Marchés actions : tout est question de timing

par Ad van Tiggelen, Stratégiste Senior d’ING IM

Lorsqu’il s’agit de faire leur introspection, les Néerlandais évoquent souvent leur héritage calviniste. Beaucoup de leurs traits de caractère s’inscrivent en effet dans la droite ligne de cette doctrine élaborée par le théologien français Jean Calvin (1509–1564), à commencer par la modération. Ils sont supposés être des gens sobres et travailleurs incapables de jouir des bienfaits de la vie sans un sentiment de culpabilité. En réalité, ils ont comme tout autre profité de l’essor économique de ces dernières années. Calvin prêchait la prédestination. Et 500 ans après sa mort, il semble que les marchés étaient prédestinés à payer le prix fort après des années de surconsommation et un train de vie en totale contradiction avec les préceptes de Calvin, du moins sur le plan financier.

Nous entrons aujourd’hui dans une période de modération, au cours de laquelle les consommateurs et les banques vont s’atteler à réduire leurs dettes, provoquant la pire récession d’après-guerre. Et cela se ressent sur les marchés financiers : les marchés d’actions anticipent déjà une chute des bénéfices de pratiquement 50% (la baisse la plus importante depuis 1945). Quant aux marchés obligataires, ils s’attendent à voir le nombre des défauts de paiement grimper à un niveau qui n’avait plus été atteint depuis la grande dépression de 1929.

Dans l’ensemble, les investisseurs sont partagés entre deux scénarios économiques possibles :

Le premier table sur une timide reprise économique en 2010, grâce au nombre sans précédent de stimuli monétaires et fiscaux injectés dans l’économie mondiale. Dans ce scénario, les marchés d’actions commenceront à se redresser à la fin de 2009 ou au début de 2010.

Le second scénario, qui semble moins probable et nettement plus pessimiste, prévoit que le processus de réduction de la dette prendra plusieurs années. Les plans de relance verront leurs effets atténués par le resserrement des conditions de crédit et par la prudence des consommateurs qui, poussés par l’insécurité de l’emploi, préféreront épargner que dépenser.

Dans le premier scénario, les menaces déflationnistes disparaîtront assez rapidement. Dans le second, elles risquent de durer plus longtemps. Après tout, l’impression de monnaie supplémentaire n’exerce un effet inflationniste que si les consommateurs la dépensent.

A l’heure actuelle, il est très difficile de deviner ce que l’avenir nous réserve. Selon nous, il est très probable que les plans de relance commencent à faire leur effet d’ici un an. Toutefois, on ne peut exclure la seconde option, à savoir une généralisation du scénario japonais.

Une chose est toutefois pratiquement certaine : quel que soit le scénario, on peut s’attendre à plusieurs rallys (‘bear market rallies’). Ceux-ci seront dus à la publication de chiffres moins mauvais que prévu et seront emmenés par les valeurs cycliques et financières. Ces rallys pourront être violents, avec des bonds de 20% à 30% sur quelques semaines, mais ils resteront de courte durée tant que les taux des obligations d’entreprises ne se seront pas clairement repliés et que la demande finale ne se sera pas redressée.

Les investisseurs pourront essayer de profiter de ces ‘bear market rallies’, mais il leur faudra trouver le bon timing. Il devront recourir aux analyses techniques, aux indicateurs de sentiment et acheter uniquement sur des marchés survendus car dominés par la panique. Il est également possible de ne rien faire et d’attendre une véritable reprise. Dans ce cas, le risque est de rater le rebond de 20% à 30% qui précède habituellement l’apparition des premiers signes de reprise.

Une manière de limiter ce risque consiste à investir dans des fonds obligataires ou des fonds d’actions à rendement élevé.

En théorie, ceux-ci offrent le même potentiel de hausse que les marchés, tout en limitant le risque de baisse. En outre, ces fonds permettent d’obtenir un bon rendement dans l’attente de jours meilleurs. Après tout, dans les conditions que nous connaissons actuellement, la patience sera plus que jamais mère de toutes les vertus.