission de la direction et de la propriété car pour la première génération, l’enjeu est celui de la relève. Pour les deuxième et troisième générations, un Conseil aide à distinguer clairement les intérêts de la famille et ceux de l’entreprise.
  • La présence d’administrateurs externes facilite une prise de décision plus rationnelle car la présence de plusieurs membres d’une même famille crée souvent un climat d’émotivité qui imprègne les discussions d’affaires.