Banques allemandes : des failles exacerbées par la crise

par Céline Choulet, économiste chez BNP Paribas

Plus sévèrement affecté par la crise financière que ses confrères de la zone euro, le secteur bancaire allemand est appelé à réviser son modèle.

Les banques allemandes, en quête de rendements, se sont, en effet, plus exposées que les autres banques européennes aux produits à risque sans que les revenus récurrents tirés des pôles de banque de détail ne leur permettent de réduire leur vulnérabilité à la crise financière. Alors que l’incidence précise de la crise en matière de dépréciations d’actifs est encore imparfaitement révélée et que les projets de structures de cantonnement peinent à convaincre, le risque se diffuse progressivement au banking book en raison d’une dégradation brutale de l’activité économique.

Pour l’heure, le caractère parcimonieux et très ciblé des mesures de renforcement de la solvabilité et de la liquidité bancaires contraste avec l’ambitieux plan de soutien présenté par le gouvernement allemand en octobre 2008. Compte tenu de l’exposition résiduelle des banques allemandes aux actifs toxiques et de la hausse du risque de crédit dans le Mittelstand (PME), les stress tests de l’automne ne manqueront pas de précipiter de nouvelles mesures d’urgence.

L’émiettement du marché bancaire prive le secteur de revenus stables

L’année 2008 s’est soldée, pour les quatre grandes banques commerciales allemandes1, par une perte nette globale historique (EUR 10,8 milliards en cumul contre EUR 5,6 milliards en 2003) en raison de conséquentes pertes de trading (les dépréciations d’actifs et pertes bancaires cumulées sur un an se sont élevées à plus de EUR 21 milliards) et d’une hausse du coût du risque (multipliée par 3,3 en un an). Le premier trimestre 2009 n’a guère été brillant. Certes, elles ont dégagé un profit net cumulé de EUR 386 millions d’euros (après une perte nette de EUR 602 millions au premier trimestre 2008), mais loin des EUR 7,8 milliards publiés au premier trimestre 2007. Si les retraitements comptables permettront, à nouveau, d’immuniser partiellement les comptes de résultat des fluctuations de marché, les déficiences structurelles du système bancaire allemand continueront de peser, à défaut d’une mutation, sur les niveaux de rentabilité.

Amendement des normes IAS 39 et IAS 7 : des résultats bancaires en trompe-l’œil

Sans l’amendement des normes comptables IAS 39 et IAS 7, le groupe des grandes banques allemandes aurait publié une perte nette au premier trimestre 2009.

La révision de ces normes (engagée en octobre 2008) autorise, sous conditions, le reclassement de certains actifs financiers, jusqu’ici valorisés à la juste valeur, en actifs comptabilisés en coût historique ou amorti dans les portefeuilles bancaires2. L’intérêt est d’immuniser le compte de résultat des dévalorisations temporaires desdits actifs. L’amendement rend, de ce fait, plus difficile la lecture des résultats bancaires (les banques optimisent la gestion de leurs portefeuilles d’actifs en transférant dans le temps une partie des risques afférents sans pour autant les annihiler) et leur comparaison (les banques européennes ayant diversement levé l’option). Le choix de recourir à l’option résulte de l’arbitrage entre l’exigence en fonds propres additionnelle sur le banking book3 et la comptabilisation de moins-values supplémentaires en trading book.

Les banques allemandes ont, dès le troisième trimestre 2008, procédé aux transferts d’actifs permis par l’amendement et comptent parmi les plus grandes utilisatrices de cette facilité comptable. A titre de comparaison, la valeur comptable à la fin 2008 des actifs transférés par les quatre grandes banques allemandes représentait plus de 3,4% de leurs actifs totaux contre 1,1% en moyenne pour les banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, Natixis), 1,4% pour les banques italiennes (Unicredit, Intesa Sanpaolo), 1,6% pour les banques britanniques (RBS, Lloyds, Barclays, HBOS). En cumul, au second semestre 2008, les grandes banques commerciales allemandes4, les banques publiques régionales (Landesbanken)5 et Hypo Real Estate (HRE) ont transféré près de EUR 86 milliards d’actifs de trading et EUR 164 milliards d’actifs disponibles à la vente, soit EUR 250 milliards d’actifs au total (5% des actifs totaux de cet échantillon d’établissements), vers leurs portefeuilles de prêts et créances.

L’effet sur les revenus est loin d’être négligeable. Compte tenu, notamment, de l’érosion des valorisations de marché d’une large gamme d’actifs, les reclassements desdits actifs, opérés par les onze banques allemandes précitées, ont permis d’éviter EUR 10 milliards de pertes au second semestre 2008 (dépréciations évitées, gains en produits nets d’intérêts corrigés des dotations aux provisions liées au risque de crédit), soit 37% des pertes avant impôt publiées (EUR -27,3 milliards). Selon les établissements, l’atténuation du principe de comptabilisation en juste valeur a permis de limiter, d’amortir, voire de compenser, les pertes constatées.

Le cas de la Deutsche Bank est particulièrement illustratif. Le recours à l’amendement (EUR 38 milliards d’actifs transférés au 31 mars 2009) a permis à cet établissement de réduire de EUR 3,3 milliards le montant de ses pertes au second semestre 2008 (limi- tant la perte avant impôt du groupe à EUR -6 milliards) et d’accroître son bénéfice de EUR 1,2 milliard au premier trimestre 2009 (portant le résultat avant impôt du groupe à EUR 1,8 milliard). Si la Deutsche Bank n’avait pas recouru à l’option, le groupe des grandes banques aurait publié une perte nette de plus de EUR 14 milliards sur l’année 2008 (et non EUR -10,8 milliards) et, à nouveau, une perte nette au premier trimestre 2009 d’au moins EUR 800 millions (et non un gain net de EUR 386 millions).

Les informations disponibles ne permettent pas, en revanche, d’estimer précisément l’effet des reclassements sur les ratios Tier one des établissements. Ces transferts ont un impact ambivalent sur la solvabilité bancaire : ils permettent de préserver les fonds propres prudentiels en cas de dévalorisation temporaire des actifs (dépréciations d’actifs évitées, pertes latentes évitées sur la réserve Available For Sale6) mais alourdissent les encours moyens pondérés (la contrainte en capital réglementaire destiné à couvrir les risques de crédit est plus élevée que pour les risques de marché).

