Etats-Unis : le jour d’après

par Alexandra Estiot, Economiste chez BNP Paribas

Le parti républicain est le grand vainqueur des élections.

Présidence, Chambre des représentants et Sénat sont entre les mains des républicains, qui ont les coudées franches pour appliquer leur politique.

La nature exacte de cette politique reste à définir. Certains points font consensus, comme la réduction de la fiscalité ou l’abrogation d’Obamacare.

Sur d’autres questions – celles des dépenses, du salaire minimum ou des accords de libre-échange déjà en place – des divergences existent.

La réaction immédiate des marchés financiers, clairement négative, est aussi plus difficile à lire qu’il n’y paraît. Redoutaient-ils une redite des élections de 2000, dont les résultats ne furent connus qu’après cinq semaines, ou réagissent-ils aux incertitudes entourant la politique qui sera menée ? Il faudra attendre quelques temps pour répondre à cette question.

Le parti républicain remporte les élections de façon incontestable. Au-delà de la présidence, et même si tous les résultats ne sont pas encore officiels, il conserve la majorité aussi bien à la Chambre des représentants qu’au Sénat. Il a donc les coudées franches pour appliquer sa politique, sachant tout de même que son avance au Sénat est mince et que sa tâche sera compliquée par les règles de fonctionnement de la chambre haute du Congrès américain. La majorité de fait, est ainsi à 60 sénateurs, alors que les estimations de la majorité républicaine sont, à l’heure où nous écrivons, de 51 sièges.

Quel est le programme des républicains ? Pour Donald Trump, la question n’est pas si simple, les contradictions et incohérences ayant été nombreuses au cours de ces longs mois de campagne. Il existe tout de même certaines similitudes avec ce qui a été prôné par les élus républicains, notamment ceux de la Chambre. Ces points de convergence éclairent ce que l’on peut attendre.

Le consensus est total en matière de fiscalité. L’impôt sur le revenu ne serait plus calculé sur sept tranches mais sur trois uniquement, avec un abaissement généralisé des taux marginaux d’imposition. La fiscalité des revenus du capital serait allégée. On trouve également une quasi-suppression des droits de succession. S’il existe également un accord de principe quant à la fiscalité des entreprises, sa réforme est moins probable. Les tentatives ont été nombreuses ces dernières décennies, et malgré un certain consensus bipartisan – réduction du taux d’imposition et suppression (partielle) des niches – les différents projets de loi n’ont jamais abouti.

Un autre point d’accord entre les différents républicains est l’abrogation de l’Affordable Care Act, la loi phare du premier mandat du président Obama, qu’on connaît généralement sous le nom d’Obamacare. Le processus législatif pourrait néanmoins être compliqué par la validation de plusieurs des volets de cette loi par la Cour suprême, mais compliqué ne veut pas dire impossible.

Parmi les promesses de Donald Trump, certaines n’ont, à notre sens, que peu de chance d’aboutir. Il s’agit de l’augmentation du salaire minimum (à USD 10 de l’heure) ou des dépenses en infrastructure. De telles propositions, faites par Barack Obama, avait été rejetées par le Congrès au cours des dernières législatures. La question des accords commerciaux est un autre point épineux. Légalement, il est difficile de se prononcer sans appel sur la capacité du président à dénoncer unilatéralement de tels accords, et plutôt que de risquer des recours juridiques, le Congrès pourrait être appelé à trancher. Le résultat du vote est tout sauf certain : si les électeurs américains, notamment ceux qui ont porté la victoire républicaine, sont très certainement protectionnistes, le jeu des lobbys appelle à la prudence quand il s’agit de probabiliser un tel évènement. Une chose est toutefois certaine : les négociations en vue des accords transatlantiques et transpacifiques resteront là où elles en sont actuellement, c’est-à-dire au point mort.

La question des différentes réglementations et régulations est aussi posée. Si on se rappelle avec précision l’opposition républicaine à Obamacare, on a moins en tête celle à la loi Dodd-Frank. Pourtant, les dernières législatures n’ont eu de cesse de réduire les crédits permettant de financer les agences en charge de son application. Le sujet n’ayant pas fait l’objet de débat au cours de la campagne, l’incertitude est totale.

Dans un premier temps, la réaction des marchés a été vivement négative, avec un recul de la plupart des marchés actions mondiaux. Le dollar, tout d’abord en fort recul, a rebondi avec l’annonce des résultats définitifs : plus que la défaite d’Hillary Clinton, les marchés américains semblaient redouter une redite des élections de 2000, lorsque cinq semaines avaient été nécessaires pour enfin trancher les résultats des présidentielles. Reste que la volatilité sera probablement très forte : la politique qui sera appliquée demeure en effet extrêmement incertaine.

Dans les semaines à venir, et au-delà des appels à l’unité nationale, l’attention se focalisera sur la formation de l’équipe gouvernementale. Peu de noms circulent. Puis se poseront d’autres questions, comme celle de l’attitude du pouvoir politique vis-à-vis de la Fed. Son indépendance sera-t-elle réaffirmée ou remise en cause ? Une chose semble certaine, au moins si l’on en croit les marchés financiers : la Fed sautera son tour en décembre et laissera sa politique inchangée. Il ne s’agirait pas tant d’un diagnostic négatif de la politique économique à venir qu’une volonté de réinstaurer le calme sur les marchés financiers.

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