Elections américaines : comment vont réagir les marchés ?

par Hervé Guez, Directeur des gestions actions, taux et solidaire chez Mirova

L’élection présidentielle américaine est imminente. Elle constitue, avec l’approbation d’un potentiel vaccin et l’adoption d’un nouveau plan de relance budgétaire aux Etats-Unis, l’évènement majeur de cette fin d’année, duquel devrait découler le comportement d’un certain nombre d’actifs à court-moyen terme. D’ailleurs, aucun plan de relance ne sera adopté avant l’issue des élections : c’est ce qu’a décidé Donald Trump, de retour à la Maison-Blanche après son hospitalisation éclair début octobre.

Synthétiquement, Trump a promis davantage de réductions d’impôts, une politique favorisant les entreprises qui relocaliseraient aux Etats-Unis, une réduction générale des réglementations. Il a aussi laissé entrevoir la perspective de tarifs supplémentaires contre la Chine.

Joe Biden, de son côté, a promis d'augmenter les impôts des plus riches et des entreprises et d'utiliser cet argent afin de :

  • moderniser les infrastructures (routes, ponts et autoroutes du pays),
  • développer les énergies propres (objectif 0 émission carbone d’ici 2030),
  • investir dans la recherche et le développement pour soutenir le secteur manufacturier,
  • rendre le logement et la garde d'enfants plus abordables (construction de 1,5 million de maisons et de logements sociaux éco énergétiques),
  • améliorer l'éducation,
  • augmenter le salaire minimum (hausse à 15 dollars de l’heure contre 7,25 aujourd’hui) et
  • réglementer davantage certains secteurs (loi anti-trust[1], politique de la concurrence, etc.).

Alors, quel positionnement adopter ?

Sur le moyen-long terme, nous restons confiants : la reprise est bien enclenchée et devrait se poursuivre en tendance. Les banques centrales devraient rester accommodantes et les taux se maintenir à des niveaux attractifs. Les plans de relance budgétaires devraient porter leur fruit, et s’agissant de la prime de risque actions, elle se situe à un plus haut historique par rapport aux obligations.

A plus court terme, nous identifions principalement deux catalyseurs positifs à la poursuite de la hausse des actifs risqués : l’approbation d’un vaccin et l’adoption d’un nouveau plan de relance budgétaire aux Etats-Unis. Or, la probabilité d’obtenir des résultats sur au moins un de ces deux points augmente sensiblement.

Certes, l’élection présidentielle américaine engendre très logiquement de la volatilité, mais nous pensons que seul le scénario d’une contestation, accompagnée d’éventuelles violences, des résultats sur fond de recomptage des bulletins de vote, à l’image de ce qui s’était produit en 2000, entrainerait un fort retour de l’aversion au risque. A l’époque, il avait fallu attendre plus d'un mois après le jour des élections pour savoir qui de George W Bush et Al Gore était le nouveau président, et la décision avait finalement été donnée par la Cour Suprême.

Une large victoire des démocrates reste le scénario le plus probable selon les instituts de sondage (instituts mis en échec en 2016 à la suite de la défaite d’Hillary Clinton, ne l’oublions pas). Si ce scénario se confirme, le marché devrait accueillir favorablement le plan de relance budgétaire annoncé (2 500 milliards de dollars), quitte à passer outre les hausses d’impôt sur les sociétés (de 21 % à 28 %) dans un premier temps . Celles-ci pourraient d’ailleurs être révisées à la baisse et ne seront a priori pas mises en place avant 2022. En revanche, certains secteurs, notamment la techno américaine qui représente une part importante des indices, pourraient pâtir de certaines réformes à venir. A contrario les valeurs positionnées sur la transition énergétique, les valeurs cycliques/value bénéficiant du plan de relance, ainsi que les valeurs exposées à la Chine, moins dépendantes des sautes d’humeur de Trump, devraient surperformer.

En cas de maintien des Républicains à la Maison-Blanche et au Sénat, la techno américaine devrait bien se comporter, de même que les secteurs les plus sensibles aux réglementations environnementales que Biden souhaite mettre en place (pétrole, gaz…). A contrario les valeurs bénéficiant du potentiel green deal pourraient souffrir à court terme.

Au niveau des taux d’intérêt, une hausse des taux nominaux est tout à fait envisageable du fait du repositionnement de certains investisseurs vers les actions dans le cas de l’approbation d’un vaccin et/ou de la validation d’un plan de relance massif. Toutefois, nous n’anticipons pas de rebond de l’inflation à court-moyen terme. En effet l’économie demeure éloignée de son plein potentiel de croissance, les taux de chômage élevés et le retour à la normale pour les secteurs les plus touchés par la pandémie risque de prendre du temps, à priori au moins une année.

NOTE

  1. Loi anti-monopole