Le cycle boomerang de l’économie

par William De Vijlder, Group Chief Economist chez BNP Paribas

On pourrait le qualifier de cycle boomerang. En début d’année, alors que le confinement se durcissait, le climat des affaires, tel que mesuré par les indices composites des directeurs d’achat, s’est sensiblement détérioré. Comme le montre le graphique 1, il existe une relation entre la sévérité des mesures de confinement — l’indice de sévérité — et l’effondrement des indices PMI. À partir du mois de mai, ce mouvement s’est inversé ; les mesures ont été assouplies et la confiance des entreprisesa rebondi. Ce retournement a été plus prononcé en France, néanmoins au Royaume-Uni comme en Allemagne, l’écart entre les chiffres du PMI flash pour le mois de juin et son niveau de janvier s’est nettement resserré.

Il convient, toutefois, de ne pas verser dans un enthousiasme excessif à la lecture de ces données. Après tout, les séries PMI nous apprennent seulement qu’en mai, les chefs d’entreprises interrogés se disaient plus confiants à l’égard des perspectives qu’en avril[1]. Ce sentiment était encore plus prononcé en juin. L’enquête ne livre pas d’informations sur le niveau d’activité. Lorsque l’on entre dans une pièce non chauffée, après être resté longtemps dans le froid, l’on se sent mieux mais sans avoir vraiment chaud. Lors des phases de récession et de reprise, les prévisions en cours de période (nowcast) du taux de croissance trimestriel du PIB réel, basées sur les indices PMI, présentent généralement des erreurs plus importantes qu’en temps normal. Compte tenu du plongeon du niveau d’activité au deuxième trimestre, cette problématique devrait se poser lors que la reprise se met en place. Les optimistes y trouveront une raison de plus d’être confiants. Comme le montre le graphique 2 pour la zone euro, l’indicateur PMI a tendance à surestimer la croissance pendant un repli et à la sous-estimer en période de reprise. Ce dernier point pourrait signifier que la croissance au deuxième trimestre pourrait dépasser les prévisions et créer ainsi la surprise.

Cependant, cela ne nous apprend pas grand-chose sur la vigueur sous-jacente ou, plutôt, sur la faiblesse de l’économie. Comme l’a souligné l’Insee, cette semaine, malgré une remontée record en juin, depuis le début de la série en 1980, le niveau de l’indicateur du climat des affaires reste très en deçà de la moyenne de longue période. La même observation vaut pour l’Allemagne où l’indice Ifo du climat des affaires s’est aussi nettement amélioré. La principale question est de savoir comment la situation va évoluer après le rebond mécanique actuel. Ce rebond est mécanique car il est très largement lié à la fin du confinement, ce qui revient à dire « l’économie rouvre ! » et l’offre redémarre.

Cela a entraîné une réduction rapide de l’écart entre les conditions actuelles et celles d’une activité économique normale. Ainsi, selon l’Insee, la perte d’activité en France par rapport à une situation « normale » s’est limitée à 12 % en juin, après 29 % en avril et 22 % en mai[2]. La véritable question qui se pose néanmoins est celle de l’évolution de la demande dans les trimestres à venir. Les entreprises, confrontées à une visibilité limitée — leur principale préoccupation étant de savoir s’il y aura ou non une deuxième vague et, si oui, quelles mesures seront adoptées pour y faire face — se montreront réticentes à investir. Les ménages se heurtent, pour leur part, à une dégradation du marché du travail, ce qui devrait peser sur leurs dépenses. La mise à jour, en juin, des Perspectives de l’économie mondiale du FMI donne à réfléchir : « la reprise devrait être plus progressive que ce à quoi on s’attendait… La chute brutale de l’activité économique a des effets désastreux sur le marché du travail au niveau mondial »[3]. Le Fonds cite à cet égard une étude du Bureau international du travail (BIT), selon laquelle la baisse du nombre d’heures travaillées au niveau mondial, enregistrée au deuxième trimestre 2020 par rapport au dernier trimestre 2019, représentera probablement l’équivalent de plus de 300 millions d’emplois à plein temps.

Si l’on ajoute à cela le fait que dans un certain nombre de pays, et dans plusieurs États américains, la pandémie n’a toujours pas été endiguée, le risque d’une deuxième vague à l’automne prochain et une incertitude économique omniprésente, force est de conclure que la prudence est plus que jamais de mise dans l’exercice de prévision. Dans un tel contexte, le Fonds note que « l’ampleur de la récente embellie sur les marchés financiers semble décorrélée de l’évolution des perspectives économiques… il est donc possible que les conditions de financement se durcissent davantage que ne l’a prévu le scénario de référence ». Si tel était le cas, ce serait un autre effet boomerang, dont on préférerait se passer.

NOTES

  1. « Les personnes interrogées doivent indiquer si, d’après plusieurs variables, la conjoncture s’est améliorée, détériorée ou est restée inchangée par rapport au mois précédent ». (Source : brochure IHS Markit).
  2. Source : INSEE, Point de conjoncture, 17 juin 2020
  3. Source : FMI, Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale (juin). Concernant le choc sur le marché du travail, le Fonds cite une étude du Bureau international du travail, selon laquelle la baisse du nombre d’heures travaillées au niveau mondial, enregistrée au deuxième trimestre 2020 par rapport au dernier trimestre 2019, représentera probablement l’équivalent de plus de 300 millions d’emplois à plein temps.

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