Etait-il nécessaire d’aider les banques ? (2/2)

par Alexandre Bourgeois, économiste chez Natixis

En s’appuyant sur les acquis de la théorie économique et les enseignements des crises des vingt dernières années, nous avons mis en lumière la semaine dernière :
1 : le rôle essentiel du système bancaire dans le fonctionnement des économies modernes ;
2 : le coût qu’il peut y avoir pour une économie à laisser son système financier s’écrouler.
Il faut désormais en venir à la situation présente pour identifier les erreurs commises par le monde bancaire ainsi que les remèdes qui permettront de remettre sur pied le système financier.

3 : Les banques en 2009 : coupables, mais pas seulement…

La thèse défendue par ceux qui donnent aux banques la principale responsabilité dans la crise est que la spéculation sur des produits financiers opaques et complexes a conduit à l’explosion d’une bulle qui a généré des pertes importantes pour les banques les conduisant, via une hausse de leurs marges ou une baisse des volumes prêtés, à un assèchement du crédit et donc à une récession profonde. Pour contrer cette dernière, il faudrait donc relancer le crédit. Si plusieurs points de cette critique sont avérés, d’autres méritent d’être atténués, voire même corrigés.

En premier lieu, la crise actuelle venant de l’excès d’endettement, il est difficile de défendre l’option d’une relance économique par le crédit ou même le maintien des prêts aux agents privés aux niveaux précédents. Et ce d’autant plus que toutes les enquêtes montrent que ce ne sont pas seulement les facteurs d’offre de fonds prêtables qui conditionnent le ralentissement du crédit, mais également les facteurs de demande. Ainsi, dans le cas français, le marasme immobilier actuel conduit beaucoup de ménages à reporter leurs projets, donc à moins solliciter leurs banques. En outre, concernant l’offre de crédit, les modifications actuelles sont en bonne partie des corrections des excès passés. C’est une erreur en effet de considérer la situation des années 2005-2007 comme une norme. Les marges pratiquées par les banques à cette époque étaient largement inférieures aux taux de défaut sur les prêts, voire même nulles par moment (1).

Enfin, à certains égards, le système bancaire fait actuellement figure de bouc émissaire. Par exemple, incriminer les banques pour le retournement de l’investissement dans l’Hexagone, c’est oublier que les entreprises non-financières françaises ont vu leur taux d’autofinancement s’écrouler au cours des dernières années, passant même en 2008 sous la barre des 50 % pour la première fois depuis vingt-quatre ans.

Ensuite, la crise de confiance est globale. Elle part, de manière schématique, du marché immobilier américain, pour contaminer la sphère bancaire, puis l’ensemble de la sphère financière mondiale et, par contrecoup, l’ensemble des économies et des secteurs. La panique n’est pas propre aux acteurs du secteur financier (même si la faillite de Lehman Brothers est à l’origine de la deuxième vague de la crise), sinon des secteurs tels que l’automobile ne connaitraient pas des crises structurelles aussi profondes.

Enfin, si par différentes techniques (titrisation, prêts sur la base de la richesse et non du revenu de l’emprunteur, accroissement de la taille du bilan des banques…), les banques ont participé à la formation d’une bulle spéculative, cette dernière n’est que la conséquence d’un système global défendu jusqu’à récemment par un grand nombre d’intervenants (gouvernements, banques centrales, régulateurs, agences de notation…). Ce dernier avait pour but d’éviter la croissance faible que la globalisation sans le crédit aurait immanquablement apportée aux pays développés (2).

4 : Quelles solutions pour l’avenir ?

La première remarque à formuler est qu’il est utopique de vouloir supprimer les bulles spéculatives. Elles sont une des conséquences de l’économie de marché. D’ailleurs, la croissance rapide de la liquidité, l’absence de coordination monétaire internationale et la poursuite du désendettement privé laissent supposer une nouvelle phase de croissance forte pour certains prix d’actifs dans les années à venir (3). Plutôt que de supprimer les bulles, l’objectif des pouvoirs publics doit donc plutôt consister à réduire leur taille et limiter leur impact sur l’économie réelle. Pour cela, une meilleure régulation du système financier est indispensable. Certaines mesures apparaissent ainsi souhaitables (4) : provisionnement dynamique (exigence accrue de capital en phase de croissance), externalisation des activités très risquées des banques, garanties publiques sur le marché interbancaire… Attention toutefois à ne pas aller trop loin. Certaines réglementations comme des exigences superflues en capital ou une réduction des écarts de duration entre les ressources et les emplois des banques pourraient s’avérer contre-productives au vu des objectifs affichés…

NOTES

(1) Cf. Flash n°32, « Banques : causes de la crise ou boucs émissaires ? », 21 janvier 2009.
(2) Cf. Flash n°76, « le rôle des banques dans la crise : coupables mais pas toutes seules », 11 février 2009.
(3) Cf. Eco Hebdo n°8, « Quid de l’évolution des marchés : quel prix d’actif va "exploser" en premier ? », 20 février 2009.
(4) Cf. Flash n°28, « Réglementation plus sévère des banques : les erreurs à ne pas commettre. », 21 janvier 2009.

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