Croissance, confiance, mais pas de complaisance

par Christophe Morel, Chef économiste chez Groupama AM

Si la prudence est de mise concernant l’environnement de long terme, l’optimisme prévaut sur les perspectives de court terme. « Et tant que la conjoncture va », les investisseurs devraient privilégier le « verre à moitié plein au verre à moitié vide ». Évidemment, les actifs financiers seraient vulnérables à un ralentissement conjoncturel.

Il faut distinguer l’analyse structurelle (long terme) du diagnostic conjoncturel (court terme).

Une analyse structurelle décrit un environnement de croissances durablement basses, d’endettements publics et privés dans les pays développés comme les pays émergents élevés, nécessitant une « répression financière » (à savoir un contrôle de la courbe des taux par les banques centrales) face à un risque long terme davantage déflationniste qu’inflationniste. Une telle description enjoint évidemment à ne pas être complaisant.

Plusieurs solides facteurs de croissance

Cependant, l’analyse conjoncturelle reste très favorable pour les deux prochaines années avec une assez grande confiance dans les perspectives de croissance dans les pays développés, et des statistiques d’inflation cyclique (inflation sous-jacente) qui devraient surprendre à la hausse. Pour l’essentiel, trois facteurs soutiennent la croissance :

  • la principale raison est purement cyclique, à savoir qu’il y a toujours du retard dans la reconstitution des stocks et dans l’investissement ;
  • ensuite, les déséquilibres externes sont globalement contenus sachant qu’un enjeu se cristallise toutefois sur le déficit courant américain et l’excédent chinois ;
  • enfin, les politiques monétaires restent très accommodantes, et sont dans l’ensemble bien articulées avec les politiques fiscales (par exemple, l’excédent courant chinois requiert en théorie une politique fiscale expansive et des conditions monétaires plus restrictives, ce qui est le cas).

Les pays émergents bénéficieront de la reprise dans les pays développés, mais n’en seront pas moteur justement parce qu’ils sont davantage en avance dans le cycle de production/investissement/endettement.

Face à ce scénario central, la balance des risques est plutôt positive à court terme et négative à moyen terme. A court terme, la confirmation d’une réforme fiscale aux Etats-Unis et la dynamique du commerce mondial pourraient nous conduire à réviser en hausse les prévisions de croissance.

A moyen terme, il existe deux principaux risques baissiers : d’abord, le risque de variation brutale des devises ou des actifs financiers, susceptible de provoquer un resserrement des conditions financières ; ensuite, la tendance haussière sur les inégalités et la précarité ses salariés alimentent durablement les aléas politiques et sociaux.

Une hétérogénéité monétaire

S’agissant de notre scénario monétaire, nous validons l’hétérogénéité monétaire :

  • Concernant la Fed, la politique monétaire non conventionnelle a clairement amorcé son resserrement puisque le bilan devrait baisser de 22% du PIB actuellement à 14% du PIB fin 2019. La politique monétaire conventionnelle devrait aussi se resserrer avec encore une hausse des Feds Funds en 2017 et 3 hausses en 2018 pour atteindre alors le taux nominal « neutre » que l’on situe autour de 2%-2,5%. Ainsi, dans un an, on évoquera la fin du cycle de resserrement aux États-Unis.
  • Pour la BCE, il est temps d’envisager la fin du cycle des achats mensuels marginaux dès septembre prochain en raison de révisions haussières sur la croissance nominale, des contraintes opérationnelles de rareté de titres (notamment pour les obligations allemandes) et d’un Conseil des gouverneurs de plus en plus divisé sur la politique d’achats d’actifs.