Les informations parcellaires disponibles semblent, toutefois, indiquer que le premier effet l’emporte sur le second, de sorte que, en règle générale, les reclassements ont augmenté les ratios de solvabilité des banques qui ont levé l’option.

Même à supposer qu’elles aient significativement entamé leur matelas d’actifs transférables, les banques allemandes pourraient, en 2009-2010, de nouveau recourir à ces facilités comptables. L’IASB devrait, à compter du second semestre 2009, aligner la norme IAS 39 sur les règles américaines qui, depuis le deuxième trimestre 2009, autorisent la valorisation au coût historique d’une gamme élargie d’actifs, fortement illiquides ou dépréciés, sous des conditions de reclassement moins restrictives7. Par ailleurs, alors que les bilans des banques allemandes sont particulièrement contaminés par les actifs à risque et que les projets de bad bank peinent à convaincre (cf. infra), les stress tests de cet automne risquent de faire apparaître des besoins en capitaux frais conséquents. Les banques allemandes devraient, dès lors, en sus des mesures de renforcement du capital, continuer de recourir à l’option. Des déficiences structurelles liées à une forte concurrence sur le marché de la banque de détail et du Mittelstand (PME).

Au-delà du contexte dégradé, l’étroitesse des marges d’intermédiation (0,7% en moyenne en 2008 pour les grandes banques commerciales) et le poids des frais généraux, conséquences d’un marché bancaire fragmenté8 et de distorsions de concurrence9, concourent à la faible rentabilité du secteur bancaire allemand. A défaut d’une consolidation du secteur et d’un renforcement des exigences de rentabilité au sein du groupe des banques publiques régionales (Landesbanken), les conditions d’exercice risquent de demeurer défavorables. Les banques allemandes devraient, dès lors, peiner en 2009-2010 à relever leur rentabilité, voire, pour certaines d’entre elles, à renouer avec des résultats nets positifs.

Un marché bancaire émietté

L’atonie du cycle du crédit et la concentration des parts de marché dans le groupe des caisses d’épargne (Sparkassen) et des établissements mutualistes limitent les volumes d’activité des banques commerciales et les privent de revenus stables compensant la cyclicité de la banque d’investissement.

Une brèche s’est, toutefois, ouverte avec les récentes acquisitions des deux grandes banques commerciales (Deutsche Bank a acquis la Deutsche Postbank, forte de 14,5 millions de clients ; Commerzbank, la Dresdner Bank dont le réseau compte 8,5 millions de clients). Par ailleurs, alors que les émissions obligataires reculaient, les encours de prêts aux sociétés non financières ont crû de 13,2% en octobre 2008, un plus haut historique pour les IFM allemandes. L’activité bancaire allemande a, de ce fait, bénéficié d’un mouvement de réintermédiation des financements aux sociétés non financières : sur les douze derniers mois, les concours bancaires ont contribué, en termes de flux, à 98,4% de l’endettement des entreprises (contre 55% entre 2003 et 2008) loin devant les actions cotées (9,3%), tandis que les flux nets d’émission de titres de dette étaient négatifs (-7,7% des financements reçus). L’inflexion générale du cycle des financements, amorcée en début d’année, devrait, toutefois, se poursuivre tant les indicateurs augurent une sévère contraction de l’activité économique. L’hypothèse d’un recul des encours de crédit n’est pas à écarter.

Des marges d’intermédiation sous pression

En 2009-2010, les marges bancaires allemandes devraient demeurer faibles, en dépit d’une politique monétaire accommodante.

Du côté des crédits, les marges apparentes10 ont profité, à la fin 2008-début 2009, de l’assouplissement de la politique monétaire de la BCE et de l’apaisement des tensions sur les taux courts du marché monétaire. A supposer que la baisse des taux courts se poursuive, l’effet jouerait tout au long de 2009.

A partir de 2010, sous l’hypothèse d’un aplatissement de la courbe des taux puis, au-delà, d’une reprise du cycle de resserrement monétaire, les marges apparentes sur le crédit devraient, en revanche, se resserrer.

La référence aux taux fixes (respectivement, 82,9% et 78,8% de la production nouvelle de crédits à l’habitat et à la consommation, 10% des nouveaux prêts consentis aux sociétés non financières en avril 2009) et le faible taux de rotation des encours de prêts (sur les douze mois s’achevant en avril 2009, le cumul de la production nouvelle de prêts à l’habitat à taux fixe représentait 16,5% de l’encours, 22,1% pour les prêts à la consommation et autres prêts aux ménages, 14,2% pour les prêts aux sociétés non financières) contribueront, en effet, à limiter la transmission de la hausse des taux de refinancement bancaire aux taux débiteurs. Du côté des dépôts, après s’être élargies au cours de 2008, les marges apparentes11 se sont contractées au tournant de l’année 2008-2009 et sont devenues négatives au début 2009. Outre la faible concentration du secteur bancaire qui implique une forte intensité concurrentielle (en 2007, les cinq premiers établissements de crédit allemands détenaient une part de marché de 22%, en termes d’actifs, contre une moyenne européenne de 44,4%), les établissements de crédit, soucieux de renforcer leur base de dépôts, se sont livrés une « course aux dépôts », particulièrement coûteuse étant donné la déformation induite des passifs bancaires (substitution des dépôts à terme de maturité courte, dont la rémunération est indexée sur les taux courts du marché – au plus haut + 46% en glissement annuel en juillet 2008 –, aux dépôts à vue). En 2009, si la baisse des taux courts de marché permettrait d’améliorer la position acquise de taux, les besoins en ressources stables et l’émiettement des parts de marché devraient continuer de mettre les marges sous pression. La moindre rémunération de l’épargne courte (baisse du coût d’opportunité associé à la détention d’encaisses à vue, non ou peu rémunérées) et la dégradation du contexte économique (renforcement de la préférence pour la liquidité) pourraient, toutefois, inciter les ménages à se constituer une épargne de précaution à vue, réduisant de fait le coût des ressources bilancielles. Les Sparkassen et établissements mutualistes qui se partagent des parts de marché significatives en termes de collecte des dépôts (33% des encours de dépôts et comptes sur livrets en avril 2009) devraient davantage en bénéficier.

