Atermoiements européens

Personne ne croit sérieusement que la zone euro éclatera.

Personne ne croit sérieusement que la zone euro éclatera. Pour une raison simple : le coût serait énorme politiquement car cela remettrait en cause tout le processus de construction européenne entamé au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

Mais les dirigeants européens semblent ne pas se rendre compte aujourd’hui que sans mesures drastiques pour résoudre la crise de la dette souveraine l’Union européenne est partie pour au moins une décennie de croissance molle qui ne permettra ni d’assainir les finances publiques ni de lutter contre le chômage.

La gestion du dossier du Portugal est de ce point de vue assez incroyable. L’Allemagne, la France et la Commission européenne feraient pression sur ce pays afin qu’il accepte une aide de l’UE et du Fonds monétaire international (FMI). Or, le Portugal fait des efforts.

Le Premier ministre José Socrates vient d’annoncer que le déficit budgétaire en 2010 serait inférieur à l’objectif de 7,3% du Produit intérieur brut (PIB) alors qu’il atteignait 9,3% en 2009. Il veut le ramener à 4,6% en 2011. Pour lui, les rumeurs sur un possible sauvetage financier de son pays font le jeu des spéculateurs. « Nous faisons notre travail. De toute évidence, l'Europe ne fait pas le sien pour garantir la stabilité de l'euro », a-t-il ajouté.

Et on peut effectivement constater que les principaux pays européens n’ont pas de stratégie globale pour rassurer les marchés financiers alors qu’ils dénoncent à longueur de discours la spéculation.

Chaque pays a son propre agenda sur fond d’échéances électorales à venir : le gouvernement allemand veut convaincre les Allemands qu’ils n’auront pas à payer ; le gouvernement français prépare l’élection présidentielle de 2012 et reporte à plus tard les ajustements nécessaires. L’Italie est embourbée dans ses difficultés politiques.

Précisons que du fait de sa situation financière l’Europe a besoin des investisseurs internationaux. Elle devrait émettre pour environ 800 milliards d’euros de dette brute globale cette année, soit le même niveau que l’an dernier, selon les estimations de Barclays Capital.

L’UE n’est donc pas en mesure de dicter sa loi aux marchés financiers. Elle peut mettre fin aux turbulences sur les marchés qu’en lançant un vigoureux plan de réduction des déficits – ce qui est plus ou moins en cours avec des inconnues – et en mobilisant des moyens financiers pour voler au second d’un Etat en difficulté.

Les différents mécanismes mis en place ces derniers mois (Fonds européen de stabilité financière et mécanisme européen de stabilisation) disposent encore de 460 milliards d’euros après l’aide apportée à l’Irlande. Mais pour affronter les marchés, il faudrait trois à quatre fois cette somme. Comme le dit un analyste, l’opinion des investisseurs aujourd’hui est : « l’UE, combien de divisions ? »

Autant dire que l’Union n’a aucune chance de convaincre dans les circonstances actuelles. L’objectif n’est pas de convaincre les pays d’accepter les uns après les autres un soutien. Il faudrait, de l’avis de plusieurs intervenants des marchés, annoncer un programme exceptionnel (1.200 à 1.500 milliards d’euros sous forme de prêts et de garanties) visant à soutenir l’ensemble de la zone euro.

Selon des experts, cela permettrait de calmer les esprits et de montrer la détermination de l’UE. Car, on l’oublie souvent, l’économie est davantage affaire de psychologie que d’argent.