Finances publiques françaises : chronique d’une dérive annoncée ?

par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis

La France est entrée en récession au printemps 2008. Quatre trimestres de contraction du PIB se sont en effet succédé depuis le deuxième trimestre 2008, plongeant la France dans la plus forte récession de son histoire post-seconde guerre mondiale2.

La crise n’est pas finie. Même si la phase « dure » de la récession semble désormais passée (le PIB a reculé de 2,6% en six mois3), l’hypothèse d’une reprise cyclique à partir de l’an prochain parait encore bien fragile. Nous retenons pour notre part dans notre scénario central une stabilisation progressive de l’activité pendant l’été (pour un recul annuel du PIB de l’ordre de 2,7%), liée dans une large mesure à la montée en puissance concomitante des plans de relance décidés à l’échelle mondiale4.

En 2010, l’activité resterait globalement atone (+0,0%), sous l’effet d’un nouvel affaiblissement de la demande intérieure (consommation des ménages) et de l’essoufflement graduel des mesures de soutien de l’activité en France comme à l’étranger.

Il n’est pas surprenant, dans un tel contexte, d’assister à une forte augmentation des déficits publics (6,7% du PIB en 2009, 7% en 2010 selon nos prévisions). La meilleure performance française attendue cette année (par rapport à la zone euro5) est d’ailleurs intimement liée au différentiel de poids des principaux stabilisateurs d’ordre budgétaire dans les différentes économies de l’Union (fiscalité, transferts sociaux, emploi public). Le discours du gouvernement sur ce sujet – le déficit permet d’amortir la crise – nous semble à cet égard tout à fait justifié. Ce qui l’est moins en revanche, c’est l’asymétrie persistante dans la conception du rôle qu’est amené à jouer le budget au cours du cycle (contre-cyclicité invoquée en phase de conjoncture basse, pro-cyclicité recherchée en phase de conjoncture haute) et qui explique pourquoi, en 2012, la France aura probablement conservé son rang en tête des pays les moins vertueux en matière budgétaire.

Le discours de Versailles est à cet égard révélateur de la prédisposition française à ne pas respecter les engagements européens qu’elle a par ailleurs contribué à définir et formuler. Alors que nombre de pays membres de l’Union6 ont d’ores et déjà annoncé des mesures d’austérité pour réduire leurs déficits après la crise, la France fait figure d’exception en s’engageant à ne justement rien faire pour y remédier. Alors qu’une hausse de la pression fiscale semble clairement exclue, les seules pistes envisagées pour un hypothétique retour à l’équilibre demeurent en effet la sacrosainte maitrise des dépenses publiques et l’éternel espoir d’une croissance durablement supérieure à son potentiel.

A cet égard, si un retour rapide de la croissance à son juste potentiel nous semble relever d’un vœu pieu, nourrir à plus long terme l’espoir d’excédents cycliques permettant de résorber le niveau de déficit post-crise parait dans une large mesure illusoire7. Si nous ne doutons pas en revanche de la volonté affichée par le gouvernement en termes de réduction des dépenses publiques, nous restons toutefois relativement sceptiques sur les efforts actuellement consentis pour parvenir à un horizon proche, et par ce seul biais, à l’équilibre budgétaire8. Autrement dit, et à moins de revenir de manière définitive sur les engagements qui lient la France à ses principaux partenaires (pacte de stabilité et de croissance), une hausse de la pression fiscale à brève échéance nous semble décidément inéluctable.

NOTES

  1. Et non pendant l’automne, comme pouvaient le laisser penser les premières estimations de PIB de l’Insee. 
  2. La crise des années 30 s’était soldée par une contraction du PIB français de près de 15% en quatre ans.
  3. D’octobre 2008 à mars 2009.
  4. Voir Flash n°2009-274 : « Les cycles se décalent-ils dans le G7 ?»
  5. Nous prévoyons une contraction du PIB de 4,2% cette année en zone euro. 
  6. L’Irlande, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne…
  7. Voir, notamment, le Flash n°2009-286 : « Crise et production potentielle (et destruction de capacité) » et le Special report n°2009-193 : « Le pire dans une crise : la perte de PIB potentiel fait monter le déficit structurel et le taux de chômage structurel » 
  8. Dans un contexte où, en outre, les dépenses sociales sont amenées à augmenter (retraites, maladies…).

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