Sur le marché de la banque de détail et du Mittelstand, la concurrence est vive : à celle des caisses d’épargne et établissements mutualistes (qui, selon un principe de spécialisation régionale, rendent le marché peu contestable), s’ajoute celle des Landesbanken (le soutien explicite des Länder et les moindres coûts de refinancement expliquent que les banques régionales soient éloignées de toute logique de rentabilité et proposent à leur clientèle des produits à des conditions sur lesquelles les banques commerciales ne peuvent s’aligner sans comprimer leurs marges).

L’engagement pris par les Länder (actionnaires des Landesbanken aux côtés des Sparkassen), s’il est tenu, mènera, d’ici à la fin 2010, à une consolidation du secteur bancaire public. A notre sens, les Landesbanken devraient saisir l’occasion de cette fusion pour développer un modèle d’entreprise viable, nécessaire pour que leur consolidation leur soit profitable et rendu plus pressant par leurs récents déboires et l’arrivée à échéance progressive des émissions d’emprunts bénéficiant des cautions publiques12. Cette mutation semble être une étape incontournable de l’amélioration des conditions d’exercice des établissements privés. Le renforcement des exigences de rentabilité, qui pourrait en découler, permettrait notamment de lever la pression exercée sur les marges, plus particulièrement dans les activités du Mittelstand (PME).

Des coefficients d’exploitation pénalisants

En 2008, l’érosion des produits d’exploitation des grandes banques commerciales a été telle que les charges en ont consommé près de 127%. Les programmes de cessions d’actifs (cf. infra) et les rapprochements entre établissements devraient, certes, permettre des économies de coûts. Toutefois, le morcellement des parts de marché et les distorsions de concurrence limitent le potentiel de baisse des coefficients d’exploitation. A supposer que le modèle bancaire public engage une mutation à l’horizon 2010, un préalable au renforcement de la capacité à dégager des revenus récurrents et à l’abaissement des coefficients d’exploitation sera posé.

Les foyers de risque

La BCE a estimé, dans son rapport sur la stabilité financière de juin 200913, que le coût total de la crise financière (à l’horizon 2010) pour les banques de la zone euro pourrait atteindre EUR 490 milliards (une estimation inférieure à celle du FMI14, USD 904 milliards soit EUR 683 milliards)15, dont EUR 165 milliards seraient liées aux actifs toxiques et EUR 325 milliards aux créances douteuses. Compte tenu des pertes et provisions comptabilisées d’août 2007 à la fin mai 2009, la facture résiduelle de la crise s’élèverait, selon la BCE, à EUR 215 milliards, sous la forme presque exclusive de défauts de crédit (EUR 3 milliards de dépréciations résiduelles sur les produits titrisés, EUR 212 milliards de provisions et pertes sur les créances douteuses) (contre USD 539 milliards, soit EUR 407 milliards selon le FMI). Au sein de la zone euro, les banques allemandes sont celles qui ont, jusqu’ici, payé le plus lourd tribu à la crise financière (40% des pertes et dépréciations de la zone euro). En rapprochant cette proportion de la fourchette des pertes résiduelles estimées (de EUR 200 à 400 milliards pour les banques de la zone euro), EUR 80 à 160 milliards de pertes supplémentaires pourraient être constatées. Une estimation fondée sur les chiffres de la Bafin suggérerait un montant comparable à la borne supérieure de la fourchette (EUR 160 milliards, en supposant un taux de récupération de 80% sur les EUR 800 milliards d’actifs douteux), soit 2% des actifs des IFM allemandes en avril 2009 et 45% de leurs fonds propres. 

Quels que soient les ordres de grandeur retenus, contrairement aux autres banques européennes dont les éventuelles pertes futures se concentreraient désormais sur le banking book, les banques allemandes, outre la vague de créances douteuses à venir (notamment sur le Mittelstand), endosseraient l’essentiel des pertes estimées en zone euro sur les produits structurés.

Deux structures de cantonnement peu convaincantes

Selon un rapport de la Bafin, l’Autorité des marchés financiers allemande, cité par Bloomberg, les actifs à risques des banques allemandes s’élèveraient à EUR 800 milliards (10% du bilan des IFM allemandes à la fin 2008), dont EUR 200 milliards d’actifs toxiques et EUR 600 milliards d’actifs momentanément illiquides. EUR 355 milliards d’actifs douteux seraient logés dans les bilans des Landesbanken (18,3% de leur bilan consolidé), dont EUR 180 milliards sont qualifiés de toxiques. HSH Norbank serait l’établissement le plus exposé (50% de son bilan est jugé à risque).

Les autorités allemandes ont élaboré deux schémas de cantonnement (en attente du vote des parlementaires en juillet). Le premier, fondé sur le volontariat et dédié aux établissements privés (et initialement à certaines banques publiques telles que HSH Nordbank ou WestLB), consisterait en la création de structures de cantonnement individuelles (SPV) dans lesquelles seraient transférés les actifs toxiques. Le second, proposé aux sept Landesbanken encore indépendantes et subordonné à un engagement des Länder à les faire fusionner d’ici à 2010, verrait la création d’une structure de defeasance unique (la FMSA) qui recevrait les actifs dont les banques régionales souhaitent se dessaisir.

Sur la base des informations parcellaires dont nous disposons concernant l’architecture du premier plan16, la seule avancée permise réside dans la levée des incertitudes quant aux expositions résiduelles des établissements. Ces structures de cantonnement ne sont, en effet, pas convaincantes. Elles s’apparentent plus à un montage comptable qu’à une solution de traitement des actifs toxiques.

