Australie : des signes de stabilisation

par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas

Après avoir baissé son taux directeur de 25 points de base en avril dernier à 3%, la RBA a opté, en mai, pour le statu quo monétaire.

Bien que la Banque centrale ait révisé à la baisse ses prévisions de croissance et d’inflation, elle reste confiante dans une reprise progressive de l’activité vers la fin de l’année.

L’Australie traverse le huitième épisode de contraction de l’activité, depuis la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, il devrait être moins marqué qu’en 1990-1991 (sept trimestres de croissance négative ou nulle) et, également, que dans les autres pays membres de l’OCDE. En effet, les plans de relance budgétaires1, mis en place dès la fin de l’année dernière et relayés par une importante et rapide baisse des taux d’intérêt (400 points de base en six mois, de 7,25% en septembre à 3,00% en avril), devraient soutenir la demande interne.

Une récession courte et de faible ampleur

Les données et enquêtes les plus récentes montrent que l’activité s’est encore probablement contractée au premier trimestre 2009, à un rythme proche de celui affiché au T4 2008 (-0,5% t/t premier recul trimestriel du PIB depuis la récession de 1990-1991). A l’issue du T4, l’acquis de croissance est désormais nul et le PIB pourrait reculer de plus de 1% en 2009. Toutefois, cette récession serait plus courte que la précédente et la reprise se profile à l’horizon de l’année prochaine.

Les ménages privilégient le désendettement

La consommation privée a été morose tout au long de 2008. En 2008, elle a progressé de 2%, après 4% en 2007 et plus de 3% au cours des vingt dernières années (1988-2008). Au début de 2009, elle semble se redresser, probablement à la faveur des baisses de taux d’intérêt consenties en quelques mois. Les ventes au détail ont crû de 2,2% t/t au premier trimestre, après 1,2% au T3 08 et 1,6% au T4 08. L’indice composite d’activité de l’enquête de confiance dans les services a continué de se redresser en avril, de 35,6 en mars à 39,8, après avoir touché, en février, son point le plus bas depuis le début de la série. Depuis un an, il demeure sous la barre des 50 qui sépare les phases d’expansion et de contraction de l’activité. Cette évolution reflète en partie la faiblesse de la consommation des ménages. En mai, la confiance des ménages a de nouveau reculé après être restée quasiment stable les trois mois précédents. Le statu quo de la RBA en mai explique probablement ce repli, en dépit de la remontée de la Bourse australienne depuis mars, lorsqu’elle avait atteint son plus bas niveau en six ans. Plus généralement, il semble que les ménages sont plus enclins qu’auparavant à se désendetter et à épargner. De fait, leur endettement atteint un niveau préoccupant, à plus de 110% du PIB en 2009. En outre, le secteur de l’immobilier résidentiel a amorcé une phase de correction l’année dernière. Les prix ont baissé en moyenne de 3% en 2008. De plus, les enquêtes montrent que la construction de nouveaux logements devrait demeurer anémique au premier semestre de cette année. Les permis de construire ont augmenté en février mais demeurent à des niveaux historiquement bas. Au total le taux d’épargne des ménages devrait nettement se redresser. Alors qu’il se situait à 3% en 2008, il s’établirait cette année à plus de 7%.

Le chômage dépassera 6% avant l’été

De fait, l’inquiétude des ménages demeure alimentée par les tensions sur le marché de l’emploi, même si le taux de chômage s’est replié à 5,4% en avril, après avoir atteint, le mois précédent, son niveau le plus élevé depuis février 2004 (5,7%). Dans le secteur manufacturier, qui représente près du tiers de l’emploi total, les perspectives sont inquiétantes, comme en témoigne l’indice relatif à l’emploi de l’enquête PMI manufacturier qui a touché en avril un nouveau plus bas historique, à 32,9. Celui de l’enquête PMI services s’est, quant à lui, redressé de 37,2 en mars à 41,7, après s’être inscrit, en février, à son niveau le plus faible depuis le début de la série en 2003. Dans ce contexte, la croissance des salaires hebdomadaires ralentit progressivement.

Le plan de relance chinois devrait soutenir les exportations australiennes

Entre 2003 et 2008, les termes de l’échange sont fortement améliorés, de plus de 50%, grâce à la flambée des cours des matières premières, minières en particulier (avec une hausse de plus de 60% au cours de la période)2, combinée à la désinflation mondiale. Les échanges extérieurs souffrent désormais de la contraction de l’activité de la plupart des partenaires commerciaux de l’Australie. Pour l’ensemble de cette année, les exportations devraient reculer d’environ 7%. La récession américaine (-3,7% prévus en 2009 après +1,1% en 2008), couplée à la forte contraction de l’activité japonaise (-7% prévus en 2009), laminera les exportations australiennes à destination de ces pays. Cette tendance était perceptible en début d’année. Selon les données douanières, les exportations ont reculé de plus de 16% t/t au T1, enregistrant leur plus fort repli depuis le début de la série en 1988. Celles à destination du Japon ont chuté de 29,8% t/t, alors que le recul atteignait 28,4 %. vers les Etats-Unis. Notons toutefois que les exportations à destination de la Chine, qui représentent un cinquième du total, se sont nettement redressées depuis le mois de février, probablement soutenues par les efforts du gouvernement chinois pour relancer la demande interne. Au T1, elles ont progressé de 35,7% t/t. Parallèlement, les importations baissent régulièrement depuis octobre 2008. Au premier trimestre, elles se sont effondrées, -18,8% t/t, soulignant le repli de la demande intérieure. Au cours de la récession de 1990-1991, elles avaient reculé de 5,6% t/t au T2 1990.

Après la baisse en avril, la RBA opte pour une pause en mai

Après une baisse de base de son taux directeur de 25 points en avril, le ramenant à 3%, la RBA a de nouveau opté pour une pause. Le communiqué du gouverneur, à cette occasion, montre que la Banque centrale demeure relativement optimiste. Les récentes baisses de taux d’intérêt couplées aux plans de relance budgétaire adoptés par le gouvernement devraient à terme exercer un impact positif sur la demande interne, via en particulier l’allègement du service de la dette des ménages3, et la production. Toutefois à court terme, les perspectives demeurent médiocres. En outre, le bas niveau d’utilisation des capacités et la faiblesse du marché du travail augmentent la probabilité d’un repli de l’inflation à moyen terme, bien qu’à un rythme modeste compte tenu de la baisse récente du dollar australien. La Banque centrale anticipe que l’inflation devrait continuer de reculer et respecter, cette année, son objectif compris entre 2% et 3%. En avril, l’inflation totale a reculé de 2,6% en mars à 2,1%.

NOTES

(1) En février, un deuxième plan de relance représentant au total AUD 41,5 milliards, après déjà 10,7 milliards à la fin de l’année dernière, a été mis en place. Il comprend en outre AUD 11 milliards à l’intention des familles, distribués en mars et en avril, après déjà 8 milliards à la fin de l’année dernière. Au total, les deux plans représentent 4,5% du PIB étalés sur quatre ans. Les comptes publics devraient se trouver en déficit en 2009, pour la première fois en huit ans, après un excédent de plus de 2% en 2008.
(2) Les matières premières, en particulier le charbon, le fer et l’or, représentent trois- quarts des exportations australiennes.
(3) En septembre 2008, le service de la dette totale des ménages représentait plus de 15% de leur revenu disponible. Fin décembre, ce ratio était déjà revenu à moins de 13%. Il doit désormais s’approcher à nouveau de 10%.

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