Dollar US, Courbe des taux et prix pétroliers : des enjeux de premier plan pour les investisseurs

par Witold Bahkre, Stratégiste chez Nordea Asset Management

Que devons-nous attendre de la Fed et comment sa politique monétaire impactera les devises ? La Fed déploie une politique de resserrement monétaire, de manière conventionnelle, grâce à une hausse des taux directeurs et de manière non conventionnelle, via la réduction de son bilan. Alors que, de façon inédite, la banque centrale doit piloter ce virage après la plus grande expérience d’assouplissement quantitatif de l’histoire monétaire (avec les inconnues que cela comporte), le dollar US devrait s’apprécier légèrement face à la plupart des autres devises, y compris l’euro. La réduction du bilan de la Fed provoquera une réduction des liquidités en dollar US sur les marchés. De leur côté, les bilans de la BCE et de la BoJ sont encore en expansion, des catalyseurs de nature à soutenir le renforcement du dollar US.

À moyen terme, le cycle d’activité américain est généralement plus mature. Ce type de configuration a toujours mené à un renforcement du dollar US. La faiblesse récente du dollar US semble donc un peu excessive. Pour les cambistes, le moment est toujours favorable à un positionnement « acheteur » sur un dollar US en vue d’une appréciation à moyen terme.

Taux américains : un aplatissement de la courbe des taux inédit depuis plus de 10 ans

L’écart de rendement entre les obligations souveraines américaines à 2 ans et 10 ans est au plus bas depuis plus de 10 ans. Nous ne sommes plus si loin d’une inversion de la courbe de taux : il faudrait probablement encore deux à trois hausses des taux directeurs de la Fed pour qu’une telle configuration se confirme.

C’est pourquoi chez Nordea AM, nous estimons que trois hausses des Fed Funds en 2018 est un scénario trop offensif. La banque centrale américaine ne prendra pas le risque d’une inversion de la courbe des taux.

L’aplatissement de la courbe, qui devrait se poursuivre en 2018, prouve avec force que nous nous situons au dernier stade du cycle de croissance économique. Les investisseurs doivent l’avoir à l’esprit. À cette étape du cycle les actions délivrent encore des performances robustes. En revanche, les performances des obligations high yield ont tendance à se détériorer, ce segment étant souvent le premier parmi les classes d’actifs dites risquées à sous-performer quand le cycle est mature.

Dans ces conditions, nous privilégierons les obligations de notation investment-grade, plutôt que high yield. N’oublions pas non plus que le segment high yield a figuré ces dernières années, parmi les principaux bénéficiaires du « quantitative easing » des banques centrales et de l’environnement de taux d’intérêt bas. Désormais, la Fed a engagé son resserrement monétaire, la volatilité est faible mais devrait connaître une tendance haussière possible ; cela devrait peser sur le compartiment high yield.

Le rallye des marchés émergents va-t-il durer ?

La réduction des liquidités est susceptible d’atténuer la croissance mondiale dans les prochains trimestres. Cela affectera en particulier les marchés émergents, qui représentent traditionnellement un univers d’investissement à fort beta.

Compte tenu du changement de cap monétaire des banques centrales des marchés développés – même le pouvoir chinois cherche à limiter les risques de l’effet de levier – les flux de liquidités devraient être plus modérés dans le futur. Le rallye des marchés émergents devrait être plus modeste en 2018 sur les différentes classes d’actifs. Le dollar US est un facteur clé : s’il s’apprécie fortement, le rallye des marchés émergents pourrait vraiment ralentir.

Perspectives macroéconomiques : quelle trajectoire pour le pétrole ?

Ces derniers trimestres, l’offre a représenté le principal catalyseur des mouvements de cours. Cela devrait changer. Et le cours du pétrole devrait s’affaiblir dans les prochains mois ! Principalement parce que la croissance mondiale devrait ralentir au moment où les Banques centrales réduisent l’afflux de liquidités, ce qui pourrait conduire à la baisse de la demande mondiale.

En termes de cours, nous anticipons un retour à 50/60 dollars US le baril, dans les prochains trimestres.

Si toutefois le dollar américain devait s’apprécier plus fortement qu’attendu, le cours de l’or noir pourrait chuter sous le seuil de 50 USD. Et comme toujours, les risques politiques constitueront un facteur décisif pour les cours pétroliers. Suffisamment d’analystes ont échoué à prédire les événements politiques, mieux vaut s’abstenir !