D’abord, elles ne permettront pas l’assainissement, nécessaire, des bilans bancaires : elles isoleront les actifs douteux de la partie saine du bilan mais le risque n’en disparaîtra pas (de telles structures de cantonnement ont déjà été mises en place par la Commerzbank17, la Sachsen LB ou la WestLB). Le signal envoyé au marché risque, dès lors, d’être brouillé. Théoriquement, l’intérêt des structures de cantonnement est de « geler » les actifs à risque pendant plusieurs années dans une structure ad-hoc et d’isoler le bilan sain des dévalorisations temporaires desdits actifs. Une fois les tensions apaisées sur les marchés, les actifs sont cédés et les gains ou pertes éventuels constatés. Le fait que chaque année le SoFFin (fonds allemand de stabilisation des marchés financiers) soit amené à réestimer la valeur fondamentale des actifs transférés et que la banque soit tenue de verser une contribution pour couvrir l’écart éventuel entre le prix de transfert et la valeur estimée suggèrent, au contraire, que les bilans ne seront pas immunisés des fluctuations de marché et que ces structures seront particulièrement consommatrices en fonds propres.

Par ailleurs, l’utilité de la garantie du SoFFin sur la reconnaissance de dette émise par le SPV en faveur de la partie saine n’est pas claire (puisque les pertes sont supposées être assumées par les actionnaires). En outre, le plan ne dit pas explicitement si les banques délestées devront constituer des provisions pour les pertes éventuelles. Enfin, rien ne garantit ni une revalorisation des actifs transférés (une fois les marchés décongestionnés) au prix de vente escompté par la banque délestée, ni que les banques disposeront des dividendes puis des capitaux nécessaires pour faire face aux dépréciations éventuelles. De nouvelles injections de fonds seront, dès lors, nécessaires.

Si la socialisation des pertes bancaires devrait être limitée dans le cadre du projet dédié aux établissements privés (les pertes incombant aux actionnaires des banques délestées, ce qui n’est pas anodin à l’approche des élections législatives de septembre), la charge financière de la structure publique serait partagée entre caisses d’épargne et contribuables des Länder.

Les banques commerciales et les Landesbanken seront les plus touchées

La hausse du coût du risque constitue une tendance commune à l’ensemble des systèmes bancaires européens. L’ampleur du phénomène singularise toutefois les quatre grandes banques commerciales allemandes (le ratio des dotations au PNB s’est établi à 24% en 2008 contre 3,9% en 2007) et reflète à la fois la contraction du PNB (divisé par 2 en un an) et l’augmentation des dotations aux provisions (multipliées par 3) consécutive à la dégradation de la qualité des actifs (créances douteuses, prêts LBO).

Compte tenu de l’assombrissement des perspectives de croissance et d’emploi en Allemagne (-6,4% de recul du PIB réel en moyenne annuelle en 2009 puis stagnation en 2010 ; taux de chômage à 8,7% en 2009 et 10,6% en 2010 contre 7,8% en 2008), et chez ses partenaires commerciaux, les banques allemandes seront contraintes de composer avec une montée des défauts de paiement et défaillances d’entreprises au cours des prochains trimestres. A supposer un taux de défaut moyen de 10% et un taux de récupération de 80%18, le taux de perte s’établirait à 2% de l’encours de prêts, soit plus de EUR 60 milliards de pertes sur le portefeuilles de prêts aux ménages et sociétés non financières résidents et non résidents. Les établissements privés et les Landesbanken, dont l’essentiel des concours bancaires est centré sur le financement du Mittelstand (PME), seront les plus affectés par la hausse du risque de crédit (+19% de défaillances d’entreprises en 2009 en Allemagne selon Euler Hermes). Alors que le freinage de la distribution de prêts bancaires et la faible concentration du secteur affaiblissent la capacité des établissements à élever leurs marges, la charge du risque devrait, dès lors, encore sévèrement grever les résultats des banques allemandes privées.

Les régulateurs européens pourraient préconiser, d’ici à la fin de l’année, une couverture statistique du risque de crédit (règle prudentielle appliquée notamment en Espagne) qui, en lissant les dotations aux provisions sur le cycle du crédit, permet d’atténuer la sensibilité des résultats bancaires à la conjoncture économique. L’incidence en termes de provisionnement (les grandes banques espagnoles affichaient un ratio d’encours de provisions sur encours des créances douteuses de 217% en 2006 contre 67% en France et au Royaume-Uni, 64% en Italie et 52% en Allemagne) serait particulièrement sensible en Allemagne où la large diffusion de la garantie hypothécaire, qui tend à accroître le taux de récupération, induit un taux de couverture des créances douteuses relativement faible.

Des risques de défaut à l’Est

Même s’ils constituent sur le long terme un relais de croissance, les marchés d’Europe centrale et orientale exposent les banques allemandes à des risques de défaut et de change non négligeables. Selon la Banque des Règlements Internationaux, les institutions financières allemandes figuraient, à la fin 2008, parmi les établissements dont l’exposition aux pays émergents était la plus concentrée sur les PECO (53%), mais loin derrière l’Autriche (95,1%), l’Italie (91,6%) et la Belgique (76,6%). Leurs créances à l’égard des résidents des PECO atteignaient USD 205,5 milliards à la fin 2008, soit seulement 1,9% de leurs actifs totaux (contre 3,8% pour les banques italiennes, 7,6% pour les belges et 20,4% pour les autrichiennes). Si leur exposition apparaît relativement modeste au regard de leurs actifs, elle se concentre sur des économies présentant un degré de risque élevé (en cumul à 37% sur la Hongrie et la Russie, où l’activité pourrait se contracter en 2009 de 7,5% et 8,2%, respectivement).

Un risque immobilier négligeable

Contrairement à d’autres pays européens, comme l’Espagne, la France et le Royaume-Uni, confrontés à un retournement de leurs marchés immobiliers, l’Allemagne, où les prix de l’immobilier résidentiel stagnent depuis dix ans, peut se prévaloir d’être à l’écart de tout risque d’éclatement de bulle immobilière domestique. La situation est d’autant plus confortable qu’à la stabilité prévisible des prix immobiliers s’ajoute une large diffusion de la garantie hypothécaire qui prémunit les banques contre une hausse des taux de défaut sur les prêts à l’immobilier (83% étaient assortis d’une hypothèque en mars 2009, condition d’éligibilité au marché des obligations sécurisées allemandes, Pfandbriefe, soit 38% du total des prêts aux ménages et sociétés non financières résidents). Le risque se situerait, en fait, sur les engagements des banques allemandes à l’égard des économies européennes et anglo-saxonnes. Le retournement des cycles immobiliers britannique et espagnol pourrait, ainsi, dégrader la qualité d’une partie du collatéral servant aux émissions de Pfandbriefe hypothécaires (au deuxième trimestre 2008, 15% des actifs sous-jacents à ces émissions étaient des prêts à l’immobilier hors Allemagne, dont 67% des prêts à l’immobilier commercial).

