Etats-Unis : l’heure du bilan

par Hélène Baudchon et Cécile Duquesnay, économistes au Crédit Agricole

Voilà un an que Lehman Brothers a fait faillite. A cette occasion, MM. Bernanke et Obama dressent, dans deux discours qui se font écho, un tableau de ce qui s’est passé, ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire.

Grâce à l’agressivité, la nouveauté et la coordination des actions de l’ensemble des autorités mondiales, le pire a été évité. Mais les signes actuels de reprise ne doivent pas faire oublier l’impératif de la réforme, rappellent-ils à l’unisson. 

Le président Obama a lancé trois appels, à l’attention à la fois du secteur financier, du Congrès et des membres du G20, afin de réformer de manière « énergique » et profonde les règles du système financier mondial.

Le lundi 15 septembre 2008, l’effondrement de l’une des quatre plus prestigieuses banques d’affaires américaines a failli emporter dans sa chute l’ensemble du système financier, n’eût été l’intervention agressive des autorités monétaires et financières de par le monde. La panique financière qui a suivi jusqu’en octobre n’en a pas moins entraîné une récession historiquement sévère. La plus sévère depuis la Grande Dépression en ce qui concerne les Etats-Unis, et la référence n’est pas anodine.

Un an plus tard, deux figures emblématiques des Etats-Unis, le président Barack Obama et le gouverneur de la Fed Ben Bernanke, reviennent sur le déroulement de cette crise, pour en rappeler non seulement la sévérité, mais aussi le fait que, si l’intervention des gouvernements et des banques centrales a permis d’éviter le pire, il reste encore beaucoup à faire pour ne pas reproduire les erreurs qui ont conduit à cette crise. Les deux discours se font écho. Lorsque Ben Bernanke salue la rapidité de la réponse à l’échelle mondiale, Barack Obama rappelle haut et fort qu’il n’est pas encore l’heure des réjouissances, bien au contraire.

La situation économique mondiale, et américaine en particulier, malgré ses signes récents d’embellie, reste fragile et nombreux sont les défis à relever pour garantir une croissance durable. Aussi, afin d’éviter de se retrouver une nouvelle fois au bord du précipice, le président Obama a lancé trois appels. Le premier concerne le secteur financier afin qu’il n’entrave pas la réforme de la régulation mise en œuvre par l’administration. Le second s’adresse au Congrès pour qu’il adopte, avant la fin de l’année, ces projets de loi. Le troisième appel invite les dirigeants du G20 à réformer de manière « énergique » et commune les règles du système financier mondial.

Une année de crise

Dans son discours, délivré le 15 septembre à la Brookings Institution et identique à celui de Jackson Hole du 21 août, Ben Bernanke revient sur la rapidité et la brutalité avec laquelle les évènements se sont enchaînés, et notamment les conséquences de la faillite de Lehman Brothers. Le 15 septembre 2008, cette célèbre banque d’affaires américaine annonce en effet sa faillite, entraînant une panique financière sans précédent qui pétrifia le système financier. Depuis, plus de cent banques américaines ont mis la clef sous la porte et le nombre ne cesse de grossir. Au tournant 2008-2009, la tourmente s’abat sur la sphère réelle : le krach boursier, le resserrement brutal et généralisé des conditions de crédit et la chute de confiance de l’ensemble des agents économiques entraînent une contraction de l’activité particulièrement sévère partout dans le monde.

Rapidité, agressivité et coordination des actions : un gage d’efficacité

Pour faire face à l’intensification de la crise, les autorités américaines et mondiales se sont rapidement mobilisées.

La liste n’est pas exhaustive mais Ben Bernanke retient les dates suivantes. Le 19 septembre 2008, afin de restaurer les fonctions basiques et vitales des segments critiques du système financier, en particulier le marché interbancaire, la Réserve Fédérale instaure de nouvelles facilités de financement et étend ses lignes de swaps avec les autres banques centrales. Le 3 octobre, la faillite de Lehman ayant mis en exergue le manque de liquidités des banques pour faire face aux crises, le Congrès américain débloque 700 milliards de dollars pour le Troubled Asset Relief Program, (TARP). Le 8 octobre, dans une action coordonnée, la Réserve fédérale et cinq des principales banques centrales mondiales abaissent leur taux directeur de 50 points de base. Le 10 octobre, les pays du G7 annoncent qu’ils s’engagent à travailler ensemble et de manière coordonnée afin de garantir la stabilité du système financier international. Les jours suivants, l’ensemble des pays mettent en place des plans de relance.

