Une question d’éducation

par Bryony Deuchars, Gérante de portefeuille Actions Marchés Emergents & Asie Pacifique chez Aviva Investors

L'éducation est essentielle pour assurer la croissance des pays en développement. Selon l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), offrir à chaque enfant un accès à l'éducation et aux compétences nécessaires pour participer pleinement à la société augmenterait le PIB de 28% dans les pays à bas revenu et de 16% dans les pays à revenus élevés au cours des 80 prochaines années.

On peut donc se demander quels sont les pays qui mettent en œuvre avec succès des programmes d'éducation pour améliorer les conditions de vie, la prospérité et la croissance. Et quelles sont les conséquences pour l'investisseur de cette corrélation entre supériorité de l'éducation et réussite économique.

L'éducation stimule la croissance économique de nombreuses manières, selon les Nations Unies : elle tend à réduire le nombre de naissances et de personnes dépendantes par famille, et équipe directement les habitants de compétences qui augmentent leur revenu. En moyenne, une année d'éducation supplémentaire correspond à une augmentation de 10 % du salaire futur.

Pour les pays qui sont prêts à adopter une vision à long terme et à réaliser les investissements nécessaires, la récompense peut être très importante. À cet égard, on peut comparer les cas de l'Inde et de la Chine. Selon l'économiste Amartya Sen, les performances supérieures de la Chine en matière d'éducation de sa population contribuent à expliquer pourquoi ce pays a surpassé l'Inde d'environ 1 % de croissance par an en moyenne ces dernières décennies.

Comme le Japon lorsqu'il était à un stade similaire de son développement, le gouvernement chinois du début des années 1980 a pris conscience que l'investissement dans le capital humain était un élément indispensable de la croissance économique, et non un luxe qu'on pourrait repousser en faisant passer d'abord d'autres besoins de développement comme les infrastructures.

Par comparaison, les performances de l'Inde en matière d'éducation sont relativement faibles. Son taux d'alphabétisation est d'à peine 71 %, loin derrière la Chine qui affiche 96 %. En fait, le taux d'alphabétisation de l'Inde aujourd'hui est inférieur à celui de la Chine en 1990. Ce n'est peut-être pas une coïncidence si les citoyens chinois, qui gagnaient moins que ceux de l'Inde jusqu'au début des années 1980, gagnent aujourd'hui en moyenne 8 250 dollars par an, contre 1 718 dollars par an en moyenne en Inde.

La qualité du système d'éducation varie énormément d'un pays émergent à l'autre. En 2015, l'OCDE a réalisé la plus grande enquête à ce jour sur la scolarisation au niveau mondial, classant 76 pays selon les performances de leurs adolescents de 15 ans en mathématiques et en sciences. Les cinq premières places étaient occupées par des pays d'Asie de l'Est, tandis que l'Afrique du Sud et le Ghana arrivaient à la 75ème et à la 76ème place respectivement.

Ces écarts massifs de résultats reflètent en partie la différence de niveaux d'investissement des gouvernements dans l'éducation, mais pas exclusivement. Les écoles publiques sud-africaines, par exemple, ne manquent pas de financements, puisque les dépenses publiques consacrées à l'éducation s'élèvent à 6,4 % du PIB, soit bien plus que la moyenne des pays OCDE de 4,5 %.5 Toutefois, le manque de qualité de l'enseignement et la mauvaise gestion des ressources sont des problèmes réels.

Impact sur les investissements

Considérant la corrélation prouvée entre les résultats de l'éducation et la croissance économique, il est logique pour un investisseur à long terme de prendre en compte les performances d'un pays en matière d'éducation lors de l'évaluation de ses perspectives économiques.

La Pologne par exemple enregistre des progrès dans ce domaine, puisqu'elle a récemment réformé son système éducatif et amélioré ses performances. Jadis considérée comme en dessous de la moyenne des économies OCDE, la Pologne se classe désormais parmi les 10 meilleurs pays en matière de lecture et de sciences et parmi les 15 meilleurs en mathématiques.

Le Brésil est un autre bon exemple. Beaucoup de choses se sont détériorées dans ce pays au cours des 10 dernières années, toutefois les investissements sociaux de l'administration du président Lula ont permis une augmentation substantielle du nombre d'élèves scolarisés et du niveau d'éducation, ce qui pourrait se traduire par des dividendes économiques sur le long terme.

Par ailleurs, dans les pays dont le gouvernement n'est pas capable de concevoir et de mettre en place des politiques d'éducation solides, les parents se tournent de plus en plus vers le secteur privé. Cette tendance peut ouvrir des opportunités directes pour les investisseurs sur les marchés émergents. Les prestataires privés dans le domaine de l'éducation sont confrontés à des obstacles considérables ; une fois ceux-ci surmontés en revanche ils peuvent être extrêmement rentables. Pour ceux qui ont le courage de prendre le risque, le secteur de l'éducation privée dans les pays émergents pourrait s'avérer très rémunérateur.

NOTES

  1. Universal basic skills, what countries stand to gain (Compétences de base universelles, ce que les pays ont à y gagner), OCDE, mai 2015.
  2. "Why India trails China" (Pourquoi l'Inde est derrière la Chine), New York Times, juin 2013
  3. Banque mondiale
  4. "Asia tops biggest global school rankings" (l'Asie en tête du plus grand classement des écoles du monde), BBC News, mai 2015.
  5. "Education: Back to basics" (l'éducation : retour aux fondamentaux), Citi, juillet 2017
  6. Poland: education policy outlook (Pologne : perspectives de politique d'éducation), OCDE, novembre 2015