Un plan ambitieux, en apparence

La BCE (juin 2009) a estimé que les gouvernements de la zone euro ont consacré, dans le cadre des plans de soutien et en dehors, EUR 795 milliards (23,7% du PIB) en injections de capitaux (EUR 113 milliards), garanties de passifs (EUR 632 milliards) et reprise d’actifs (EUR 50 milliards) depuis octobre 2008. Selon le FMI (avril 2009), l’effort financier de l’Allemagne en faveur de la stabilisation financière s’élevait à 3,1% du PIB allemand, devant la France (1,8%) mais loin derrière le Royaume-Uni (9,1%) et les Etats–Unis (12,7%), alors que le poids des pertes dans le PIB était au moins deux fois supérieur en Allemagne.

Le plan de soutien aux banques allemandes, mis en place dans le cadre de la création du fonds allemand de stabilisation des marchés financiers (SoFFin) en octobre 2008, comptait pourtant parmi les plus largement dimensionnés (EUR 480 milliards, soit 19,8% du PIB)19.

En dépit des pertes et dépréciations conséquentes enregistrées par les établissements allemands (EUR 64,7 milliards), l’enveloppe n’a été que partiellement allouée (41,5% en sommant les capitaux injectés et les garanties de passifs accordées) et les aides très ciblées. Compte tenu du matelas de fonds propres requis pour éponger les pertes futures, renforcer les ratios de fonds propres réglementaires et réduire l’effet de levier, l’effort devra été accru.

Le volet solvabilité n’a bénéficié qu’à deux établissements

Les injections de capitaux s’élèvent à ce jour à EUR 21,22 milliards, soit un quart de l’enveloppe gérée par le SoFFin et dédiée au renforcement des fonds propres réglementaires (EUR 80 milliards). Seuls deux établissements y ont fait appel : Commerzbank (EUR 18,2 milliards) et HRE (EUR 3,02 milliards), menant à une prise de participation par l’Etat allemand au capital du premier de 25% et à une nationalisation du second20.

Eu égard aux contreparties exigées par le gouvernement (plafonnement des rémunérations, suppression de la partie variable pour les membres du comité exécutif, suspension du versement des dividendes pendant la durée du renflouement), la plupart des banques se sont exclusivement tournées vers leurs actionnaires sans solliciter l’aide du SoFFin.

Les banques régionales ont, notamment, bénéficié d’un soutien des Länder et Sparkassen (EUR 23 milliards supplémentaires ont été injectés ou sont en passe de l’être dans les quatre grandes Landesbanken, LBBW, BayernLB, WestLB et HSH Nordbank)21. Au total, les mesures de renforcement des fonds propres à l’initiative des autorités et établissements publics (Etat allemand22, SoFFin, Länder et Sparkassen) (EUR 46,5 milliards de silent participations et capitaux ordinaires injectés) constituent l’essentiel des recapitalisations des banques allemandes (77%23, contre 49% pour les banques françaises et 32% pour les britanniques).

Pour l’heure, les injections de capitaux d’origine publique et privée ont presque intégralement compensé les pertes subies. Ces apports ont permis d’élever, toutes choses égales par ailleurs, de 74% les fonds propres réglementaires Tier one des établissements concernés et accru les ratios Tier one de 4,7 points en moyenne (relativement à la fin 2007). Les recapitalisations des banques allemandes s’apparentent à des mesures d’urgence. Menées de manière discrétionnaire, elles n’ont pas envoyé le signal d’un renforcement pérenne de la solvabilité bancaire mais de sauvetages à répétition. Paradoxalement, alors que d’aucuns appelaient à la fin du triptyque bancaire par la voie d’un retrait de l’Etat allemand, deux établissements privés de taille ont été quasi, voire totalement, nationalisés.

Les banques allemandes devraient plus largement recourir aux émissions de dettes garanties au cours des prochains mois.

La Bundesbank évaluait, dans son rapport annuel 2008, à EUR 178 milliards le montant des garanties de passifs accordées aux banques allemandes dans le cadre du SoFFin, soit 44,5% de l’enveloppe dédiée à la liquidité (EUR 400 milliards). Comme pour le volet solvabilité, ce soutien à la liquidité a été ciblé : HRE a bénéficié à elle seule d’un tiers environ des garanties consenties par le SoFFin (EUR 52 milliards). Selon Bloomberg, EUR 70 milliards de dettes bancaires garanties ont été émises (17,5% de l’enveloppe) sur les six premiers mois de l’année 200924. Que leur volume d’émissions soit, ou non, rapporté au nombre d’émetteurs, les banques allemandes ont eu relativement moins recours à ce mode de refinancement que les banques britanniques ou françaises. Le peu d’empressement à recevoir des fonds du SoFFin et la faiblesse relative des ratios Tier one expliquent, en partie, ce constat, dès lors que le renforcement préalable des fonds propres constitue une condition à l’accès aux garanties. De surcroît, ce dispositif s’est révélé plus coûteux, pour un coupon moyen moindre (taux d’intérêt servi par l’émetteur). Bien que la maturité maximale des titres de dette susceptible de bénéficier d’une garantie du SoFFIn ait été portée à cinq ans en février 2009, les émissions de dette garantie se sont concentrées sur le court-moyen terme (deux ou trois ans), complétant les lignes de refinancement à plus court terme de la BCE. Cela s’est accompagné d’un allongement des maturités sur le marché des obligations sécurisées (covered bonds 25 ) allemandes (les Pfandbriefe) : sur les cinq premiers mois de l’année 2009, 58% des émissions portaient sur des maturités supérieures à 5 ans.

