2018 : interrogations sur la croissance

Les investisseurs sont-ils plus réalistes que les institutions financières ? La Banque mondiale a relevé, mardi 9 janvier, sa prévision de croissance mondiale à 3,1% (contre une précédente estimation de 2,9%). Mais le consensus médian de ZoneFinance pour Globalix anticipe 3,5% en moyenne.

Cet écart peut surprendre alors que le consensus est plus prudent sur les Etats-Unis (2,3% contre 2,5%) et sur la zone euro (2% contre 2,1%), qui sont les deux plus grandes zones économiques de la planète.

Le consensus anticipe un tassement dans les pays développés avec quelques différences. Il table sur 1,7% en France (1,6% en 2017), 2% en Allemagne (2% en 2017), 1,2% au Royaume-Uni (1,5% en 2017). Il prévoit 2,3% pour les Etats-Unis contre 2,2% l’an dernier.

Cependant, la croissance mondiale est actuellement synchronisée – pour la première fois depuis le début de l’actuel cycle, en 2009 – et les « planètes » sont alignées, avec notamment des politiques monétaires qui restent accommodantes et des prix des matières premières toujours attractifs. Les pays émergents tournent à plein régime. Selon la Banque mondiale, ils devraient afficher un taux de 4,5% contre 2,2% pour les pays avancés.

La Russie, le Brésil et le Nigeria sont sortis de récession en 2017 et la reprise dans ces pays devrait se poursuivre, voire s’amplifier. De leur côté, l’Inde et la Chine affichent toujours des taux impressionnants.

Voir CONSENSUS MACRO

L’environnement macro-économique global a favorisé les actifs risqués en 2017 et en particulier les actions. Les indices boursiers ont nettement progressée, en particulier aux Etats-Unis où la hausse a été alimentée en outre par les rachats d’actions et par les dérégulations mises en œuvre par le président Donald Trump et par l’anticipation d’une baisse d’impôts massive.

Ces éléments vont continuer à soutenir les places boursières. Le consensus anticipe un ralentissement au premier semestre 2018 mais la reprise de la hausse dans la deuxième partie de l’année.

Voir CONSENSUS EQUITIES

Après l’excellente performance américaine, les investisseurs pensent que l’Europe devrait prendre le relais. Mais cela suppose que la situation politique soit stabilisée. Or, pour le moment, l’Allemagne n’a toujours pas de gouvernement, l’Italie prépare des élections et la crise catalane n’est toujours pas réglée en Espagne. Sans oublier le feuilleton du Brexit.

La croissance économique mondiale peut-elle vraiment tenir ? Les interrogations ne manquent pas. Les optimistes soulignent que le cycle est certes plutôt long – entrant dans sa neuvième année – mais que le rythme est inférieur à ce qu’il était précédemment. Ainsi, les Etats-Unis évoluaient dans le passé au-dessus de 3% contre un peu plus de 2% aujourd’hui.

En réalité, cela n’empêcherait pas un ralentissement. Sans même parler des risques géopolitiques (Corée du Nord et Moyen-Orient en particulier), la situation peut déraper à tout moment.

Comme le souligne Pascal Blanqué, CIO d’Amundi, s’il y a une synchronicité de la croissance dans le monde, les politiques monétaires sont désynchronisées. La Réserve fédérale américaine a commencé à durcir sa politique tandis que la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque du Japon demeurent accommodantes. « La hausse des taux, même limitée, peut avoir un impact. Une correction peut s’amorcer. »

La Fed évolue dans un environnement particulier. Alors que le cycle américain est arrivé à maturité avec une croissance solide et une situation proche du plein emploi. Jean-Michel Six, Chef économiste Europe, Moyen-Orient, Afrique chez S&P Global, précise que le plan fiscal de Trump et la relance budgétaire représentent un effort de 1,3 point de PIB. « On relance une économie qui tourne déjà plein pot. »

Or, dans le même temps, les taux longs ne remontent toujours pas, et ce en dépit de cinq hausses des taux de la Fed. « L’aplatissement de la courbe des taux signifie que les investisseurs anticipent une baisse des taux et donc un ralentissement économique. Mais ils vont prendre conscience du stimulus fiscal. Il y a donc un risque d’une forte remontée des taux longs », juge-t-il.

Si tel était le cas, on il pourrait y avoir un choc obligataire. Les choses peuvent arriver très vite. La rumeur, démentie, d’un ralentissement des achats d'obligations américaines par la Chine, a semé le trouble sur les marchés.

Les éléments fondamentaux justifient l’optimisme des investisseurs pour la croissance mondiale et pour l’évolution des marchés boursiers. Mais des chocs exogènes, même les plus minimes, pourraient remettre en cause ce scenario.