France : l’illusion des taux d’intérêt bas

François Hollande s’est félicité récemment des taux d’intérêt bas obtenus par la France en laissant supposer que les marchés financiers approuvaient sa politique économique. En réalité, les investisseurs sont surtout attentistes et n’hésiteront pas à sanctionner si les mesures nécessaires ne sont pas prises.

"Notre crédibilité (sur les marchés financiers) est aujourd'hui assurée, les taux d'intérêt sur notre dette publique sont parmi les plus bas de notre histoire", a assuré le chef de l’Etat lors de sa conférence de presse du 13 novembre.
 
Deux jours plus tard, The Economist expliquait que si la France ne parvenait pas à sortir de la crise, la bombe à retardement qui menace l’existence même de la zone euro finirait par exploser. Les représentants du gouvernement et de la majorité socialiste ont évidemment dénoncé l’hebdomadaire britannique, coupable de perfidie.
 
Ce n’est pas parce que les taux d’intérêt appliqués à la France sont bas que les investisseurs jugent le pays « crédible », comme l’a assuré un peu vite la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, dans un point de vue publié par Les Echos (19/11).
 
Et ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de tension sur les taux français après la décision de Moody’s d’abaisser la note de crédit à « Aa1 », privant le pays de son Aaa. Cette dégradation de la note était attendue et si elle n’a été que d’un cran c’est parce que les spécialistes ont accepté de faire confiance au gouvernement, qui a promis de ramener le déficit public à 3% du Produit intérieur brut (PIB) en 2013 contre un objectif de 4,5% en 2012 et de lancer un Pacte de compétitivité de 20 milliards d’euros en faveur des entreprises.
 
Les interrogations demeurent nombreuses. La France peut-elle vraiment ramener son déficit à 3% l’an prochain alors que personne ne croit en sa prévision d’une croissance économique de 0,8% retenue pour le budget ? Le consensus est aujourd’hui plutôt autour de zéro et nombre d’économistes de marchés tablent même sur une récession. En outre, le chômage continue de progresser à vive allure (+45.000 demandeurs d’emplois de plus en octobre). Le taux de chômage est à environ 11% et il pourrait atteindre 12% fin 2013, ce qui pèsera sur la consommation, principal moteur de la croissance française.
 
Car les entreprises sont extrêmement prudentes en matière d’investissement en France. Elles citent la dégradation de la conjoncture, l’alourdissement de la fiscalité et aussi un discours de François Hollande perçu comme anti-entreprises. La gestion de quelques dossiers emblématiques – Peugeot, ArcelorMittal notamment – par le gouvernement inquiète aussi.
 
S’il n’y a pas encore d’exode fiscal massif, les entrepreneurs estiment qu’il est désormais trop risqué d’investir en France. Quand ils veulent ouvrir une nouvelle unité de production, ils regardent au-delà des frontières, en particulier en Europe du Sud. En décidant d’accroître ses capacités en Espagne, Renault a ainsi pris acte des efforts colossaux de ce pays en matière de compétitivité.
 
En période de crise, tous les pays cherchent plutôt à attirer les investisseurs et les « riches ». Le fait que la France adopte une attitude négative à l’égard de ces catégories est surprenante et risque d’affaiblir ses positions en Europe et dans le monde.
 
Pour convaincre les réticents, le gouvernement doit indiquer rapidement comment il compte réduire les dépenses publiques et s’il envisage de réformer le marché du travail afin de permettre aux entreprises de recruter plus facilement. 
 
C’est sur ces deux points qu’il est attendu et la méfiance est de mise chez les investisseurs car la France n’a jamais réussi depuis 30 ans à présenter un budget excédentaire et elle a toujours privilégié ceux qui ont un travail à ceux qui n’en ont pas. 
 
En reconnaissant en septembre que la crise de la zone euro était d’une ampleur inédite et en acceptant récemment un Pacte de compétitivité, François Hollande a pris un virage qui l’éloigne d’un socialisme à la française un peu daté. Les investisseurs, qui prêtent régulièrement de l’argent à la France, attendent qu’il poursuive sa mue en approuvant le fédéralisme budgétaire européen, en réduisant les dépenses publiques et en réformant le marché du travail. 
 
Ces mesures sont sans aucun doute impopulaires et risquent de se traduire par des revers électoraux. Mais elles seules permettront à la France de se redresser au cours des prochaines années.