La Commission européenne envisage d’abaisser les commissions de garantie de 20 à 30 points de base très prochainement. La prime requise en Allemagne serait ramenée à 30 ou 40 pb au-dessus de la médiane des CDS à 5 ans ayant servie de base au calcul en octobre 2008. Les banques allemandes, dont la perception par le marché est encore dégradée et qui sont, de ce fait, peu à même d’émettre de la dette senior sans garantie (en dehors des Pfandbriefe), comparativement aux banques françaises notamment, devraient, à nouveau, compter parmi les principales émettrices de dettes bancaires garanties. Si la fin de ce dispositif est fixée au 31 décembre 2009, il nous semble envisageable qu’il soit prolongé en 2010.

 De bonnes nouvelles sur le marché des covered bonds

L’annonce du programme d’achat de EUR 60 milliards d’obligations sécurisées de la BCE (sur les marchés primaire et secondaire des covered bonds libellés en euro) – qui débutera en juillet 2009 pour se terminer à la fin juin 2010 – a permis, de concert avec les plans de soutien (couverture du risque de défaillance des établissements) et les autres initiatives de la BCE (soutien de la liquidité), de modérer les tensions sur le marché euro des covered bonds. Si l’enveloppe de ce dispositif semble mince au regard des EUR 1 520 milliards d’encours de covered bonds libellés en euro, il devrait être particulièrement bénéfique pour les banques allemandes qui refinancent une part conséquente de leur bilan sur ce marché (20% du bilan de Commerzbank, 18% pour LBBW).

Selon les statistiques de l’ECBC, les Pfandbriefe allemandes représentaient, en effet, avec un encours de EUR 888 milliards, 58% des encours de covered bonds libellés en euro à la fin 2007 (46% du marché Jumbo26 en euro) et 46% des émissions cumulées sur un an (27% des émissions sur le marché Jumbo en euro). Si l’essentiel des achats devait se concentrer sur des actifs de maturité allant de 3 à 10 ans, comme l’a laissé entendre le Président de la BCE, l’encours de Pfandbriefe éligible au programme serait quelque peu réduit (sur le marché Jumbo, 65% de l’encours a une maturité inférieure à 3 ans, de sorte que seuls 23% des titres en circulation seraient éligibles). Le mouvement récent d’allongement des maturités (au-dessus de trois ans) pourrait, ainsi, tendre à se poursuivre.

A tout le moins, les Pfandbriefe comptant parmi les titres réputés les plus sûrs (garantie implicite de l’Etat allemand, qualité des actifs qui leur sont adossés27), la reprise des émissions offre aux établissements, dont la qualité de signature s’est dégradée et qui ne répondent pas aux exigences du SoFFin, la possibilité de se refinancer à moindre coût relativement aux émissions de dette bancaire non garantie. La révision des méthodologies utilisées par les agences de rating (la note d’une obligation sécurisée devrait être fonction de la qualité du collatéral mais également de celle de l’émetteur) risque, toutefois, de rendre plus difficile leur accès à ce marché. Si l’épuisement de la réserve de prêts disponible pour l’émission de Pfandbriefe réduit progressivement le potentiel de développement du marché (cf. note 13), la nationalisation de HRE (2ème acteur du marché avec 10% des émissions), la qualité des titres et le maintien d’un rendement supérieur à celui des dettes bancaires garanties 28 contribueront à soutenir l’intérêt des investisseurs.

Un système bancaire contraint de se remodeler

La Commission européenne a assujetti l’éligibilité des banques aux aides d’Etat à la validation de plans de restructuration. En échange du soutien public, certains établissements sont appelés à se soumettre à des cures d’amaigrissement (Commerzbank, WestLB), d’autres à fusionner (banques publiques régionales). Au-delà de la consolidation du secteur public, c’est à un changement de modèle que sont conviées les banques allemandes.

En contrepartie des EUR 8,2 milliards de capitaux publics supplémentaires, la Commerzbank est appelée à céder sa filiale de crédit hypothécaire Eurohypo d’ici à 2014 et à réduire la taille de son bilan à EUR 900 milliards d’ici à 2012 (EUR 600 milliards hors Eurohypo) (contre EUR 1011 milliards à la fin du premier trimestre 2009 après intégration de la Dresdner Bank) via des cessions d’actifs notamment. WestLB est, quant à elle, contrainte à réduire sa taille de bilan de moitié et à se concentrer sur le financement des PME de sa région. Un effort similaire pourrait également être demandé aux trois autres grandes Landesbanken, LBBW, BayernLB et HSH Nordbank.

Consolidation des Landesbanken : un pas en avant, deux pas en arrière

La crise financière pourrait finalement jouer le rôle de catalyseur dans la consolidation des banques publiques allemandes. Sous la pression conjuguée de l’exécutif européen et des autorités allemandes, les sept Landesbanken encore indépendantes ont été enjointes de présenter un plan de fusion dans les prochaines semaines. A défaut, elles ne pourront bénéficier des garanties d’Etat offertes dans le cadre des structures de defeasance actuellement à l’étude.

Si, dès les premières déconvenues des Landesbanken en 2007, les caisses d’épargne, de plus en plus réticentes à renflouer les banques régionales, se déclaraient, par la voix de leur Association (la DSGV), en faveur d’une consolidation du secteur et du maintien de seulement deux ou trois Landesbanken indépendantes, l’hostilité des Etats régionaux a entraîné un statu quo. Les réticences des Länder se justifiaient par les enjeux de préservation de l’emploi, de souveraineté régionale et de prestige politique29.

Fragilisés par l’effort budgétaire qu’ils ont dû fournir pour préserver l’indépendance de leurs Landesbanken, les Länder ont finalement accepté le principe d’une consolidation de leurs banques régionales d’ici à la fin 2010 en échange de l’autorisation de participer au projet debad banks. La consolidation pourrait, toutefois, être encore reportée : les échéances électorales de septembre 2009, les dissensions entre actionnaires sur la mise en œuvre concrète de la fusion (nombre d’établissements à maintenir, choix des places financières, éventuelle entrée d’investisseurs privés au capital) et le rejet par la DSGV du projet de defeasance (qui concentre la responsabilité financière des actifs toxiques aux mains des actionnaires des Landesbanken) pourraient retarder le début du processus. L’immobilisme prolongé des Etats régionaux et des caisses d’épargne constitue, pourtant, une posture de plus en plus fragile. Point d’entente des deux parties, le soutien sans faille accordé aux banques régionales semble avoir atteint ses limites. Au-delà de la gestion de la crise (communication plus transparente sur leurs positions, nettoyage des bilans, couverture du risque de contrepartie dans le Mittelstand), les Landesbanken devront avoir le souci de présenter des modèles d’activité convaincants, recentrés sur leur cœur de métier.

