Royaume-Uni : moins de croissance, plus d’inflation…

par Nathalie Dezeure, économiste chez Natixis

La troisième version des comptes nationaux a révélé une révision baissière de la croissance avec un repli du PIB de 1,6% T/T, contre -1,5% précédemment estimé. Par ailleurs, l’évolution des échanges extérieurs au premier trimestre de cette année est moins favorable que prévu : les exportations de biens ont fortement baissé (-4,5% M/M en volume en janvier; -15,6% GA) tandis que le repli des importations a été plus contenu (-1,2% M/M, -14,3% GA). En conséquence, la contribution des exportations nettes a été revue à la baisse et nous avons révisé notre prévision de croissance 2009 à -3% (versus -2,8%).

Forte baisse du PIB attendue au premier trimestre

Les données relatives au premier trimestre suggèrent une forte baisse du PIB. Outre le commerce extérieur, l’évolution de la consommation des ménages pèsera encore (lourdement) sur le PIB. En effet, les ventes au détail ont baissé de 1,9% M/M en février après trois mois consécutifs de hausse : la baisse de la TVA accordée en décembre et les importants rabais dans le cadre des soldes ont fait long feu.

Les enquêtes le confirment : tant les ménages que les entreprises annoncent une baisse significative des ventes au cours des prochains mois. Selon l’enquête GfK, la confiance des ménages se maintient à de très bas niveaux (-30 en mars) et les intentions d’achats sont restées extrêmement faibles (-36 en mars après un plancher de -40 en février).

Par ailleurs, la baisse des dépenses de services (52% de la consommation des ménages) s’est prolongée, comme le suggère l’évolution du chiffre d’affaires dans ce secteur (75% de la valeur ajoutée produite).

En conséquence, les dépenses des ménages enregistreront une baisse marquée début 2009 ; Selon nos prévisions, après un repli de 1% T/T au T4-08 (sa plus forte baisse depuis 1980), la consommation des ménages reculera de 0,9% T/T au premier trimestre 2009. Des replis plus modérés seront enregistrés au cours des trimestres suivants (respectivement -0,5%, -0,5% et -0,2%) de sorte que la consommation reculera de 2,5% sur l’ensemble de l’année.

Les carnets de commandes des industriels, en chute libre depuis fin 2008, confirment la forte baisse de la demande interne mais également celle de la demande externe.

Dans ce contexte, l’effondrement de la production industrielle (soit 18% de la VA) devrait se prolonger dans les mois à venir. L’indice décrivant les perspectives de production du CBI a atteint des planchers qui n’avaient pas été observés depuis 1980, année durant laquelle la production manufacturière avait reculé de 8,6%.

La construction (6% de la VA) restera également sinistrée. La baisse des permis de construire s’est intensifiée, suggérant une accélération de la baisse des mises en chantier sur la première partie de l’année.

Plus généralement, le secteur immobilier continue de s’enfoncer dans la crise : le nombre de transactions immobilières se maintient à des planchers historiques.

Premiers signes d’amélioration du marché immobilier ?

Néanmoins, certains signent suggèrent qu’une légère amélioration pourrait s’observer dans les mois à venir. En effet, la très forte baisse des taux hypothécaires observée depuis décembre dernier (4% en décembre 08 et 3,2% en janvier 09, contre 5,9% en moyenne en 2008) semble avoir ravivé l’intérêt de certains acheteurs. Les demandes de renseignements concernant les crédits hypothécaires ont enregistré une vive croissance au cours des tous derniers mois.

Théoriquement, ce mouvement annonce une reprise des crédits hypothécaires qui devrait s’accompagner d’une progression des transactions immobilières.

Les données du mois de février ont d’ailleurs mis en évidence une hausse significative du nombre de crédits immobiliers accordés (+19%, à un niveau qui demeure toutefois très faible). En conséquence, les transactions immobilières pourraient avoir atteint un point bas en février dernier. Néanmoins, si une reprise des transactions se dessine elle s’annonce très limitée. D’une part, elle semble concerner principalement les agents qui disposent d’une épargne importante (c'est-à-dire un ratio loan to value faible). D’autre part, les conditions de crédit des banques sont toujours très serrées. Au final, l’effet de cette reprise des transactions sur l’investissement résidentiel sera marginal et ne permettra pas d’éviter de fortes baisses (-5,5% attendus en T1-09 puis -2% en T2-09).

La désinflation n’est pas remise en question

La publication des chiffres d’inflation a constitué une mauvaise surprise. Après quatre baisses consécutives, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 0,9% en février. L’inflation a ainsi regagné 0,2 point à 3,2%. Au cours des mois précédents, la baisse de la TVA et les rabais accordés par les détaillants pendant les soldes avaient tirés les prix vers le bas compensant largement la dépréciation de la devise. Ses effets se sont fait sentir plus nettement en février.

Dans sa lettre adressée au Chancelier de l’Echiquier, Mervyn King a d’ailleurs expliqué les causes du regain d’inflation de février par la dépréciation de la livre qui a effacé la baisse de prix des matières premières. En particulier, les prix des produits alimentaires, largement importés (le taux de couverture des importations par les exportations est de 44%), a augmenté en 1,7% M/M (soit une contribution de 0,2 point à la hausse de l’indice global).

Néanmoins, les perspectives sont baissières et l’inflation devrait se replier très nettement dès le mois de mars. Si une appréciation significative de la livre n’est pas d’actualité (l’ampleur de la récession, l’augmentation du déficit courant, la forte augmentation du déficit et de la dette publics et le maintien de taux d’intérêt bas pèseront sur la devise), la dépréciation restera limitée dans les mois à venir.

Selon nos prévisions le taux de change effectif de la livre pourrait encore reculer d’environ 5% à 6 mois et de près de 2% à un an.

Par ailleurs, outre la faiblesse de la demande intérieure, plusieurs éléments annoncent une importante décrue de l’inflation. D’une part, les entreprises ont signalé une très nette baisse des coûts salariaux. D’autre part, les surcapacités de production sont importantes.

Dans ce contexte, les anticipations des agents annoncent toujours une forte baisse de l’inflation. Selon l’enquête GfK, les perspectives d’inflation des ménages ont légèrement augmenté en mars (de -40 en février, un plancher historique, à -36 en mars) mais se maintiennent à un niveau très bas. De même, les anticipations de marché extraites des indexées inflation, en légère hausse depuis mi-mars, restent contenues.

Compte tenu de la forte progression du CPI en mars, nos prévisions d’inflation ont été revues en hausse. Elles confirment néanmoins la désinflation en cours. La baisse des cours des matières premières (pétrole compris) entrainera une décélération significative des prix pour les composantes alimentaires (+3,5% en GA sur l’année après +4,5% en 2008) et logement (de +8,6% à +3,5%) et une baisse dans les transports (-2,5%, un repli qui sera également entrainée par la chute des prix des automobiles).

Alors que la baisse des prix se confirmera pour les composantes « habillement » et « communication », l’inflation reculera significativement à 1,4% en moyenne cette année, contre 3,6% en 2008. Elle restera modeste en 2010 (1,6%), compte tenu d’une hausse du pétrole (+10%) et d’une demande interne toujours moribonde. L’inflation se maintiendra donc sous la cible de la BoE, ce qui lui permettra de maintenir durablement son taux de base à 0,5%.

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