Et l’innovation ?

Le gouvernement pense avoir trouvé la solution pour améliorer la compétitivité de la France : l’instauration d’une « TVA sociale ».

Le gouvernement pense avoir trouvé la solution pour améliorer la compétitivité de la France : l’instauration d’une « TVA sociale ». C’est une erreur d’appréciation majeure car seule l’innovation peut permettre de doper les positions concurrentielles durablement.

Le projet de « TVA sociale », tel que présenté par plusieurs ministres, consiste à réduire les charges patronales pour les transférer sur la TVA pesant sur les produits et services vendus en France, l’objectif étant de réduire le coût du travail.

Mais si une telle mesure génère une marge plus importante pour l’entreprise, elle se traduit par une perte de pouvoir d’achat pour les consommateurs.

Surtout, l’impact sur la compétitivité est minime même en prenant l’hypothèse d’un transfert massif de l’ordre de 40 à 50 milliards d’euros, soit un accroissement de cinq points de TVA. Notons qu’une telle mesure ne permettrait pas non plus de détourner les consommateurs des produits importés des pays comme la Chine car le taux de TVA sera le même sur les produits fabriqués en France et sur les produits importés.

Contrairement à ce qu’affirme le Medef, principale organisation patronale, le coût du travail n’est le principal handicap de la France. Ce coût est à peu similaire à celui de l’Allemagne. Il est vrai que les Français travaillent globalement moins que leurs voisins allemands mais les études montrent aussi qu’ils sont plus productifs.

La différence est dans la spécialisation : l’Allemagne s’est spécialisée dans des produits industriels qu’elle vend dans le monde entier en imposant ses prix. Ce pays a tout fait pour maintenir son avantage compétitif depuis une décennie. Il a réussi mais au prix d’une paupérisation d’une grande partie de ses travailleurs, ce qui signifie que la consommation est secondaire dans la croissance et ce qui met le pays à la merci du premier choc externe d’envergure, comme on l’a vu en 2009.

Mais restons sur la seule partie industrielle. Comme le rappelait Jean-Christophe Mieszala, directeur général de McKinsey & Cie, lors d’une réunion de l’Institut de l’Entreprise le 11 janvier, la France se désindustrialise très vite. Elle a enregistré en 2011 un déficit commercial de 75 milliards d’euros, dont 30 milliards sur le seul poste industriel, qui était positif jusqu’au début des années 2000.

« La désindustrialisation a porté sur l’ensemble de la chaine de valeur, dont la partie à plus forte valeur ajoutée qu’est l’assemblage », a-t-il expliqué.

Constat partagé par Jean Peyrelevade, président de la banque d’affaires Leonardo, qui note que la position de la France se dégrade sur les trois facteurs de production : travail, capital et progrès technique. « Nous travaillons moins ; nous investissons moins que nos concurrents dans l’appareil productif ; et sur le progrès technique si en matière de recherche publique nous sommes au niveau international, en recherche privée, l’Europe du Nord investit deux fois plus que nous ».

Conclusion : « Si nous continuons comme ça , nous allons droit dans le mur ».

Xavier Huillard, P-DG du groupe Vinci et président de l’Institut de l’Entreprise, le dit plus brutalement : « Si on ne prend pas en compte ce problème de compétitivité, notre pays va crever ». Pour lui, il faut arrêter de faire de diagnostic et passer à l’action.

Passer à l’action suppose de réduire le coût du travail. Et si les chefs d’entreprise sont favorables à un transfert des charges sur la TVA ils pensent que cela ne doit pas être la solution, certains estimant que la CSG doit aussi être utilisée. En tout état de cause, ils soulignent qu’un tel changement nécessite de la pédagogie et une méthode.

Xavier Huillard préconise des « pactes de compétitivité » avec les syndicats et ajoute que l’on ne doit pas faire porter l’effort sur les « outsiders », c’est-à-dire ces travailleurs précaires « que personne ne représente » et qui pourraient bien être les « indignés » de demain en France.

L’allègement du coût du travail n’a de sens que si les entreprises réinvestissent les marges obtenues dans l’innovation. La France peu s’inspirer de ce qu’ont fait des pays comme la Suède ou la Corée du Sud ces dernières années. C’est grâce à l’innovation et à l’avance technologique que l’on parvient à rejoindre le peloton de tête.

Une conférence nationale sur la compétitivité doit donc être réunie pour définir les secteurs industriels sur lesquels l’effort doit porter et ensuite seulement on peut envisager des modalités, étant entendu qu’il faut des engagements de part et d’autre. Le processus peut nécessité quelques mois. Mais, en cette matière cruciale pour l’avenir du pays, il vaut mieux prendre son temps plutôt que d’agir à la hussarde.