Moody’s ne rend pas service à la France

En décidant de maintenir la note « AA1 » de la dette souveraine de la France, Moody’s ne rend pas service à François Hollande, qui aurait besoin d’une forte pression extérieure pour pouvoir mettre en œuvre son « pacte de responsabilité ».
 
Les dirigeants politiques français, de droite comme de gauche, n’ont jamais été adeptes de vraies réformes. Ils font mine de s’y intéresser pour plaire à une partie de l’électorat mais, fondamentalement, ils répugnent à se lancer dans ce genre d’exercice. 
 
Pourquoi ? Il y a la conscience aigüe que l’Etat peut tout dans tous les domaines, le sentiment que les citoyens acceptent bon mal gré la pression fiscale et, enfin, ne le cachons pas, une incapacité à comprendre les vrais enjeux économiques.
 
Raymond Barre, Premier ministre entre 1976 et 1981, disait que ce pays ne pouvait être réformé qu’en période de grave crise. De fait, les plus grandes réformes ont été réalisées au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Depuis, les gouvernants successifs ont accepté des adaptations à la demande des investisseurs.
 
Car, et c’est toute l’ironie de cette affaire, la France, ce pays si fier de son histoire et prompt à donner des leçons à la terre entière, est totalement entre les mains des investisseurs internationaux. Environ les deux tiers des quelque 1.900 milliards d’euros de dette publique sont détenus par ce qu’on appelle les « non-résidents ».
 
Séduire les investisseurs devient donc une activité à plein temps. Le « Pacte de responsabilité » annoncé par le chef de l’Etat a été perçu comme un message destiné à aux agences de notation sur le thème : « Ne nous sanctionnez pas ! Regardez, nous prenons des mesures pour rétablir la situation. » 
 
Moody’s a donc accordé un nouveau sursis à la France tout en livrant un diagnostic particulièrement sévère sur la situation du pays. Conséquence, le gouvernement peut dire que sa politique est validée et va mettre peu d’entrain à réformer vraiment le pays.
 
Bien sûr, il y aura quelques annonces pour rassurer les uns et les autres mais aucune réforme structurelle à l’horizon. Un exemple, Hollande a dénoncé, lors de sa conférence de presse du 14 janvier, le millefeuille administratif français : « Nous devons en terminer avec les enchevêtrements, les doublons et les confusions. » 
 
On ne compte plus dans le pays cantons, communes (36.000), communautés urbaines, circonscriptions, départements, régions. Un gaspillage de plusieurs milliards d’euros par an mais des fromages pour des élus, qui sont au nombre de …618.000 !
 
La logique voudrait que l’on supprime un échelon administratif : le plus simple serait de faire une croix sur les départements et de transférer leurs compétences aux régions. Mais, le président de la République a choisi une autre solution : réduire le nombre de régions qui sont aujourd’hui 22. Pour quelles économies ? On n’en sait rien.
 
Ce que l’on sait en revanche c’est qu’un gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, rechigne toujours à se mettre à dos des élus locaux à l’approche des élections. Autant dire que le millefeuille administratif français a de beaux jours devant lui.
 
Une dégradation de la note de la France par Moody’s aurait permis de faire prendre conscience aux dirigeants actuels de l’urgence de la situation.
 
La France bénéficie de l’indulgence des investisseurs parce que ceux-ci savent qu’en attaquant ce pays ils provoqueraient une réaction de l’Allemagne, qui ne peut pas permettre la chute de son voisin, et de la Banque centrale européenne (BCE). Or, comme tout financier le sait, il est trop risqué d’affronter une banque centrale dont les moyens sont, par définition, illimités.
 
Pour autant, l’Allemagne va finir par en avoir assez d’une France incapable de se réformer depuis plusieurs décennies. Les gouvernements français sont toujours en « mode réactif » : ils lancent des mesures quand ils ne peuvent plus faire autrement. 
 
Il y a là un manque de maturité assez inquiétant. Hollande le reconnaît désormais : il n’a jamais cru que la crise était aussi grave. Or, le rôle d’un dirigeant politique est de travailler sur toutes les hypothèses. Quant à la droite, sa surenchère actuelle en faveur des économies n’est pas jugée crédible : elle a été au pouvoir pendant 10 ans jusqu’en 2012 : pourquoi n’a-t-elle pas mis en œuvre les réformes qu’elle préconise aujourd’hui ?
 
Les dirigeants politiques français sont comme dans un théâtre : ils changent de rôle régulièrement mais ils n’envisagent pas d’écrire une nouvelle pièce.
 
Ils doivent impérativement ouvrir les yeux : le monde bouge à une allure folle et personne n’attendra la France. Un exemple : en 2013, les investissements directs étrangers (IDE) ont progressé de 11% dans le monde, selon les données de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). En France, ils ont chuté de 77% à 5,7 milliards de dollars, soit 4,1 milliards d'euros.
 
Les entreprises internationales attendent de savoir si le gouvernement va vraiment simplifier les procédures, baisser les prélèvements sociaux et les impôts, moderniser les relations sociales et, surtout, réduire les dépenses publiques car c’est le seul moyen de retrouver des marges de manœuvre.
 
Le gouvernement a gagné du temps. Il doit le mettre à profit pour engager enfin les réformes qui redonneront confiance aux acteurs économiques.