Revenons aux fondamentaux de l’économie américaine

par John Plassard, Spécialiste en investissement chez Mirabaud

En cette période de crise sanitaire et économique, tout le monde a développé sa théorie. Théorie concernant la durée de la maladie, théorie concernant la virulence de la maladie, théorie concernant un nouveau vaccin, théorie sur la croissance économique chinoise, européenne ou américaine. Comme vous le savez, j’essaie le plus possible de me focaliser sur les faits, rien que les faits. Aujourd’hui, je m’attarde sur les fondamentaux de l’économie américaine en passant en revue la croissance et l’emploi. Synthèse et analyse.

a. Les faits

Le courtier Pantheon a jeté un pavé dans la mare mardi en affirmant que la consommation discrétionnaire américaine pourrait s’effondrer de -20% au deuxième trimestre et ainsi retirer -8% à la croissance américaine. La première puissance mondiale connaîtrait ainsi une baisse de … 10% (annualisé) au deuxième trimestre après avoir connu une croissance négative de -2% au premier trimestre.

Prévisions chocs que l’on ne peut cependant pas exclure si les États-Unis devaient connaître un confinement total dû au coronavirus. Si nous n’en sommes pas (encore ?) à ces estimations, il me semblait important de revenir sur les fondamentaux exacts de la croissance américaine.

b. Comment calcule-t-on la croissance américaine ?

La formule pour calculer le PIB américain se compose ainsi : Y = C + I + G + NX. C'est-à-dire : PIB = Consommation + Investissement + Gouvernement + Exportations nettes (importations moins exportations).

En 2019, le PIB américain était composé à 70 % de consommation personnelle (personal consumption), à 18 % d'investissements des entreprises, à 17 % de dépenses publiques et à -5 % d'exportations nettes négatives.

c. Quelle est la composition de la consommation ?

Comme vous le savez déjà, la consommation personnelle est l’élément le plus important dans le calcul du PIB puisqu’il représente 70%. En 2019, cela représentait 13,28 trilliards de dollars. Le BEA (Bureau of Economic Analysis) subdivise les dépenses de consommation personnelle en biens et services.

Les dépenses de consommation personnelle comprennent :

  • Les biens durables : voitures, meubles, appareils électroménagers.
  • Les biens non durables : vêtements, nourriture, carburant.
  • Les services : banques, soins de santé, éducation.

Plus globalement, les biens sont des objets tangibles. Ils se subdivisent en deux composantes encore plus petites. Le premier est constitué de biens durables, tels que les automobiles et les meubles. Ce sont des articles qui ont une durée de vie utile de trois ans ou plus.

Le second est constitué de biens non durables, tels que le carburant, la nourriture et les vêtements.

Le secteur du commerce de détail est une composante essentielle de l'économie puisqu'il livre tous ces biens au consommateur.

Les services quant à eux sont des aides, des aides ou des informations payantes. La plupart sont non tangibles, mais le BEA inclut également les produits qui ne peuvent pas être stockés et qui sont consommés lors de l'achat. Il contribue à hauteur de 45 % au PIB (dans les années 1960 les services contribuaient à hauteur de 30 % au PIB) grâce notamment à l'expansion du secteur bancaire et des soins de santé.

La plupart des services sont consommés aux États-Unis parce qu'ils sont difficiles à exporter.

d. De quoi est composé l’investissement ?

L'investissement commercial comprend les achats que les entreprises effectuent pour produire des biens de consommation. Mais tous les achats ne sont pas comptabilisés. Les achats doivent servir à créer de nouveaux biens de consommation pour être comptabilisés.

En 2019, les investissements des entreprises s'élevaient à 3,42 trillions de dollars, soit 18 % du PIB américain.

C'est le double de son niveau le plus bas en récession, qui était de 1,5 trillion de dollars en 2009.

En 2014, il a battu son pic de 2006, qui était de 2,3 trillions de dollars. Le BEA divise l'investissement des entreprises en deux sous-composantes : Investissement fixe (principalement les équipements commerciaux, tels que les logiciels, les biens d'équipement, les équipements de fabrication, la construction commerciale et la construction résidentielle) et variation des stocks privés (quantité de biens que les entreprises ajoutent aux stocks des biens qu'elles prévoient de vendre).

e. Les dépenses gouvernementales

Les dépenses publiques se sont élevées à 3,30 trillions de dollars en 2019. Cela représente 17 % du PIB total. C'est moins que les 19 % qu'elles représentaient en 2006.

En d'autres termes, le gouvernement dépensait plus alors que l'économie était en plein essor avant la récession. Le gouvernement fédéral a dépensé 1,28 trillion de dollars en 2019. Plus de 60 % étaient des dépenses militaires. Les contributions des États et des collectivités locales s'élevaient à 11 %.

f. L’emploi américain à risque

Selon les informations de l’agence Bloomberg, le secrétaire américain au Trésor, Steve Mnuchin, aurait averti le Sénat que le taux de chômage aux États-Unis pourrait augmenter de … 20% (ce qui représente un chiffre hallucinant de 30 millions de chômeurs américains).

Si cette nouvelle n’est pas confirmée, il convient cependant de revoir les fondamentaux de l’emploi américain.

Tout d’abord il faut rappeler qu’en 2019 :

  • 1,41 % de la main-d'œuvre américaine était employée dans l'agriculture,
  • 19,18 % dans l'industrie,
  • 79,41 % dans les services.

Si on analyse les 3 plus grandes régions du monde on constate que la partie des services est largement moins importante qu’aux Etats-Unis. En Inde par exemple la partie des services représente 31% alors qu’en Chine c’est 45.5%. C’est vraiment le talon d’Achille de la première économie mondiale, ce qui implique que lorsque les services flanchent, l’emploi est immédiatement frappé de plein fouet.

Enfin, il faut rappeler lors des précédentes crises d’ampleur (1987 et 2008 par exemple), le taux de chômage américain n’est jamais remonté au-delà des 11% de la population active.

La crise que nous connaissons actuellement et qui pousse de plus en plus de personnes à rester cantonnées chez elles va avoir un impact très important sur les services en zone euro, mais aussi et surtout aux États- Unis. Nous devrions donc assister à une violente remontée du taux de chômage dans les prochains mois.

g. Synthèse

En analysant de manière académique les fondamentaux de l’économie américaine et de l’emploi américain, on constate que la crise liée au coronavirus va avoir un impact négatif bien plus important qu’après la crise de 2008. Les clés résideront bien évidemment dans la durée du confinement de la population, mais aussi dans le rétablissement de … la confiance.