Cesser de parler de réformes et les faire

Un surplus de croissance de 0,4 point par an sur dix ans : c’est que prévoit l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour la France avec les réformes « annoncées ou engagées » par François Hollande. On peut juger l’impact plutôt modeste d’autant qu’il n’est pas du tout certain que le président de la République mette en œuvre les mesures nécessaires pour redresser le pays.
 
Le « think tank » des pays les plus riches cite notamment la libéralisation du marché des biens et services, la baisse des charges, la nouvelle organisation territoriale, la réforme des professions réglementées ainsi que celle des tarifs de l’énergie.
 
Face à ces perspectives, il convient d’être prudent. Les gouvernants, de droite comme de gauche, ont tendance en France à complexifier et à reculer.
 
Après avoir minoré la crise économique pendant la campagne présidentielle, François Hollande a fini par comprendre qu’il fallait donner aux entreprises les moyens de lutter contre la concurrence internationale et a mis en place le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour leur apporter des marges de manœuvre. Mais ce dispositif est tellement complexe que nombre de patrons renoncent à demander à en bénéficier.
 
Autre exemple, le pacte de responsabilité lancé en grande pompe au début de l’année 2013 avec pour objectif de redonner confiance. Problème : il n’est toujours pas appliqué.
 
Pendant ce temps, la conjoncture se dégrade et la France vient de demander à la Commission européenne un nouveau délai pour respecter l’objectif de ramener les déficits publics à 3% du Produit intérieur brut (PIB). Ou plutôt essayer car le gouvernement ne donne pas l’impression de vouloir engager une action énergique pour mettre de l’ordre dans les finances publiques. 
 
Le projet de budget 2015, qui prévoit un déficit de 4,3%, pourrait être rejeté par l’exécutif bruxellois. Le risque est d’autant plus grand que des pays ayant réalisé des réformes structurelles douloureuses – Espagne, Irlande, Portugal, Grèce – ne peuvent pas accepter que la France puisse, année après année, ignorer ses engagements.
 
Pour tenter de calmer ses partenaires, le gouvernement a présenté un projet de loi intitulé « pour l'activité et l'égalité des chances économiques ». Rien de moins ! Et que contient ce texte ? Des autorisations d’ouverture de magasins sur 12 dimanches dans l’année contre cinq actuellement. La libéralisation des secteurs des autocars – afin que les pauvres puissent voyager davantage, selon l’expression du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron – des professions de santé et juridiques.
 
Ces réformes sont bien entendu nécessaires mais sont-elles suffisantes pour relancer la croissance ? Rien n’est moins sûr. Ce qui manque au pays, c’est la confiance. Avec une cote de popularité sous les 20%, François Hollande n’est pas en mesure, aujourd’hui, de redonner confiance d’autant qu’il n’est pas adepte de thérapie de choc.
 
Le président du conseil italien, Matteo Renzi, qui est social-démocrate, a compris, lui, que le seul moyen de provoquer un choc était d’agir sur la fiscalité. Il vient annoncer 18 milliards d’euros de baisses d’impôts. Il s’agit en réalité de la reconduction, pour 9,5 milliards, d’un bonus de 80 euros mensuels pour les foyers modestes. Mais le plan comprend aussi 6,5 milliards de baisses de charges pour les entreprises.
 
Pour financer cet allègement, Renzi prévoit une augmentation du déficit (2,9% du PIB contre 2,2%), ce qui devrait provoquer des débats avec la Commission européenne, et, surtout, 15 milliards d’euros de réductions de dépenses publiques. 
 
En Europe, plusieurs gouvernements montrent que les réformes économiques sont possibles et, surtout, efficaces. En France, le gouvernement refuse à parler clair. 
 
Le chef de l’Etat et son Premier ministre dénoncent régulièrement l’austérité qui sévirait en Europe tout en assurant qu’ils ne la pratiquent pas. Le problème pour l’exécutif est que les Français sont plus intelligents qu’on a tendance à le croire dans les allées du pouvoir : ils entendent parler de réformes mais ne voient rien venir. Ils anticipent donc de nouvelles mesures, notamment fiscales, plus sévères à mesure que la conjoncture se dégrade. Au lieu de dépenser, ce qui soutiendrait l’activité dans un pays où la consommation représente les deux tiers de la croissance, ils préfèrent épargner.
 
Un cercle vicieux est en place. Pour en sortir, il faut parler clair. François Hollande a reconnu, fin septembre, qu’un plan d’économie ne pouvait pas être « indolore ». Il convient désormais d’appliquer les réformes dont on parle tant.
 
De ce point de vue, on peut se demander si un rejet du budget de la France par la Commission européenne ne serait pas bénéfique. Une telle décision, qui provoquerait un choc, notamment les marchés financiers, obligerait le gouvernement à agir.