Réforme fiscale américaine : quelles conséquences ?

par Eric Winograd, Economiste senior chez AllianceBernstein (AB)

La semaine dernière, suite au succès remporté au Sénat par le président Trump, il est désormais fort probable que son projet de réforme fiscale soit adopté très prochainement. Nous pensons que les différents entre la Chambre des représentants et celle du Sénat vont être résolus et que la loi sera promulguée d’ici quelques semaines, voire même avant la fin de l’année.

Quelles conséquences pour le marché ?

Du point de vue des marchés actions, la réforme fiscale est une bonne nouvelle parce qu’elle devrait permettre une augmentation des bénéfices nets des entreprises. Cette augmentation pourrait davantage encourager les rachats d’actions, comme constaté avec les baisses d’impôts introduites sous l’administration Bush, que des investissements supplémentaires. Sur le plan économique, l’accroissement des dépenses d’investissement est le principal indicateur en termes d’impact sur la croissance. Les personnes qui souscrivent une assurance maladie via les bourses d’échange instaurées par le régime Obamacare pourraient également être pénalisées (cela à supposer que l’obligation de souscrire une assurance-santé soit abrogée, ce qui semble probable). Il faudrait alors s’attendre à ce qu’un nombre considérable de personnes (le CBO estime ce chiffre à 10 millions) se retirent des bourses concernées, ce qui risque d’entrainer une hausse des primes d’assurance pour ceux qui conserveront leur contrat.

Quelles conséquences pour la croissance ?

Lorsque l’on examine la tournure probable de la réforme dans sa phase finale, il nous semble que la modification des tranches d’imposition n’apportera pas de changement radical ni ne devrait avoir d’impact majeur sur l’économie réelle. Selon nos estimations, la baisse des impôts devrait légèrement doper la croissance, à hauteur sans doute de 0,2% ou 0,3% en 2018 et 2019. Cependant, dans la mesure où certaines des dispositions de la réforme disparaîtront probablement après quelques années (condition indispensable au respect du plafond de 1500 milliards de dollars fixé au déficit public pour lui permettre d’être voté par le Sénat), son impact sur la croissance à plus long terme est susceptible d’être minime. À supposer que ces dispositions soient prolongées, l’impact à long terme pourrait être plus important. Il faudra toutefois attendre plusieurs années pour que le flou sur ce point soit levé.

Quelles conséquences pour la politique monétaire ?

L’accélération de la croissance s’accompagne généralement d’une hausse de l’inflation. La croissance économique dépassant déjà le niveau de pleine capacité estimé par la Fed, toute relance budgétaire accroît la probabilité d’un durcissement de la politique monétaire. Nous nous attendons déjà à ce que la Fed relève ses taux à quatre reprises en 2018. La réforme fiscale renforce notre conviction à cet égard mais n’est pas suffisante à elle seule pour justifier une modification de nos prévisions compte tenu de son impact limité sur la croissance. Le fait est que la hausse des taux d’intérêt pourrait limiter plus encore l’impact de la réforme sur la croissance.

Quel sera le coût de la réforme ?

Selon nous, il faudrait que le surplus de croissance induit par cette réforme soit bien plus important pour lui permettre d’avoir un effet neutre d’un point de vue budgétaire. Il semble au contraire probable que le déficit public connaîtra une augmentation de l’ordre de 600 à 1500 milliards de dollars par rapport à ce qu’il serait en l’absence de réforme. Cette expansion budgétaire pourrait se traduire par une hausse des taux d’intérêt, ce qui aurait également pour conséquence de réduire l’impact de la réforme sur la croissance. Certains membres du Congrès font valoir que les baisses d’impôts s’auto-financeront en dopant la croissance de manière suffisante pour maintenir les recettes publiques malgré la baisse des taux d’imposition. Toutefois, la plupart des estimations raisonnables démentent largement cette hypothèse. Il est fort probable que la réforme fiscale aura pour effet de gonfler les déficits et la dette publique.