Comment lire le communiqué du G20

par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management

Les résultats de la réunion du G20 a parfois soulevé un enthousiasme excessif, parfois une sorte de moue dubitative. On peut effectivement trouver de nombreux éléments dans ce communiqué qui est long avec 27 chapitres.

Il me semble que l'on peut extraire les quatre aspects principaux :

1 – Le FMI voit ses moyens renforcés de façon importante puisqu'ils passent à 750 Mrds de dollars.

Ces moyens supplémentaires vont permettre un soutien aux pays émergents, notamment dans le cadre du Flexible Credit Line qui permet au FMI de financer un pays a priori robuste mais fragilisé par la crise globale. En d'autres termes, par ces moyens supplémentaires, le FMI renforce le filet de sécurité autour des pays émergents. Ce point est certainement le plus positif du G20 car il limite le risque de rupture sur les pays émergents.
En outre des moyens supplémentaires ont été donnés pour financer les échanges. Cela aussi est plutôt un facteur favorable car une partie de la rupture sur les exportations à partir de l'automne dernier a résulté d'un problème de financement.
Cependant, l'ensemble de ces moyens ne reflète pas un plan de relance. C'est davantage une capacité de soutien qui est donné au FMI. Ce n'est pas la même chose.

2 – Si le communiqué fait référence, à de nombreuses reprises, à la relance et à l'amélioration nécessaire des conditions de la croissance, il est peu fait état des mesures effectives de soutien à l'activité.

L'accent est mis sur les moyens attribués au FMI mais on a vu qu'il ne s'agissait pas de relance au sens où cela est entendu habituellement. En revanche, concernant les pays industriels, rien n'est évoqué et de fait chacun reste sur sa position. Les Etats-Unis ont un plan de relance de grande ampleur, les chinois aussi ainsi que probablement les japonais. Cela était connu avant mais pas évoqué dans le communiqué. De ce fait, la position européenne qui s'inscrit dans une absence de relance n'est pas non plus évoquée.

Cette situation laisse penser que les européens adoptent une position de "passager clandestin" espérant que la relance mise en place ailleurs aura des effets favorables sur la conjoncture fragile de l'Europe. Cette partie est préoccupante au regard de la vitesse à laquelle les indicateurs se dégradent sur le marché du travail. En outre, la question du financement souvent évoqué est peu convaincante, puisque les européens sont prêts à bénéficier des relances des autres qu'il faut bien financer aussi. Je doute que ce soit un facteur de renforcement du poids de l'Europe dans la recomposition de l'équilibre de l'économie globale.

3 – Des mesures sont prises pour permettre une plus grande transparence du fonctionnement de la sphère financière.

L'objectif est de pouvoir appréhender plus facilement les risques pris et contraindre les institutions financières et notamment les hedge funds. L'ensemble des mesures prudentielles doit permettre de se donner les capacités de mieux appréhender les risques pris (levier notamment) et de mieux les amortir si ceux-ci surviennent effectivement.

Par rapport à ce programme il y a deux questions majeures :

  • Comment ces mesures vont-elles être mises en œuvre ? A priori chaque ministre des finances en est chargé. Le FMI et le Conseil de Stabilité Financière (BRI) devront superviser le bon déroulement des opérations. La difficulté à ce stade de la mise en œuvre est que les pratiques sont souvent de nature très différente d'un pays à l'autre. Il est fait référence à une plus grande cohérence des rémunérations. Or la forme et le niveau des rémunérations ne sont pas identiques, loin de là, dans les différentes places financières. Paris n'est pas Londres qui n'est pas New York.
  • Cela amène l'autre question qui est celle de la sanction. Les mesures seront prises par chaque gouvernement et même avec une supervision du FMI et de la BRI cela se traduira par des marges importantes dans l'interprétation et la mise en œuvre. Comment s'opèreront les "retours vers la norme " lorsqu'une norme sera définie et qui déterminera les seuils et le moment où il faut intervenir. Ceci n'est pas résolu car il n'y a pas de régulation globale.

Cette problématique des sanctions peut aussi être évoquée en ce qui concerne les paradis fiscaux. Quelles seront les sanctions et mesures de rétorsions qui seront mises en œuvre pour ceux qui ne respectent pas les règles à définir. En outre, est ce que les comportements de tous les pays seront homogènes vis-à-vis des paradis fiscaux ?

Les questions sur le fonctionnement de la sphère financière reflètent une volonté de transparence et de contraintes prudentielles pour limiter les risques pris. C'est un objectif raisonnable qui permettra certainement d'éviter une crise comme celle que l'on vient de connaître. Cependant, il n'est pas certain que cela permette de réduire la probabilité de la prochaine crise puisque l'histoire montre que les crises financières ne se reproduisent pas de la même façon. Chaque crise financière est suivie de changement dans le mode de régulation. La crise ne se reproduira pas de la même façon.

Sur cet aspect, on note aussi que les autorités de contrôle déjà existantes ne sont pas évoquées et encore moins sanctionnées or elles ont nécessairement leur part de responsabilités. Les alertes sur le risque de financement "subprime" ou le risque associé à la titrisation (1) ont été évoqués depuis 2005 auprès des autorités notamment aux Etats-Unis. Aucune mesure de correction n'avait alors été prise.

Au-delà de cet aspect, la mise en œuvre va être complexe en raison de comportement et de règles existantes très différentes dans les pays signataires du communiqué. Le plus facile est passé.

4 – Le dernier point important est la volonté de coopération qui semble ressortir de l'attitude des participants.

C'est un point de départ très positif. Car ce G20, s'il doit porter des fruits, doit être perçu pour l'instant comme un point de départ et uniquement comme un point de départ.

NOTES

(1)Voir par exemple le texte de Raghuram Rajan "Has Financial Development made the World Riskier ?" Jackson Hole Symposium FRB Kansas City 2005.