2019, fin de cycle ?

Et si le cycle d’expansion économique qui a débuté en juillet 2009 aux Etats-Unis touchait à sa fin ? 2019 devrait pour le moins marquer un ralentissement. Le changement de régime économique aux Etats-Unis, les tensions commerciales et les risques géopolitiques devraient peser sur la croissance mondiale dans les prochains mois.
 
Le Fonds monétaire international (FMI) table sur 3,7% en 2019 comme en 2018 après avoir abaissé sa prévision de 0,2 point en octobre dernier. Mais plusieurs économistes anticipent plutôt un taux autour de 3,5% l’an prochain. Un niveau qui demeure supérieur à la moyenne 10 ans (3,2%) et à la moyenne 20 ans (3,4%) mais qui cache des disparités d’une zone à l’autre : la désynchronisation à l’œuvre devrait se renforcer.
 
Comme le souligne Ariel Emirian, économiste chez Société Générale, « On sort d’une période un peu exceptionnelle en 2017/2018, avec le prix bas du pétrole, le dollar, etc. Plus que d’un ralentissement, j’aurais envie de parler d’une normalisation, avec une croissance proche du potentiel alors qu’elle était jusqu’à présent au-dessus. »
 
Mais l’inquiétude, mesurée par la nervosité sur les marchés financiers depuis plusieurs mois, est bien présente. Car les investisseurs se demandent si les autorités auraient les moyens de mettre en œuvre une relance pour éviter de plonger en récession.
 
La question se pose surtout pour les Etats-Unis. Laetitia Baldeschi, responsable des études et de la stratégie de CPR AM, souligne ainsi que « les Etats-Unis vont ralentir, avec un moindre soutien fiscal et les effets du resserrement monétaire déjà effectué, notamment sur l’investissement résidentiel. L’endettement des entreprises est important et devrait faire l’objet d’une surveillance accrue. »
 
Donald Trump a multiplié les attaques contre le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, qu’il a pourtant nommé, pour le dissuader de relever les taux directeurs. Pourquoi ? Parce que le président américain, qui a massivement baissé les impôts pour les plus riches et pour les entreprises en 2018 en creusant le déficit budgétaire (+17% à 3,9% du PIB), sait qu’il n’a plus de marge de manœuvre pour soutenir l’économie. 
 
Or, le ralentissement prévu en 2019 pourrait se transformer en 2020 en récession – au moins deux trimestres de contraction du PIB. Le pire « timing » pour le chef de la Maison Blanche qui compte solliciter un nouveau mandat en 2020.  
 
Quid des tensions commerciales ? A priori, les Etats-Unis et la Chine, les deux premières puissances mondiales, ont intérêt à trouver un accord. Mais Donald Trump, qui se présente comme un « nationaliste », est déterminé à empêcher la Chine de devenir un égal de son pays en matière de technologie, en restreignant son accès à certaines technologies américaines et en interdisant certains produits chinois, comme les équipements de télécommunications de Huawei et de ZTE. 
 
D’où la notion de « guerre froide technologique », avancée par les stratèges d’Allianz Global Investors, qui expliquent que cette situation « aura pour effet de peser sur les marges bénéficiaires, de freiner l’innovation et d’induire des disruptions au sein des chaînes logistiques internationales des entreprises du secteur. »
 
Cette « guerre froide technologique » pénalisera la Chine – dont l’économie est déjà en train de ralentir sous l’effet d’un changement de modèle –  mais aura donc aussi un impact significatif sur l’économie américaine. D’où des inquiétudes sur la croissance.
 
Dans ce contexte, l’Europe aurait pu être perçue comme un havre de paix. Mais, outre que la croissance est structurellement moins forte qu’aux Etats-Unis (un taux de 2% attendu par le FMI en 2019), elle est confrontée à divers sujets politiques. Le Brexit n’est toujours pas défini précisément et une sortie non négociée du Royaume-Uni de l’UE aurait des conséquences économiques majeures. L’Italie, dirigée par une coalition réunissant extrême-droite et populistes, ne donne pas l’impression de vouloir céder aux diktats de Bruxelles sur sa politique budgétaire. La France a, elle, été secouée par le mouvement des « Gilets jaunes », qui a obligé le président Emmanuel Macron à changer brutalement de trajectoire, en promettant de dépenser quelque 10 milliards d’euros. Encore une fois, elle ne respectera pas les critères de Maastricht, le déficit public devant se situer entre 3 ,2% et de 3,5% alors que la dette publique est proche de 100% du PIB !
 
Trois sujets majeurs d’inquiétude qui font que l’Europe n’est pas en mesure de rassurer les investisseurs internationaux. Ceux-ci ont du reste massivement retiré des fonds au cours des derniers mois pour réinvestir aux Etats-Unis afin de profiter de la réforme fiscale. Malgré les difficultés attendues chez eux, en particulier le retour de la volatilité, les Américains vont privilégier de nouveau leurs marchés domestiques.
 
Restent les pays émergents ? Pourraient-ils représenter une opportunité intéressante ? La croissance y est solide et l’inflation modérée tandis que les banques centrales ont commence à resserrer leurs politiques monétaires. Mais, comme le remarque Philippe Ithurbide, directeur de la recherche chez Amundi, il y a des risques spécifiques : « De nouvelles mesures protectionnistes à l’encontre de la Chine, une hausse des taux mal vue par les marchés, un ralentissement économique, une chute du dollar, un ralentissement chinois rendant la gestion de la stabilité financière plus difficile, des sorties de capitaux soudaines dues à des risques idiosyncratiques plus élevés. »
 
Enfin, il ne faut oublier la situation au Moyen-Orient, où le moindre dérapage pourrait avoir des conséquences sur le prix du pétrole.
 
Globalement, tout indique que l’on s’oriente vers une fin de cycle aux Etats-Unis, qui demeure le marché directeur, et les risques prennent les formes les plus diverses. Le pilotage de la politique économique nécessitera donc, en 2019, des talents exceptionnels. Les dirigeants sont-ils prêts ? Et comment réagiront les investisseurs ?