Banques américaines : des profits fragiles

par Estelle Honthaas, économiste chez Crédit Agricole

JP Morgan Chase (JPMC) et Goldman Sachs (GS) ont annoncé des profits record pour le 3e trimestre 2009. Les résultats de Citigroup (Citi) et Bank of America (BofA) portent en revanche toujours les stigmates de la crise.

Ces résultats contrastés relativisent l’optimisme ambiant. Ils rappellent que la santé des principales banques américaines reste fragile, et laissent augurer un trimestre difficile pour les nombreux établissements n’ayant pas d’activité de banque d’investissement.

Le clivage s’élargit entre les banques américaines. JP Morgan Chase et Goldman Sachs ont confirmé leur statut de banques « gagnantes », avec des profits trimestriels de plus de 3 milliards de dollars, essentiellement liés à leur activité de banque d’investissement. Citigroup (avec un bénéfice tout juste positif de 100 millions de dollars) et Bank of America (avec une perte de 1 milliard de dollars), continuent en revanche à payer un lourd tribut à la crise.

Comme au trimestre précédent, les préoccupations portent moins sur les dépréciations sur titres que sur le niveau des provisions pour pertes de crédit des banques commerciales. Le coût du risque se stabilise (JPMC), voire diminue (Citi, BofA), mais reste à des niveaux élevés (toujours supérieur à 10 milliards de dollars pour BofA) et absorbe la totalité du RBE1 de Citi et BofA. Pour autant, les efforts de provisionnement réalisés n’empêchent pas la poursuite de la dégradation des ratios de couverture.

Autre fait marquant, la capacité des grandes banques commerciales à générer des revenus importants (et suffisants pour contrebalancer les effets du coût du risque) s’émousse. Outre les effets de la crise économique, il faut y voir la conjugaison de deux phénomènes. D’une part, les volumes d’activité sont en baisse pour l’ensemble des acteurs.

Sur un an, l’encours des prêts au bilan des trois principales banques commerciales a diminué de 3% pour Citi, et de 14% pour BofA et JPMC. D’autre part, les marges d’intérêt sont également en baisse : les banques se refinançant sur les marchés (par opposition à celles dépendant davantage des dépôts) avaient jusqu’à présent largement bénéficié des baisses de taux, les répercutant plus rapidement sur leur passif que sur leur actif. Mais le niveau actuel des taux les prive de cette marge de manœuvre.

Préoccupations croissantes sur les banques régionales

En écho aux difficultés des grandes banques commerciales, la FDIC2 (Federal Deposit Insurance Corporation) ne cesse d’alerter sur les difficultés présentes et à venir des petites banques régionales

Ces établissements sont souvent peu diversifiés, et détiennent des portefeuilles importants de crédit immobilier commercial (en moyenne de 30% du total de leurs encours). Or ce segment pourrait dans les mois à venir enregistrer des pertes encore importantes : les crises économique et immobilière ont en effet drastiquement réduit la demande de bureaux et de centres commerciaux, et le refinancement de ce type de prêt est de plus en plus difficile.

Si elles ne présentent a priori pas de risque systémique, les difficultés des quelque 5 000 petites banques régionales américaines sont néanmoins sérieuses. 98 faillites ont été enregistrées depuis le début de l’année, et plus de 400 banques sont identifiées comme étant « à problème » par la FDIC.

Ainsi, malgré les bons résultats annoncés jusqu’ici, il est de toute évidence encore trop tôt pour affirmer que les banques américaines sont tirées d’affaire.

NOTES

  1. Résultat brut d’exploitation.
  2. Autorité américaine garantissant les dépôts.

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