Arrogance chinoise

Les dirigeants chinois ont saisi l’annonce d’une dégradation de la note de crédit américaine par Standard and Poor’s pour dénoncer « le problème structurel de la dette » de l’oncle Sam mais ils semble

Les dirigeants chinois ont saisi l’annonce d’une dégradation de la note de crédit américaine par Standard and Poor’s pour dénoncer « le problème structurel de la dette » de l’oncle Sam mais ils semblent oublier que sans le consommateur américain le décollage économique de la Chine n’aurait pas eu lieu.

« Les jours où l'oncle Sam, perclus de dettes, pouvait facilement dilapider des quantités infinies d'emprunts de l'étranger semblent comptés », affirme l’agence officielle Chine Nouvelle qui ajoute : « afin de soigner leur dépendance aux dettes, les Etats-Unis doivent rétablir le principe de bon sens selon lequel il faut vivre selon ses moyens. »

Il est vrai que les Américains vivent à crédit et ce pour plusieurs raisons, notamment parce que le pouvoir d’achat la classe moyenne stagne et que des millions de ménages sont obligés de s’endetter pour pouvoir continuer à consommer.

Quant à l’Etat, sous la pression d’une minorité d’extrême droite (en particulier le Tea Party) qui a réussi à entrainer une partie importante de la population, il refuse d’augmenter les impôts alors que les recettes fiscales représentent à peine 15% du Produit intérieur brut (PIB), soit le niveau historique le plus bas.

Mais entendre la Chine donner des leçons en matière économique peut faire sourire. Passons sur le fait que le pays refuse toute critique de son régime dictatorial en réclamant la « non ingérence » dans ses affaires intérieures. On ne peut oublier qu’il respecte peu de règles dans les échanges internationaux : sa monnaie est sous-évaluée volontairement, les droits des entreprises étrangères sont limités, le gouvernement ferme les yeux sur les violations des brevets des groupes occidentaux, etc.

Les dirigeants chinois estiment qu’ils peuvent réclamer des comptes aux Etats-Unis car ils détiennent environ 1.160 milliards de dollars de bons du Trésor américain.

On pourrait rétorquer que la Chine, qui dispose d’environ 3.000 milliards de dollars de réserves de change, n’avait qu’à diversifier davantage ses actifs.

Ce serait oublier le caractère particulier du mouvement de mondialisation qui a eu lieu depuis le début de la décennie 2000.

Les Américains sont depuis plusieurs décennies les « consommateurs en dernier ressort » de la planète. Tant que la croissance tient aux Etats-Unis, le reste du monde va plutôt bien. Mais la dernière phase de la mondialisation a eu ceci de particulier que les Américains ont fait le choix d’arrêter de produire sur leur sol pour délocaliser en Chine.

Les Américains ont commencé par produire en Chine ce qu’ils consomment (il n’y a qu’à se rendre dans un supermarché américain pour voir que la quasi-totalité des produits vendus sont « Made in China ») parce que la Chine a offert une main d’œuvre abondante et quasi gratuite. Avec les recettes obtenues dans le cadre de ce « partenariat », la Chine finançait la dette américaine en achetant les bons du Trésor.

Mais la Chine ne veut pas se cantonner à être « l’atelier du monde ». Elle utilise aussi ses moyens financiers pour se développer technologiquement afin de ne pas dépendre de l’Occident et même de battre l’Occident. Quand on discute en privé avec des responsables chinois, on est surpris par leur soif de revanche contre l’Occident.

Il faut ajouter que le pays est en train de faire évoluer son modèle économique, en développant la consommation interne et en réduisant la part relative des exportations.

Il est clair que la Chine veut vivre de manière quasi autarcique. Elle est juste contrainte de nouer des accords plus ou moins équilibrés avec des pays détenteurs de matières premières, elle-même n’en disposant pas suffisamment pour sa croissance.

Cette stratégie s’accompagne d’une volonté d’éjecter les Occidentaux des champs technologiques d’avenir en cassant les prix pour prendre des positions sur les marchés internationaux. Il suffit de se reporter aux conclusions du dernier plan quinquennal adopté par le congrès du Parti communiste chinois.

Même s’il y a des ratés exceptionnels – comme le récent accident de son train à grande vitesse -, la Chine pense qu’elle est mesure d’atteindre ses buts.

D’où cette arrogance dans les relations internationales. Les Américains, les Européens et les Japonais doivent se réveiller et adopter une stratégie pour résister au rouleau compresseur chinois.