Dette et déficits : la voie américaine

Les responsables de la zone euro ont décidé d’accorder la priorité absolue à l’assainissement des finances publiques et donc d’imposer une cure d’austérité généralisée, au risque de tuer le malade. Pourquoi ne pas prendre exemple sur les Etats-Unis, qui ont préféré s’accorder du temps.

L’Europe veut que les Etats parviennent à un déficit public nul en 2016. L’Allemagne, dopée par les exportations, atteindra cet objectif dès 2014. Mais c’est une exception.

La France affichait par exemple un déficit public représentant 5,7% du Produit intérieur brut (PIB) en 2011 et a prévu de redescendre à 4,5% cette année. Le problème est que la prévision reposait sur une hypothèse de croissance de 1,75% qui a été abaissée depuis à 1%, ce qui suppose moins de rentrées fiscales.

Comment résoudre l’équation sachant que pour parvenir à un déficit nul en 2016 le pays doit trouver 100 milliards d’euros sous forme de recettes et d’économies ? Le prochain président, quel qu’il soit, devra augmenter les impôts, qui sont déjà à un niveau très élevé, et réduire les dépenses publiques massivement.

Aux Etats-Unis, la dette publique représente 107% du PIB et le déficit de l’Etat fédéral devrait atteint 1.330 milliards de dollars cette année, soit 8,5% du PIB.

Le président Barack Obama et le Congrès, dominé par les républicains, ont bataillé l’an dernier pour relever notamment le plafond de la dette. On constate aujourd’hui que le sujet est relativement absent de la campagne électorale. Les candidats aux primaires du Parti républicain passent plus de temps à s’attaquer mutuellement qu’à proposer leurs solutions pour résoudre la question des finances publiques.

Il faut souligner que l’actuel chef de la Maison Blanche n’est pas totalement responsable de la situation, son prédécesseur républicain, George W. Bush, ayant réduit fortement les impôts pour les plus riches et augmenté les dépenses, en particulier militaires, dans des proportions énormes durant ses deux mandats.

Si l’on s’extrait des batailles politiciennes, il faut constater que les dirigeants politiques des deux bords tablent sur la croissance pour résoudre les difficultés. Ils savent qu’ils peuvent s’appuyer sur la Réserve fédérale dont le mandat est double : veiller à la stabilité des prix et œuvrer en faveur du plein emploi. 

Dans le passé, l’alliance entre l’administration et la Fed, en particulier dans les années 1990, a permis de favoriser la croissance et le pays s’est retrouvé au début de la décennie 2000 avec un excédent budgétaire.

Comme le constate Jean-Marie Mercadal, directeur général délégué d’OFI AM en charge de gestions, « Les Etats-Unis se sont donné dix ans pour revenir à l’équilibre et non pas trois. En Europe, on a d’abord une cure d’austérité et la croissance on verra après. »

La stratégie européenne n’est pas sans danger. Tout le monde sait que les politiques d’austérité se traduisent par une baisse de la croissance. La Grèce, l’Espagne et l’Italie l’ont expérimenté ces dernières années. Si la France s’y met à son tour, cela aggravera la récession qui s’installe déjà sur le Vieux continent.

L’Allemagne elle-même n’est pas à l’abri. Focalisée sur les élections de l’année prochaine, la chancelière Angela Merkel a adopté une position intransigeante, forte des bons résultats économiques de son pays. Mais elle oublie que l’Allemagne réalise 60% de ses exportations vers le reste de l’Europe et qu’une récession dans cette zone aurait forcément des conséquences. Ajoutons à cela que la croissance mondiale ralentit, ce qui pourrait peser sur le commerce et donc sur les exportations allemandes.

Faut-il attendre que l’Allemagne soit à son tour en pleine récession pour adopter enfin une attitude intelligente ? Les dirigeants européens doivent regarder ce qui se passe aux Etats-Unis et définir une stratégie combinant la stimulation de la croissance et une discipline financière stricte.

La Banque centrale européenne (BCE), figée dans l’orthodoxie sous la présidence de Jean-Claude Trichet, a montré ces dernières semaines, sous la direction de Mario Draghi, une certaine souplesse ces dernières semaines en apportant des liquidités abondantes aux banques européennes via le mécanisme LTRO.

Si son mandat lui interdit de mettre en œuvre des politiques en faveur de la croissance, les dirigeants européens pourraient au moins essayer d’obtenir sa neutralité. Dans le même temps, il convient de prendre des mesures pour soutenir l’activité – en réformant certaines procédures, en favorisant l’investissement dans les infrastructures, etc. – avec pour objectif de financer des projets offrant un retour sur investissement.

La seule austérité ne permettra pas de résoudre la crise.