BCE : Dovish mais pas trop

par John Plassard, Consultant Cambridge Securities pour Mirabaud Securities

La Banque Centrale Européenne (BCE) se réunissait le 6 juin deux mois après avoir annoncé le report de sahausse des taux d’intérêt au-delà de 2019 et le lancement de nouveaux TLROs en septembre. Si aucune nouvelle annonce n’était à attendre, plusieurs questions cruciales subsistaient. Passage en revue.

Les faits

La Banque centrale européenne a maintenu ses taux directeurs au plus bas et n'y touchera pas avant la fin du premier semestre 2020, une échéance repoussée de six mois par rapport à sa dernière réunion d'avril (alors qu'elle parlait jusqu'en mars de l'été 2019, puis de la fin 2019). Le principal taux de refinancement a été maintenu à zéro tandis que les banques vont continuer à payer auprès de la BCE un intérêt négatif de 0,40% pour les liquidités dont elles n'ont pas l'utilité immédiate.

L'institution a également confirmé qu'elle réinvestirait "aussi longtemps qu'il le faudra", c'est à dire bien après le premier relèvement de ses taux, son stock pléthorique de près de 2.600 milliards d'euros d'obligations acquises entre mars 2015 et décembre 2018.

Quid des TLTROs

La BCE a détaillé son nouveau programme de prêts géants aux banques annoncé en mars (TLTRO), qui seront lancés à raison de sept vagues entre septembre prochain et mars 2021, avec à chaque fois une échéance de deux ans.

L'institut a indiqué que chaque prêt serait accordé au taux supérieur de 10 points de base à la moyenne des taux appliqués lors d'opérations classiques de refinancement, actuellement à 0%.

Pour les banques qui distribueront une large quantité de crédits dans l'économie, ce taux pourra même descendre jusqu'au taux d'intérêt moyen sur les dépôts majorés de 10 points de base, soit -0,30%.

Quid de l’inflation et de la croissance ?

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé avoir revu à la hausse sa prévision d'inflation dans la zone euro pour cette année mais elle a légèrement réduit celle de 2020, tout en prenant acte du risque d'un ralentissement plus long et plus marqué qu'attendu de l'économie de la région.

La BCE prévoit désormais une hausse de 1,3% des prix cette année, contre 1,2% anticipé en mars, puis de 1,4% en 2020 (contre 1,5%) et 1,6% en 2021, cette dernière prévision étant inchangée.

Elle table sur une croissance du PIB de la zone euro de 1,2% cette année, 1,4% l'an prochain et 1,4% en2021 contre, respectivement, 1,1%, 1,6% et 1,5% prévu en mars.

Le président, Mario Draghi, a déclaré que les risques entourant les perspectives économiques de la zone euro restaient orientés à la baisse, évoquant les incertitudes géopolitiques, la menace protectionniste et les faiblesses des marchés émergents.

Une étude qui va faire beaucoup de bruit

En parallèle avec la conférence de presse de Mario Draghi, une étude de la plate-forme allemande d'open banking Deposit Solutions a mis alimenté les braises qui entourent les taux d’intérêt (négatifs). L'instauration d'un taux de dépôt négatif (-0,40%) par la Banque centrale européenne (BCE) aurait coûté aux banques 21,4 milliards d'euros depuis cinq ans.

En 2018, les établissements bancaires de la zone euro ont ainsi payé le montant record de 7,5 milliards d'euros d'intérêts négatifs sur leurs dépôts, ce qui représente un versement de 21 millions d'euros par jour à la BCE.

Les banques de France et d'Allemagne, qui ont les plus gros excès de liquidité, ainsi que les Pays-Bas paient le plus lourd tribut. Le secteur bancaire germanique a supporté 32,6% des intérêts négatifs de la zone euro entre 2016 et 2018, d'après Deposit Solutions.

L'année passée, les banques allemandes ont dû verser 2,5 milliards d'euros à la BCE pour leurs dépôts, ce qui a coïncidé avec une chute de 9,1% de leurs bénéfices imposables

Synthèse

Dovish mais pas trop, tel pourrait-on résumer la conférence de presse de Mario Draghi et les annonces de la BCE (notamment les détails concernant les TLROs). On a senti que le président de l’institution européenne était proche du passage de témoin et qu’il ne voulait pas prendre le risque de prendre une décision qui pourrait entacher des 8 années de règne….