Déjà en 2001-2003, les grandes banques allemandes avaient été plus sévèrement pénalisées par la dégradation du contexte économique international et la chute des marchés boursiers. Par la suite, portés par la reprise, leurs efforts de maîtrise des charges et leurs prises de risques leur avaient permis de reproduire les niveaux de rentabilité de leurs grandes concurrentes européennes. La crise financière de l’été 2007 a, toutefois, de nouveau exacerbé les fragilités du système. A notre sens, les distorsions de concurrence, l’étroitesse des marges et la faiblesse des revenus récurrents qui en découle sont telles que le financement de l’économie réelle pâtit d’une contrainte d’offre, susceptible, dans le contexte actuel, d’aggraver l’incidence de la crise financière. Or le modèle allemand ne sera viable qu’à condition que le risque soit tarifé. Le renforcement de la rentabilité bancaire sur le marché domestique contribuerait, non seulement, à réduire les incitations à rechercher le rendement (et le risque qui l’accompagne) ailleurs, mais également, à soutenir l’activité économique allemande.

NOTES

  1. En 2008, les quatre plus grands établissements de crédit privés, en termes de noyau dur des fonds propres (Tier one), étaient la Deutsche Bank, Bayerische Hypo-und Vereinsbank, Commerzbank et Dresdner Bank.
  2. L’assouplissement des normes IAS 39 et IAS 7 autorise le reclassement des actifs financiers valorisés à la juste valeur par le résultat (actifs de trading) en actifs financiers à la juste valeur par les capitaux propres (actifs disponibles à la vente) ou en actifs comptabilisés en coût historique ou amorti (méthode des flux de trésorerie actualisés) (actifs détenus jusqu’à l’échéance ou prêts et créances). Les actifs financiers disponibles à la vente peuvent également être reclassés dans le portefeuille de prêts et créances. A la date du reclassement, la valeur de marché des actifs reclassés fait office de valeur comptable. A partir de cette date, les fluctuations des prix de marché desdits actifs n’ont plus d’incidence ni sur les résultats ni sur les fonds propres, sauf lorsque les dispositions comptables prescrivent l’enregistrement d’une dépréciation (diminution des flux de trésorerie attendus de l’actif). Ces transferts sont conditionnés par la détention à long terme ou à maturité de ces actifs et sont définitifs. Les établissements doivent préciser la nature des circonstances exceptionnelles justifiant le reclassement. Les actifs dérivés (type CDS) et les actifs en portefeuille de trading par option ne peuvent pas être transférés. Jusqu’au 1er novembre 2008, cette facilité comptable s’appliquait avec effet rétroactif au 1er juillet 2008 de sorte que les actifs pouvaient être transférés à leur valeur de marché au 30 juin 2008. L’usage de cette facilité comptable (peu répandue au troisième trimestre 2008) ayant fait des émules, l’effet stigmatisant observé lors des premiers reclassements (sanctionnés par les marchés actions) s’est atténué.
  3. Le transfert d’actifs comptabilisés en juste valeur vers les portefeuilles de prêts et créances et actifs financiers détenus jusqu’à l’échéance élève les encours d’actifs pondérés par les risques. La contrainte en capital réglementaire destiné à couvrir les risques de crédit est, en effet, plus élevée que pour les risques de marché puisqu’un actif détenu à maturité est plus susceptible de générer des pertes qu’un actif qui peut être cédé à court terme.
  4. Commerzbank a reclassé EUR 77 milliards d’actifs au second semestre, puis EUR 2,5 milliards au premier trimestre mais n’a pas communiqué l’effet de ces transferts sur ses résultats.
  5. Parmi les sept Landesbanken, seule NordLB n’a procédé à aucun reclassement.
  6. Contrairement aux banques françaises, belges ou britanniques, les pertes latentes sur la réserve AFS sont intégrées au calcul des fonds propres prudentiels dans le cas des banques allemandes (à l’instar des banques espagnoles ou italiennes).
  7. Une refonte complète de la norme IAS 39 est à l’étude. Deux méthodes de valorisation des actifs seraient retenues : ceux procurant des flux de trésorerie réguliers (prêts et créances, placements obligataires) seraient comptabilisés au coût historique amorti, les autres instruments financiers (actions, produits dérivés) resteraient valorisés à la juste valeur. En dehors des actions, dont les fluctuations de prix continueraient d’affecter le compte de résultat, les plus ou moins-values constatées sur les autres titres n’impacteraient plus les fonds propres.
  8. Le secteur comptait 1 977 établissements de crédit au preir trimestre 2009, dont 272 banques commerciales, 10 banques régionales (Landesbanken), 434 caisses d’épargne (Sparkassen), 1 199 établissements mutualistes.
  9. La concurrence bancaire est bridée par deux pratiques: l’application d’un « principe régional » qui consiste en un découpage géographique du marché de la banque de détail entre caisses d’épargne et établissements mutualistes ; les garanties publiques, dont bénéficient les Landesbanken sur leurs engagements antérieurs au 18 juillet 2005, qui leur permettent de se refinancer à des conditions avantageuses grâce à de très bonnes notations. Cf. Céline Choulet : « La lente mutation des banques allemandes », Conjoncture, Avril 2007, BNP Paribas.
  10. Les marges apparentes sur les emplois sont calculées en comparant les taux moyens pondérés des encours de prêts à la clientèle privée non financière résidente aux taux du marché monétaire, de maturité comparable.
  11. Les marges apparentes sur les ressources sont calculées en comparant les taux moyens pondérés des dépôts collectés auprès de la clientèle privée non financière résidente aux taux du marché monétaire, de maturité comparable.
  12. Les émissions d’emprunts des Landesbanken, effectuées entre le 19 juillet 2001 et le 18 juillet 2005 et dont la maturité n’excède pas le 31 décembre 2015, bénéficient encore des cautions publiques. En revanche, les émissions d’emprunts, engagées après le 18 juillet 2005 ou dont le terme dépasse le 31 décembre 2015, ne font pas l’objet d’une garantie.
