Bons du Trésor américain : une protection efficace en des temps troublés

par Jerome Nunan, Directeur des investissements Multi-Asset chez Aviva Investors

Au cours du mois écoulé, les schémas de corrélation entre les classes d’actifs n’ont pas évolué de manière traditionnelle. Nous avons notamment observé des périodes durant lesquelles les rendements des bons du Trésor américain ont augmenté (leur valeur a donc baissé), alors que les marchés actions corrigeaient. Pourquoi les investisseurs ont-ils abandonné les actifs refuges alors que les marchés enregistraient leur plus forte baisse depuis 40 ans ?

La réponse à cette question tient à la fuite des investisseurs vers l’actif refuge par excellence : les liquidités.

Premièrement, les modèles qui sous-tendent certains processus d'investissement, comme dans les fonds multi-actifs « risk-parity » et certains hedge funds obligataires, sont devenus inopérants face à la chute récente des marchés. Ils ont donc été contraints de réduire leur niveau de risque, de vendre des actifs et de trouver de l’argent frais.

Deuxièmement, de nombreux fonds doivent trouver des liquidités pour répondre aux demandes de rachats. Dans les conditions de marché actuelles, où certains actifs sont devenus quasiment illiquides, les gérants d’actifs vendent ce qu’ils peuvent et non ce qu’ils voudraient. Les bons du Trésor américain leur permettent de répondre plus facilement aux demandes de rachats. En effet, s’ils doivent rester exposés à l’actif sous-jacent, ils peuvent vendre l’obligation physique et lever du cash, puis acheter un swap qui ne nécessite qu’une faible proportion de ce cash.

Compte tenu de cette situation des gérants de fonds, les prix des actifs sont davantage déterminés par la liquidité que par les fondamentaux. Si cette situation peut poser problème à court terme dans le cadre d’une construction de portefeuille classique, elle offre également des opportunités aux investisseurs de long terme et disposés à se positionner en contrepartie de ce type d’opération.

Ces deux dernières semaines, les tensions ont été exceptionnelles sur les marchés. Cela s’est traduit par une évolution des corrélations entre actifs et un assèchement de la liquidité de nombreux segments de marché. Même les portefeuilles bien diversifiés ont été pénalisés par cet environnement. Aujourd’hui, la priorité est de faire fi de la volatilité actuelle et d’essayer de ne pas modifier sensiblement les positionnements actuels.

Les institutions politiques et monétaires essaient de remplir leur rôle en prenant des mesures sans précédent et certains signes tendent à montrer que l’évolution des prix commence à se normaliser. Les incertitudes vont persister encore quelque temps, mais les niveaux de corrélation habituels finiront par réapparaître. Autrement dit, les principes de construction de portefeuilles de long terme conservent tous leurs bienfaits.