La dernière ligne droite

par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé, et Xavier d'Ornellas, Gérant Associé Pôle Gestion Flexible chez Amplégest avec la participation de Jean-Michel Mourette, Economiste (Eureka Finance)

Ces derniers mois ont été marqués par la confirmation de la reprise économique en Europe, dont le rythme de croissance se rapproche désormais de celui des Etats-Unis. Le retour de la confiance se traduit par des enquêtes d’opinions, chez les particuliers et les industriels, en constante amélioration. Les carnets de commandes se remplissent, le marché du travail se redresse et la distribution de crédit progresse significativement. La BCE reste en appui avec des taux courts très bas et des liquidités abondantes.

Il est probable que, dans la seconde partie de 2017, elle commence à réduire ses injections (« tapering »), mais elle restera d’autant plus prudente que l’Europe n’en est qu’à son début de cycle économique et que le risque inflationniste est aujourd’hui faible. L’Europe sort tout juste d’un risque de déflation, et la hausse récente des indices de prix est en grande partie due à un effet de base défavorable sur le pétrole.

Comme nous l’écrivions en mars, cette amélioration économique est masquée par le risque politique français. Une élection de Mme Le Pen, peu probable à ce jour mais pas impossible, serait un choc qui remettrait en question notre scénario économique à court terme. Le principal enjeu est, bien entendu, le maintien ou non de la France dans la zone euro mais, n’en doutons pas, une telle nouvelle provoquerait également dans un premier temps l’arrêt des investissements, une fuite des capitaux et une hausse importante des taux longs. Dans cette hypothèse nous augmenterions certainement la partie internationale de nos portefeuilles.

En revanche, une victoire de M. Macron ou de M. Fillon serait un soulagement chez les investisseurs et dégagerait la route pour la reprise européenne. On va maintenant rapidement savoir. Le souvenir du Brexit et de l’élection de M. Trump nous incitent à la prudence. Il est très paradoxal de constater que la montée des populismes dans le monde se produit au moment même où les économies repartent. Les conséquences du choc de 2008 agissent comme un effet de second tour. A la crise économique se sont ajoutées une crise de société et une crise d’identité. 2008 reste une référence traumatisante dans l’esprit des investisseurs mais il se pourrait que l’on vive les derniers effets de cette débâcle.

Le reste du monde n’est pas impacté par cette élection française et la reprise synchronisée des économies agit comme un moteur puissant pour les marchés. L’échec de M. Trump sur l’Obamacare laisse planer un doute sur sa capacité à gouverner. Mais il met également en évidence la capacité des contre pouvoirs américains à prévenir toute dérive personnelle. Cela devrait en tout cas inciter le président américain à mettre tout son poids pour réussir son ambitieuse réforme fiscale. La Federal Reserve continuera d’agir prudemment pour que sa politique de taux d’intérêts n’affecte pas la croissance économique. De la même façon, en Asie, l’évolution récente confirme la tendance favorable observée depuis plusieurs mois.

Nous abordons cette dernière ligne droite électorale française avec un peu plus de prudence en augmentant légèrement les liquidités dans nos portefeuilles. Nos fonds flexibles ont, par ailleurs, initié des stratégies de couverture à court terme. « Quant aux deux passions de l’incertitude, ce sont la peur et l’espérance » écrivait l’auteur italien Salvatore Veca. L’incertitude est sur le point d’être levée et cela donnera une vraie tendance pour le reste de l’année. Nous croyons malgré tout à un vote pro européen qui provoquerait une hausse supplémentaire des indices tout en nous donnant enfin un peu de visibilité. Une telle issue entrainerait certainement ce grand mouvement de rerating de l’Europe dans les gestions internationales que nous attendons depuis début 2016. Nous utiliserions nos liquidités pour jouer d’avantage ce mouvement dans nos portefeuilles.