Donald Trump élu président des Etats-Unis : quelles conséquences à court et moyen terme ?

par ‎ Philippe Ithurbide, Directeur de la Recherche, Stratégie et Analyse et Didier Borowski, Responsable de la Macroéconomie chez Amundi

Les urnes ont livré leur verdict, et contre toute attente, Donald J. Trump (républicain) deviendra le 45ème président des Etats-Unis. Il prendra ses fonctions le 20 janvier 2017. Son vice-président sera Michael R. Pence. Elu avec plus de 59 millions de voix (soit 48%), il fallait au candidat recueillir 270 délégués pour entrer à la Maison Blanche, et il en a obtenu au minimum 279.

Mais, pour que la réussite soit totale, il lui fallait également conserver le contrôle du Congrès pour être en mesure d’appliquer son programme électoral. Avant le vote d’hier, les républicains contrôlaient la Chambre des représentants (246 sièges sur 435), et le Sénat (54 sièges sur 100). A l’issue des élections, les républicains conservent leur majorité au Congrès :

  • La Chambre des représentants (entièrement renouvelée) reste dominée par les républicains (ils disposent de 237 sièges)
  • Le Sénat reste également contrôlé par les républicains, avec 51 sièges. Renouvelé par tiers tous les deux ans, 34 sièges étaient en jeu (dont 24 détenus par les républicains)

On notera également la nouvelle carte électorale (des Etats traditionnellement démocrates sont passés dans le camp des républicains, comme la Floride), ainsi que les votes des minorités, notamment hispaniques, bien moins favorables aux démocrates qu’escompté. Comme au Royaume-Uni pour le Brexit, il existe un clivage générationnel et un clivage entre zones urbaines et zones rurales. Ce vote s’inscrit également dans la ligne de la progression généralisée du populisme, que l’on retrouve dans de plus en plus de pays – régions – continents.

Avec une Chambre des représentants républicaine et un Sénat républicain, D. Trump devrait être en mesure, en théorie, de mettre en application son programme. En pratique, il devra néanmoins convaincre son parti de l’intérêt et de la nécessité de construire un mur entre le Mexique et les Etats-Unis, de refouler plus de 11 millions de migrants vivant sur le sol américain, de renégocier les accords commerciaux jusqu’ici ratifiés par les Etats-Unis ou de mettre en place des droits de douane prohibitifs envers certains pays (comme la Chine ou le Mexique …). Il est très improbable qu’il y parvienne. Il est également très improbable que le Congrès vote un programme budgétaire qui détériore fortement le déficit public (ce que Donald Trump propose), même de façon temporaire. En revanche, il est raisonnable de tabler sur la mise en application de certaines de ses propositions, notamment en matière de fiscalité (mais avec des baisses d’impôts sans doute un peu plus ciblées vers les classes les moins favorisées) ou en ce qui concerne les infrastructures. Il faut toutefois conserver à l’esprit que contrairement à Donald Trump, le parti républicain veut imposer le financement des baisses d’impôts par des coupes claires dans les programmes de dépenses sociales. Si un compromis budgétaire de cette nature devait être voté, il aurait un impact négatif sur la croissance à court terme. Par conséquent, les débats entre les républicains du Congrès et la Maison Blanche sur les modalités de financement promettent d’être vifs. Attention cependant: les mesures mentionnées ci-dessus (qui seront très probablement adoptées) sont plutôt favorables à la croissance à moyen et long terme. En revanche, dans l’hypothèse de mise en application de l’intégralité de son programme (hautement improbable), l’économie pourrait tomber en récession car, dans ce cas de figure, les taux d’intérêt à long terme remonteraient fortement (avec anticipation de hausse de la dette).

Rappelons quelques éléments clefs (pour une analyse détaillée et un chiffrage du programme de D. Trump, se référer à notre précédent article « TRUMP vs CLINTON : enjeux et stratégies d’investissement », octobre 2016 :

Conclusion

Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact économique de cette élection. Il existe aux Etats-Unis de nombreux contre-pouvoirs et il ne faut pas sous-estimer l’importance politique des républicains du Congrès. Ces derniers chercheront à modérer les propositions du candidat.

Par-delà l’impact sur la croissance ou sur les marchés financiers, cette élection aura des conséquences importantes pour le pays. Les parcours de B. Sanders et plus encore de D. Trump ont en effet fait ressortir les attentes de très nombreux électeurs, démocrates comme républicains, pour le développement de nouvelles politiques, d’inspirations idéologiques certes opposées, mais en général moins libérales qu’auparavant, visant à répondre au mécontentement des classes moyennes face aux effets perçus comme indésirables de la mondialisation. Cela va peser sur l’offre politique américaine, mais aussi celle d’autres pays (on pense aux prochaines élections en Europe).