Doper le pouvoir d’achat

Comment résoudre la crise économique et financière qui frappe les pays occidentaux ?

Comment résoudre la crise économique et financière qui frappe les pays occidentaux ? La solution passe certainement par une dose de protectionnisme afin de redonner au pouvoir d’achat aux classes moyennes.

La crise qui a éclaté en 2008 est liée à l’endettement privé aux Etats-Unis : les « subprimes » ayant couronné en quelque sorte un processus au cours duquel les ménages, maintenus sous pression par les délocalisations et les pertes d’emplois, ont été incités à emprunter toujours plus pour maintenir leur niveau de vie.

L’éclatement de cette « bulle » de l’endettement a fragilisé les banques du monde entier et les Etats ont dû intervenir pour sauver le système financier. Aujourd’hui, ce sont les Etats qui sont surendettés et nul ne peut prédire combien de temps durera la crise car la croissance économique est en panne.

Le Fonds monétaire international (FMI) a abaissé en septembre ses prévisions de croissance pour la planète à 4% pour 2011 et 2012 alors qu’il tablait en juin sur 4,3% et 4,5% respectivement. Cette année, il vise 1,5% pour les Etats-Unis, 1,6% pour la zone euro, et 9,5% pour la Chine.

La croissance mondiale est tirée par les pays émergents mais ceux-ci ont encore un modèle reposant sur l’investissement et les exportations. Leur demande domestique est relativement faible et ne peut pas compenser la baisse de la consommation dans les pays occidentaux.

Comme l’expliquait récemment l’économiste Philippe Brossard, de Macrorama, « la cause de la crise est la crise de la demande finale ».

Historiquement, le développement de l’activité, avec la vente de biens plus chers, se traduisait par la hausse des salaires. Pendant des décennies, les entreprises estimaient qu’il fallait payer correctement les salariés afin qu’ils ne soient pas tentés de changer de travail. Cette approche favorisait la consommation puisque les travailleurs disposaient d’un pouvoir d’achat croissant. Il s’agissait d’un cercle vertueux bénéficiant à tous.

A partir des années 1980, le développement du capitalisme financier, avec la priorité donnée à la rémunération des actionnaires au détriment des autres parties prenantes, a brisé ce cercle. Selon un calcul du New York Times (4 septembre 2011), la productivité aux Etats-Unis a progressé de 80% entre 1979 et 2009 alors que le salaire horaire moyen a enregistré un gain de seulement 7%.

En Europe, où le système est différent, on peut penser que les chiffres ne sont pas tout à fait les mêmes mais la différence n’est pas si importante car les flux financiers se sont mondialisés au cours des trois dernières décennies et les entreprises européennes ont dû promettre de mieux rémunérer les actionnaires.

Ce mouvement qui s’est fait au détriment des travailleurs occidentaux est lié à la délocalisation vers des pays à bas coût de main d’œuvre, en premier lieu la Chine. Il est logique qu’une entreprise cherche à produire moins cher mais l’écart est tel entre pays occidentaux et pays émergents que la mondialisation a provoqué une véritable dépression sur le pouvoir d’achat en Occident.

La fragilisation des ouvriers et des employés puis des classes moyennes est telle que le discours anti-mondialisation reçoit désormais un accueil extrêmement favorable dans nombre de pays occidentaux. Le mouvement des « Indignés » a même réussi à mobiliser aux Etats-Unis ces dernières semaines et les dirigeants politiques dénonçant la mondialisation ont le vent en poupe.

Il est illusoire de vouloir revenir sur la mondialisation car ce phénomène a tout de même de nombreux aspects positifs, en premier lieu parce qu’il permet de faire sortir chaque année des dizaines de millions de personnes de la pauvreté à travers le monde. En outre, les pays occidentaux vieillissants qui refusent d’ouvrir leurs portes à l’immigration, y trouvent une réserve de travailleurs.

Mais l’imposition de nouvelles règles est désormais indispensable. Par exemple, la Chine a bénéficié de son adhésion, en 2001, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 2001 mais elle ne respecte pas les règles internationales. On peut citer les violations massives du droit de la propriété intellectuelle, l’absence de règles sociales et sanitaires dans les usines travaillant pour l’exportation, et le dumping sur les marchés internationaux pour prendre des parts de marché. A l’inverse, le marché chinois demeure plutôt fermé, à l’exception de quelques segments sur lesquels les Chinois sont absents.

Il convient donc de corriger ces excès en imposant des taxes aux frontières de l’Europe contre les biens produits dans des conditions inacceptables, que ce soit sur le plan social ou sur le plan environnemental.

Bien sûr, certains pays y seront hostiles. L’Allemagne, championne du monde des exportations au même niveau que la Chine, ne veut pas entendre parler de telles mesures. Mais certains Etats peuvent avancer tout de même en imposant de nouvelles règles techniques, à l’instar de ce que fait la Chine.

Cela ne suffira pas à doper immédiatement le pouvoir d’achat mais ce sera un premier pas favorisant la réindustrialisation de certains pays. Les gouvernements peuvent décider aussi de soutenir financièrement certaines filières en les subventionnant. Prenons là aussi l’exemple de la Chine : ce pays a réussi en quelques années à devenir le leader des équipements pour l’électricité éolienne et solaire. A l’heure où les Européens parlent d’énergies renouvelables, il convient de réfléchir à l’ensemble de la filière industrielle et non uniquement en termes d’affichage comme le font certains responsables écologistes.

En agissant ainsi, on offre une perspective aux salariés et, surtout, on permet au pays de s’inscrire dans une stratégie de développement et de ne pas dépendre uniquement des importations. Car à terme la désindustrialisation aboutit aussi à une perte de souveraineté.

Doper le pouvoir d’achat à court terme peut se faire en associant davantage les salariés au capital via des programmes d’épargne salariale et via la distribution d’actions gratuites. En généralisant ce genre de mesures, les entreprises « variabilisent » une partie des dépenses de fonctionnement et permettent aux salariés de bénéficier du développement de l’activité.

Mais pour que ce nouveau mode de rétribution fonctionne, il faut une incitation de la part des pouvoirs publics, notamment pour tout ce qui concerne les aspects sociaux et fiscaux. L’Etat peut perdre dans l’immédiat des cotisations mais il gagne plus tard en récupérer des prélèvements sur les cessions et, surtout, en améliorant le pouvoir d’achat la consommation progresse.

Quelles que soient les solutions retenues, la priorité aujourd’hui est de doper le pouvoir d’achat tout en évitant de dégrader la compétitivité des entreprises.