Et si la zone euro éclatait ?

On l’a assez dit : la crise de l’euro est avant tout une crise de la gouvernance et les dirigeants politiques devraient réfléchir sérieusement aux conséquences d’un éclatement de la zone euro.

On l’a assez dit : la crise de l’euro est avant tout une crise de la gouvernance et les dirigeants politiques devraient réfléchir sérieusement aux conséquences d’un éclatement de la zone euro.

Une spirale dangereuse a été enclenchée depuis quelques mois : la dette de plusieurs pays européens, et non plus seulement les Etats périphériques, inquiète les investisseurs qui se demandent s’ils seront remboursés.

Ce qui provoque une baisse des actifs dont les principales victimes sont aujourd’hui les banques qui ont massivement prêté à la Grèce, à l’Espagne, au Portugal et à l’Italie. Les marchés financiers sanctionnent du coup les banques en les jugeant fragilisées. Un climat de défiance s’instaure entre les établissements financiers, qui se prêtent moins facilement. Les banques doivent du coup réduire les prêts aux ménages et aux entreprises, ce qui entraîne un ralentissement économique et peut-être une récession.

Si cette spirale n’est pas stoppée, la zone euro pourrait-elle éclater ? On imagine que les dirigeants politiques des grands pays européens éviteront une telle issue tant l’impact serait violent pour le Vieux continent lui-même mais aussi pour l’économie mondiale.

Jean-Marie Mercadal, directeur général adjoint d’OFI AM en charge des gestions, a étudié le scenario et les implications seraient « multiples et catastrophiques » :

  • l’euro pourrait tomber à 0,85 contre le dollar (contre 1,36 mardi)
  • le PIB de la France reculerait de 4% la première année et de 10% sur trois ans
  • le PIB de l’Allemagne se contracterait dans les mêmes proportions
  • le taux de chômage monterait à 13,8% en France, à 12,5% en Allemagne et à 25,5% en Espagne
  • la déflation s’installerait en Allemagne, aux Pays-Bas et peut-être en France
  • les transactions financières seraient gelées temporairement (les prêts transfrontaliers totalisent 9.700 milliards d’euros)
  • un contrôle des changes serait instauré également pour les particuliers
  • la France, dont la dette de l’Etat est détenue à hauteur des deux tiers (1.200 milliards euros) par des investisseurs étrangers, serait pénalisée si le franc chute par rapport à l’ancienne monnaie unique.

Selon plusieurs économistes, l’Allemagne serait pénalisée d’une autre manière : le mark se renchérirait par rapport aux autres monnaies européennes, de l’ordre de 30% à 40%, ce qui pénaliserait les exportations allemandes. Il ne faut pas oublier que l’Allemagne réalise plus de 60% de ses échanges commerciaux en Europe.

L’éclatement de la zone euro aurait évidemment des conséquences pour les autres grandes puissances économiques, en premier lieu les Etats-Unis et la Chine, qui auraient du mal à exporter vers une zone en pleine récession. Cette contraction de l’activité aurait aussi des conséquences pour les pays exportateurs de matières premières.

Si l’impact de l’éclatement de la bulle des « subprimes » et la faillite de la banque Lehman Brothers a pu être relativement limité en 2008, la chute de la zone euro aurait des conséquences négatives plus durables pour les Européens et pour l’ensemble de la planète.

Plutôt que de dénoncer le rôle des marchés financiers – aux mains desquels ils ont précipité leurs Etats en multipliant les emprunts – les dirigeants politiques européens feraient mieux de réfléchir aux conséquences de leur incapacité à gérer cette crise.

Ils doivent prendre conscience que l’euro est d’abord une construction politique et que son avenir ne peut être assuré que par des mesures politiques fortes. La monnaie unique suppose des transferts de souveraineté afin qu’une convergence puisse être imposée à tous les membres de cette zone monétaire. C’est une décision politique lourde mais il n’y a pas d’autre choix et toutes les autres alternatives auraient un impact négatif.