  13. BCE, Financial Stability Review, juin 2009.
  14. FMI, “Global Financial Stability Report : Responding to the financial crisis and measuring systemic risks”, avril 2009.
  15. Si divers facteurs (période d’estimation, périmètre d’actifs, disponibilité des données, scénarios macroéconomique et financier, hypothèses de modélisation et de prévision des taux de défaut, incidence des changements comptables) peuvent, en partie, expliquer les USD 255 milliards de pertes supplémentaires prévues par le FMI, ces écarts révèlent, à tout le moins, la complexité de l’exercice et la fragilité des projections.
  16. Dans le cadre du programme dédié aux établissements privés, chaque banque crée une structure de cantonnement individuelle (Special Purpose Vehicle) dans laquelle sont logés les actifs toxiques (à 90% de leur valeur fondamentale, qui serait définie par le fonds de stabilisation des marchés financiers allemand, SoFFin, à partir de leur prix de marché au 30 juin 2008). Le SPV émet une reconnaissance de dette, en faveur de la partie saine, garantie par le SoFFin (pour une durée maximum de vingt ans) en échange d'une commission payée par la banque (qui ne devrait pas être passée en charge mais provenir d’une réduction des dividendes). Cette créance a une qualité proche de celle du papier fédéral et peut être utilisée pour se refinancer auprès de la Bundesbank. Chaque année, le SoFFin estime la valeur fondamentale des actifs transférés, et la banque verse une contribution au SPV pour couvrir les pertes éventuelles. A l’échéance du SPV, la banque assume seule les pertes résiduelles. Globalement, EUR 250 milliards d’actifs douteux pourraient être isolés dans ces structures de cantonnement, soit la moitié des portefeuilles jugés à problème chez les établissements privés. Les détails du plan dédié aux banques régionales n’ont pas encore été révélés, mais il prévoit la création d’une structure de defeasance unique, l’Institut fédéral pour la stabilisation des marchés financiers (FMSA), qui recevrait les actifs dont les banques régionales souhaitent se dessaisir. Les actifs seraient ensuite revendus ou conservés jusqu’à leur maturité. La charge des pertes incomberait aux actionnaires de la banque délestée. La participation au plan et l’octroi des garanties d’Etat afférentes sont assujettis à l’engagement des Landesbanken à fusionner d’ici à la fin 2010 (cf. infra).
  17. Commerzbank a indiqué avoir identifié, après intégration de Dresdner Bank, EUR 55,4 milliards d’actifs à risque dans son bilan (5,5% des actifs totaux), qu’elle a isolé dans une structure (la Divisional Restructuring Unit) gérée séparément de l’exploitation du groupe. Son exposition est pour une large part concentrée sur les prêts LBO, les assureurs monoline et les véhicules de titrisation.
  18. Cf. « Recovery rates of bank loans : empirical evidence of Germany », Grunert J. and Weber M. (2005), Working Paper du CEPR.
  19. Pour une présentation des plans de soutien aux banques, cf. Céline Choulet et Laurent Quignon : « Banques européennes : les plans de soutien à l’épreuve de la récession », Conjoncture, janvier 2009, publication BNP Paribas et « To the Rescue », publication BNP Paribas, Global Markets.
  20. Fort d’une majorité du capital après une offre de rachat réussie, l’Etat allemand a procédé début juin à une injection de fonds propres qui a porté sa part dans le capital de HRE à 90%, lui permettant d’évincer les actionnaires minoritaires restants, moyennant une indemnisation. Il n’a donc pas été nécessaire pour la nationalisation de l’établissement d’enclencher la procédure d’expropriation prévue par une loi ad-hoc votée par le Parlement quelques semaines plus tôt.
  21. Elles ont, en outre, bénéficié de EUR 18,8 milliards sous forme de lignes de crédit et garanties d’actifs de la part des Länder et Sparkassen.
  22. La banque semi-publique IKB, dont l’Etat allemand est actionnaire par l’intermédiaire de KfW, a bénéficié d’une injection de EUR 2,3 milliards en février 2008, après un plan de sauvetage en juillet 2007 orchestré par l’Association des banques allemandes et KfW.
  23. 79% si l’on tient compte du gain en capital (EUR 4,8 milliards) occasionné par la garantie accordée par le Länd de Bavière à un portefeuille d’ABS de la Bayern LB.
  24. D’octobre à décembre 2008, aucune dette bancaire garantie n’a été émise en Allemagne.
  25. Les covered bonds sont des obligations sécurisées par des portefeuilles de créances (prêts au secteur public et prêts hypothécaires) inscrites au bilan de l’émetteur et qui bénéficient, à ce titre, de bonnes notations. Il ne s’agit pas de titrisation, au sens strict du terme, dès lors que le risque demeure dans le bilan de l’émetteur. C’est, en revanche, un moyen de faciliter l’obtention de financements via l’octroi d’une garantie, publique ou hypothécaire, à l’acquéreur du titre de dette.
  26. Sur le marché euro, les émissions bénéficiant du label Jumbo doivent respecter certaines normes d’émission (montant initial de l’émission supérieur à EUR 1 milliard) et de tenue de marché se rapprochant des standards en vigueur sur les grands marchés obligataires internationaux. Compte tenu des règles énoncées par la BCE (éligibilité des titres au refinancement de la BCE, montant initial de l’émission équivalant à EUR 500 millions au minimum), les émissions Jumbo entrent dans le périmètre du programme d’achat de la BCE.
  27. Au deuxième trimestre 2008, 75% de l’encours était adossé à des prêts aux collectivités locales et 25% à des prêts hypothécaires ; 85% des émissions hypothécaires étaient adossées à des prêts à l’immobilier local, sans risque.
  28. Cf. Heiko Langer, Covered Bond Watch, 19 mai 2009, publication BNP Paribas, Global Markets.
  29. Cf. Céline Choulet : « Landesbanken allemandes : des rumeurs, mais une consolidation qui tarde», EcoWeek 08-23, juin 2008, publication BNP Paribas.

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