Comment convaincre l’Allemagne d’être souple ?

Les indicateurs montrent que l’économie allemande connaît de sérieuses difficultés. La chancelière Angela Merkel peut-elle faire preuve de souplesse afin de relancer l’activité dans son pays et en Europe ? Elle est réfractaire à tout ce qui pourrait apparaître comme une pression extérieure. Pour la convaincre, la France doit faire les efforts nécessaires.
 
Au troisième trimestre, le PIB allemand a progressé de 0,1%, permettant d’éviter la récession après le recul de 0,1% au trimestre précédent. L’économie a été soutenue par les exportations et la consommation des ménages, celle-ci étant favorisé par les créations d’emplois (384.000 créations en un an). 
 
Mais l’investissement a reculé, les chefs d’entreprise étant inquiets face aux problèmes géopolitiques, en particulier la crise entre la Russie et l’Ukraine.
 
Pour nombre d’investisseurs, c’est pourtant la clé pour relancer l’économie de la première puissance de la zone euro et, partant, celle de l’Europe toute entière.
 
Cette situation explique pourquoi l’indice boursier allemand Dax est en recul de 3% depuis le début de l’année, sous-performant l’Eurostoxx 50 (-1,6%), le CAC 40 français (-2,2%), le FTSE britannique (-1,4%), le MIB italien (stable) et l’Ibex espagnol (+2,3%). Et on n’inclut pas le SMI suisse (+8,7%) ni les indices américains (+6,4% pour le Dow Jones, +12,3% pour le Nasdaq, +10,4% pour le S&P 500). Même le Nikkei japonais, qui avait fléchi dans la première partie de l’année en raison des doutes sur la réussite de la politique économique du Premier ministre Shinzo Abe), est reparti à la hausse (+7,4%).
 
La faiblesse du Dax est alarmante car cet indice regroupe les grands groupes internationalisés qui sont peu impactés par les sanctions imposées à la Russie. Ce sont les entreprises de taille intermédiaire qui sont pénalisées et leurs dirigeants ne cachent plus leur inquiétude. Ils ont donc décidé de suspendre leurs investissements.
 
Ce contexte peut-il provoquer une prise de conscience en Allemagne ? Merkel est confrontées  à des forces contradictoires. Les cinq économistes indépendants qui conseillent le gouvernement ont ainsi minimisé, lors de la remise de leur rapport d’automne le 12 novembre, les conséquences de la situation internationale et ont préféré dénoncer l’introduction, à partir du 1er janvier 2015, d’un salaire minimum.
 
La chancelière n’a pas hésité à les tacler : « Il n'est pas facile de comprendre qu'une mesure qui n'est pas encore entrée en vigueur puisse déjà ralentir la conjoncture. » Est-ce le signe d’un changement de discours ? Les investisseurs l’espèrent.
 
Philippe Brugère-Trélat, qui gère les actions européennes chez Franklin Templeton Investments, souligne que le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, est « limité » dans ses mouvements par l’Allemagne, qui met en garde régulièrement contre tout laxisme en matière de politique monétaire.
 
« La ralentissement en Allemagne joue en faveur de Draghi », juge-t-il en rappelant que la BCE souhaite augmenter son bilan de 1.000 milliards d’euros et que l’Europe évoque un vaste programme d’investissement dans les infrastructures.
 
Mais pour que l’Allemagne évolue, il faut que ses partenaires jouent le jeu. Merkel ne pourra pas assouplir sa position si la France, notamment, continue de traiter par dessus la jambe la question de l’équilibre budgétaire. Paris a déjà demandé à trois reprises un report du délai pour atteindre l’objectif de 3% du PIB. Le président François Hollande et son gouvernement parlent de réformes mais celles-ci sont limitées et, surtout, elles ne sont pas mises en œuvre. Comme si on attendait le retour de la croissance pour éviter de faire les efforts nécessaires.
 
En outre, aucun effort n’est fait sur la réduction des dépenses publiques. On se contente de limiter leur hausse mécanique. Or, l’Etat, au sens large, capte 10 points de PIB de plus qu’ailleurs en Europe en moyenne. Ce qui ne signifie pas que les services publics soient au meilleur niveau puisque les indicateurs montrent une dégradation dans les domaines de l’éducation, de la sécurité publique et de la santé.
 
La France aurait plus de chance de convaincre l’Allemagne d’accepter un vaste plan d’investissement dans les infrastructures si elle montrait enfin un peu de sérieux dans la gestion de ses finances publiques. Au lieu de critiquer l’Allemagne, Hollande doit comprendre que ce pays est obsédé par les performances économiques pour des raisons de fond : sa population décroît et, donc, vieillit. Pour faire face à ce choc démographique, le choix a été fait d’orienter l’économie vers l’exportation et d’accumuler des réserves.
 
Pour autant, les dirigeants allemands commencent à prendre conscience qu’ils ne peuvent pas prétendre à une prospérité dans un environnement déprimé. Ils peuvent donc envisager de dépenser plus et d’accepter les mesures non conventionnelles de la BCE. Mais ils ont besoin de garanties sérieuses. Et ils ne se presseront pas.
 
Contrairement à la France, dont la situation économique est très dégradée, l’Allemagne a les moyens d’attendre. Sur les six premiers mois de 2014, son excédent commercial a atteint 124,5 milliards d’euros alors que la France accusait un déficit de 43,2 milliards. En outre, le pays est en excédent budgétaire. C’est donc à la France de faire l’effort.