COP 21 : et pourquoi pas un « Externalities Stability Board » ?

par Xavier Lépine, Président du directoire de La Française

Une première mesure : Un bonus des CEO partiellement indexé à l’obtention de résultats sur des objectifs ISR. Face à la crise financière puis économique de 2008, le G20 (gouvernements et banques centrales) a réagi de manière concertée et de façon très efficace avec deux volets :

•  Des actions immédiates : injection massive de liquidités, déficits budgétaires.

  La mise en place du Financial Stability Board dont le rôle majeur est une remise à plat de l’ensemble des règles de fonctionnement de la finance : mise en place de chambres de compensation sur les produits dérivés pour réduire le risque de contrepartie (appels de marge), renforcement des fonds propres des banques (CRD 4, banques systémiques, bail in), réduction des activités de trading et d’arbitrage des banques, mise en place de Solvabilité 2 pour les assureurs, dispositifs règlementaires et de contrôles tant externes qu’internes beaucoup plus importants, encadrement des rémunérations des “preneurs de risque”. Autrement dit un encadrement à tous les niveaux (de l’Entreprise à la personne physique salariée) des acteurs économiques privés.

L’affaire Volkswagen et la tenue à Paris de la Cop 21 sont l’occasion de penser différemment le fonctionnement de l’économie. Si l’on admet que nous sommes entrés dans l’ère anthropocène et qu’à tout le moins, même pour les climato-sceptiques, le pari de Pascal est en faveur de la prise en compte des externalités liées à l’activité humaine, la création d’un Externalities Stability Board doté de pouvoirs comparables à celui du Financial Stability Board serait une démarche puissante car elle viendrait donner les moyens concrets d’action aux déclarations des gouvernements.

Le Carbone est à l’évidence le sujet majeur et pourrait en soit faire l’objet d’un Carbon Stability Board à part entière. Il est temps d’avoir une vision qui prenne en compte les bilans carbone des différentes activités humaines et surtout des différentiels d’émission selon les technologies utilisées. On ne peut pas durablement faire payer à la collectivité et aux générations futures le coût de la décarbonation surtout lorsqu’il existe des technologies alternatives de production. Bien évidemment la tentation d’une taxe carbone est forte mais on peut aussi envisager un système incitatif plutôt que pénalisant : les produits issus de l’agriculture biologique ont un bilan carbone nettement meilleur que celui de l’agriculture traditionnelle mais reviennent plus cher. Pourquoi ne pas avoir un taux de TVA plus faible sur les premiers, ce qui serait logique si l’on considère qu’une partie de la TVA servira, in fine, à faire payer la décarbonation par la collectivité ?

Les exemples sont multiples mais une mesure très efficace, rapide et non coûteuse consisterait tout simplement à appliquer aux dirigeants (CEO) des entreprises cotées ce qui a été fait dans le domaine de la finance aux “preneurs de risques” (i.e. salle de marchés).

Au-delà des rapports ESG / ISR certes copieux mais peu coercitifs, la Cop 21 impose aux conseils d’administration des entreprises cotées de définir des objectifs ISR par entreprise, objectifs qui seraient laissés à la discrétion des conseils. Des recommandations pourraient être faites par secteur d’activité par l’Externalities Stability Board (ou le Medef local) et un pourcentage du package de la rémunération du CEO serait alors indexé à la réalisation de ces objectifs non financiers.

Il est clair qu’aujourd’hui, dans la très grande majorité des cas, en ce qui concerne les sociétés cotées, c’est le dirigeant qui a le pouvoir et non pas les actionnaires car l’actionnariat est trop émietté et instable. Connaissant la nature humaine, on peut raisonnablement penser qu’une incitation financière des “preneurs de risque carbone” à des résultats non financiers se répercutera en chaîne dans l’Entreprise. Des entreprises comme Michelin le font déjà dans des domaines comme le taux d’accident de travail et cela ne les empêche pas d’être l’un des leaders mondiaux de leur secteur.

Le point de vue du gérant d’actifs

*L’approche SAI (Stratégie Avancée d’Investissement) développée par La Française avec son partenaire anglais IPCM (Inflection Point Capital Management), en sus des critères financiers, prend en compte les cinq facteurs clés que sont la capacité d’innovation, l’adaptabilité, la durabilité environnementale, le capital humain et l’organisation capitalistique et managériale.

Cette démarche démontre qu’elle surperforme l’approche traditionnelle de la gestion d’actifs qui repose principalement sur les critères financiers dans un monde marqué par des tendances majeures disruptives. Des évidences s’imposent : “l’uberisation” de la Société, les évolutions démographiques y compris celles liées aux impacts du changement climatique, l’urbanisation croissante, les défis liés à l’allongement de la durée de la vie, l’impact des médias sociaux sur le fonctionnement de nos démocraties, etc. En tant que gérant pour compte de tiers, ne pas tenir compte de ces impacts sur la performance à venir des entreprises, des secteurs et des pays, reviendrait à faire subir à nos clients l’évolution des marchés sans anticipation et à ne pas répondre à la mission qu’ils nous confient : un devoir fiduciaire de performance financière, économique qui s’inscrit dans la durée. Autant de performances qui seront partiellement conditionnées par les externalités qu’elles soient sources d’opportunités de développement ou contraintes.