Compromis trouvé à l’Eurogroup ! Mission accomplie ?

par Fabrizio Pagani, Global Head of Economics and Capital Markets Strategy chez Muzinich & Co

Ce qui suit est une mise à jour de notre article publié le 6 avril 2020, intitulé « Un spectre hante l'Europe : La mutualisation de la dette ».

L’Eurogroupe s’est réuni dans la soirée du mardi 7 avril, et après une longue nuit de négociations qui n’a pas abouti à un accord, a repris jeudi 9 avril. Finalement, une position commune sur un package global a été conclu.

Voici les quatre principaux éléments de ce package1 :

  1. Un instrument temporaire fondé sur des prêts appelé « SURE » (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency) a été convenu. SURE aidera les États membres de l’Union Européenne (UE) à protéger l'emploi grâce à des prêts à des conditions favorables jusqu'à 100 milliards d'euros, en s'appuyant autant que possible sur le budget de l'UE et sur les garanties des États membres ;
  2. La Banque Européenne d'Investissement (BEI) créera un fonds de garantie de 25 milliards d'euros pour garantir des prêts jusqu'à 200 milliards d'euros (un levier de 8x est une pratique courante de la BEI) pour soutenir les entreprises, en particulier les PME. Le programme de la BEI complètera les vastes programmes de garantie de prêt fournis aux niveaux nationaux pour assurer la liquidité de l'économie ;
  3. En ce qui concerne le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), il a été décidé que, grâce au soi-disant système ECCL (Enhanced Conditions Credit Line), le MES soutiendrait le financement d'un montant de référence de 2% du PIB actuel des États membres. La seule conditionnalité est que cette ligne de crédit sera utilisée pour « financer les coûts directs et indirects des soins de santé, de traitement et de prévention liés à la crise COVID 19 » ;
  4. En ce qui concerne la proposition la plus « mutualiste » pour la création d'instruments de dette communs, les progrès ont été limités. Il y avait en quelque sorte un accord pour s’opposer aux éléments clés d'un « fonds de relance » ad hoc, c'est-à-dire sur sa relation avec le budget de l'UE, ses sources de financement, ou ses instruments financiers innovants. La décision sur la marche à suivre est envoyée aux dirigeants européens, qui se réuniront le 23 avril.
  5. Les deux premières mesures du package, le SURE et le régime de garantie de la BEI, n'ont pas été particulièrement controversées et ont été largement approuvées à l'avance.

Les négociations qui ont duré 16 heures se sont en effet concentrées sur l'utilisation du MES, sur le Fonds de relance ainsi que sur leur interaction.

Selon nous, les résultats sont un accord « honnête » qui aide et fait avancer les messages de la discussion.

Cependant, nous pensons que certains aspects sont un peu déconcertants :

  • Le MES pourrait devenir un paradoxe « d'Achille et de la tortue », dans lequel les pays du sud qui ont demandé à assouplir les éléments de conditionnalité de la ligne de crédit du MES ont largement obtenu ce qu'ils demandaient, mais ils pourraient finir par ne jamais l'utiliser pour des raisons de politique intérieure. La « stigmatisation » du MES semble actuellement insurmontable ;
  • Les négociations sur un « Fonds de relance » peuvent être comparées à une « tapisserie de Pénélope » inversée, dans lequel l'écart entre ceux qui veulent des instruments de dette communs et ceux qui s'y opposent s'élargit pendant la journée, lorsque les parlements sont éveillés, et se rétrécit la nuit , pendant les négociations. Selon nous, l'élaboration d'un tel instrument peut prendre du temps, bien au-delà de la prochaine réunion du Conseil Européen. Peut-être que les prochaines présidences européennes de l'Allemagne (deuxième semestre 2020) et de la France (premier semestre 2021) contribueront à compléter la tapisserie.

En attendant, la Banque Centrale Européenne continuera de veiller à la sécurité de la Zone Euro et nous pensons que les marchés en ont pris note.

Les deux premières mesures du package, le SURE et le régime de garantie de la BEI, n'ont pas été particulièrement controversées et ont été largement approuvées à l'avance.

Les négociations qui ont duré 16 heures se sont en effet concentrées sur l'utilisation du MES, sur le Fonds de relance ainsi que sur leur interaction.

Selon nous, les résultats sont un accord « honnête » qui aide et fait avancer les messages de la discussion.

Cependant, nous pensons que certains aspects sont un peu déconcertants :

  • Le MES pourrait devenir un paradoxe « d'Achille et de la tortue », dans lequel les pays du sud qui ont demandé à assouplir les éléments de conditionnalité de la ligne de crédit du MES ont largement obtenu ce qu'ils demandaient, mais ils pourraient finir par ne jamais l'utiliser pour des raisons de politique intérieure. La « stigmatisation » du MES semble actuellement insurmontable ;
  • Les négociations sur un « Fonds de relance » peuvent être comparées à une « tapisserie de Pénélope » inversée, dans lequel l'écart entre ceux qui veulent des instruments de dette communs et ceux qui s'y opposent s'élargit pendant la journée, lorsque les parlements sont éveillés, et se rétrécit la nuit , pendant les négociations. Selon nous, l'élaboration d'un tel instrument peut prendre du temps, bien au-delà de la prochaine réunion du Conseil Européen. Peut-être que les prochaines présidences européennes de l'Allemagne (deuxième semestre 2020) et de la France (premier semestre 2021) contribueront à compléter la tapisserie.

En attendant, la Banque Centrale Européenne continuera de veiller à la sécurité de la Zone Euro et nous pensons que les marchés en ont pris note.

NOTE

1.Source: Conseil Européen du 9 avril 2020.