Réforme de la régulation financière américaine, Acte I

par Estelle Honthaas, économiste au Crédit Agricole

• Alors que l’environnement bancaire semble en voie de normalisation (remboursement du TARP, baisse des tensions sur les marchés interbancaires etc.), l’Administration Obama a dévoilé un projet de réforme ambitieux de la régulation du système financier.
• Dans ce plan dense qui doit encore passer au Congrès, la Fed hérite de pouvoirs élargis, et, fait nouveau, les principales institutions financières non bancaires seront étroitement supervisées.

Les régulateurs sont pléthoriques aux Etats-Unis, tant au niveau des Etats qu’au niveau Fédéral, reflétant le grand morcellement du système bancaire américain. Pourtant ils n’ont pas réussi à prévenir la pire crise financière depuis la Grande Dépression. Pour l’Administration Obama, les causes de cette inefficacité sont notamment le « shopping réglementaire » permis par ce morcellement (les institutions financières choisissant le régulateur le moins contraignant), mais aussi la régulation très souple de pans entiers du système financier tels les composants du Shadow Financial System (véhicules hors bilan des banques, hedge funds…), certains prêteurs immobiliers, les établissements de cartes de crédit etc.

L’objectif de cette réforme est d’éviter ou au moins de prévenir les futures crises financières. Pour cela, elle ambitionne d’améliorer l’efficacité de la supervision financière américaine, sans tomber dans l’expédition punitive qui s’avèrerait économiquement contreproductive, à l’instar de la loi Sarbanes Oxley.

Les axes de la réforme

Le plan présenté s’articule autour de cinq axes :

  1. Renforcer la supervision de toutes les institutions financières, y compris non bancaires. Le Trésor s’oriente vers une régulation davantage macro-prudentielle, c'est-à-dire une organisation dans laquelle l’objectif final est la stabilité non pas seulement de chaque acteur pris individuellement (régulation micro-prudentielle), mais de l’ensemble du système financier. Autrement dit, il s’agit d’éviter que la défaillance d’un acteur largement connecté aux autres (tels AIG ou Lehman Brothers), soit susceptible de remettre en cause la stabilité de l’ensemble du système financier. Sur ce point, le Trésor n’a pas souhaité (ou pas pu du fait des multiples pressions qui se sont exercées contre cette option) emprunter la voie du régulateur unique. Au contraire, puisqu’il a laissé quasiment en l’état, à une exception près (fusion implicite entre l’OTS et l’OCC pour créer le National Bank Supervisor), la structure existante des régulateurs fédéraux, en modifiant cependant certains périmètres. En revanche, il accorde un rôle central à la Fed. Elle obtiendrait notamment le rôle de régulateur systémique, chargé de superviser les plus grandes institutions financières, non seulement bancaires, mais aussi non bancaires (les Financial Holding Companies). Ce point aura des conséquences considérables pour les principales institutions financières non bancaires, car elles seront désormais soumises aux mêmes contraintes en capital et en liquidité que les grandes banques (elles-mêmes soumises à des exigences réglementaires plus grandes que les institutions plus petites). Pour contrer les critiques sur la toute puissance de la Fed, une nouvelle institution sera créée, le Collège des Superviseurs. Il sera lui chargé de détecter les risques de crises mais aussi de coordonner les différents régulateurs.
  2. Renforcer la réglementation financière des marchés, afin de contrer la concentration des risques sur certains d’entre eux. C’est la raison pour laquelle le plan se propose de mieux encadrer les activités de titrisation (obligation pour les établissements prêteurs de garder dans leur bilan au moins 5% du risque de crédit des prêts titrisés etc.), mais aussi les marchés de CDS et autres marchés de gré à gré.
  3. Protéger plus efficacement les consommateurs. Mise en place d’une agence de supervision (Consumer Financial Protection Agency) chargée de protéger les acheteurs de produits financiers, dans la continuité de la récente réforme des pratiques de l’industrie des cartes de crédit.
  4. Gérer plus efficacement les crises financières. Eviter que des faillites d’institutions importantes ne menacent l’ensemble du système financier.
  5. Accroître la coopération internationale en matière de réglementation.

La réforme n’en est qu’à ses débuts

A ce stade, ce plan annonce un grand nombre de projets et de chantiers (exigences prudentielles, supervision des plus grandes institutions financières, rémunérations etc.) qui seront précisés et négociés avec le Congrès tout au long de l’année 2009. Parmi les points qui seront le plus débattus, figurera probablement notamment le niveau des exigences réglementaires requises en contrepartie de l’institutionnalisation d’établissements « too big to fail ». Il n’en reste pas moins que dans ses grandes lignes, cette réforme va bien dans le sens d’une plus grande stabilité financière.

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