Cette forte et sans précédente collaboration internationale a prouvé son efficacité. L’ensemble de ces actions et la volonté affichée d’agir coûte que coûte ont fini par enrayer la spirale baissière et rétablir la confiance qui faisait si cruellement défaut. Cela n’a cependant pas pu empêcher la crise financière de dégénérer en crise économique majeure. Aussi, afin d’y faire face, la Réserve Fédérale, et les autres banques centrales, ont élargi plus encore leur arsenal de mesures de politique monétaire, conventionnelles comme non conventionnelles.

Le 10 février 2009, Timothy Geithner, le nouveau secrétaire d’Etat au Trésor américain, et les régulateurs concernés, mettent sur pied une ultime stratégie visant à traiter de front l’ensemble des problèmes : le Financial Stability Plan prend ainsi la relève du TARP. Il se décline en quatre axes d’intervention : le Capital Assistance Program (CAP) et ses injections de capitaux sous conditions (les fameux stress tests), le Public Private Investment Program (PPIP) pour sortir des bilans des banques leurs actifs toxiques, l’Homeowner Affordability and Stability Plan pour enrayer la spirale des saisies immobilières, la Consumer and Business Lending Initiative pour relancer la titrisation des prêts à la consommation et aux PME.

Aujourd’hui, où en est-on ?

Aujourd’hui, l’orage semble passé, après deux ans de crise, celle-ci ayant commencé début 2007 avec les premiers signes de difficultés du marché du subprime. Les marchés actions sont repartis à la hausse, les marchés interbancaires ont retrouvé un fonctionnement en apparence normal (les banques centrales maintenant la perfusion). Les indicateurs économiques ne sont plus en chute libre et les rythmes de contraction de l’activité ont sensiblement ralenti. Certains pays semblent déjà sortis de récession, d’autres sont en train de s’en extirper. Les perspectives d’un retour à la croissance à court terme semblent donc bonnes selon l’expression même de B. Bernanke. La collaboration internationale et l’ensemble des mesures adoptées ont évité l’effondrement du système financier international. Cependant, pour reprendre cette fois une formule du président Obama, « le retour à la normalité ne doit pas conduire à la complaisance ». C’est pourquoi MM. Obama et Bernanke insistent tant sur la fragilité de la reprise naissante que sur les nombreux défis qui restent à relever. « On revient de loin. Surtout, ne l’oublions pas. Tâchons de faire en sorte que cela ne se reproduise plus » : tel est le message de ces deux personnages clés en cet anniversaire symbolique. 

L’heure est à la réforme…

A l’occasion de son allocution de ce lundi 14 septembre au Federal Hall à New York, le président Obama a repris l’initiative et martelé le caractère impératif de la réforme financière. « Aujourd’hui, l’heure est à la transition, des politiques de sauvetage à celles du retour de la croissance soutenue ». Et de rappeler les propositions détaillées par son administration en juin dernier pour mettre fin aux fragilités, failles et doublons du système. Il souhaite à la fois le renforcement du contrôle exercé par la Réserve Fédérale sur les grandes institutions financières, la création d’une autorité permettant au gouvernement de reprendre et de disposer des grandes institutions en difficulté et enfin, la mise en place d’une nouvelle agence de protection des consommateurs qui superviserait les crédits immobiliers et à la consommation. En effet, si M. Obama pointe du doigt les « excès incontrôlés » de Wall Street, il reconnaît également que la crise n’est pas du seul fait de la finance.

C’est la « défaillance collective du sens de la responsabilité à Washington, à Wall Street et dans toute l’Amérique qui a conduit au quasi effondrement du système financier il y a un an. »

… mais elle s’annonce difficile…

Si la faillite de Lehman Brothers a exposé les défauts du système de régulation et de surveillance bancaire américain, faire adopter cette réforme par le Congrès s’annonce difficile, alors que déjà, l’autre grande priorité du moment, la réforme de la santé, se heurte à de sérieuses résistances parlementaires. Barack Obama invite ainsi les firmes de Wall Street à un peu d’auto-discipline et à agir dès maintenant : elles ne doivent pas attendre qu’une loi soit adoptée pour réformer leur système de rémunération.

 …à dix jours du G20

Tout juste un an après la faillite de Lehman, mais aussi dix jours avant le G20 de Pittsburgh, Barack Obama en a également profité pour rappeler la nécessité d’un effort commun « énergique » afin de réformer en profondeur le système financier mondial, l’objectif étant de conclure un accord avant fin 2010.

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