Europe : tout faire pour éviter la déflation !

La Banque centrale européenne (BCE) a donc baissé son principal taux directeur afin de soutenir une économie qui est sur le point de s’enfoncer dans la récession. Est-ce suffisant ? Ce n’est pas certain car le vrai risque aujourd’hui est celui d’une déflation et le devoir des dirigeants européens est de tout faire pour l’éviter.

 
Le président de la BCE, Mario Draghi, a souligné que l'institution monétaire restait « prête à agir » et poursuivrait sa politique accommodante « aussi longtemps que nécessaire ».
 
Pour le moment, si le taux de refinancement a été réduit de 25 points de base à 0,50%, le taux marginal d'emprunt, utilisé pour le financement des banques au jour le jour, a été réduit à 1 %, au lieu de 1,5 %. L’objectif est d’inciter les banques à venir chercher des liquidités afin de pouvoir prêter davantage aux ménages et aux entreprises.
 
Mais la distribution de crédit dans la zone euro reste désespérément plate. Certains accusent les banques de fixer des critères trop sévères et la France a décidé de se doter d’un nouvel établissement – la Banque Publique d’Investissement (BPI) pour soutenir certaines entreprises. Les banques assurent que c’est la demande qui est faible.
 
On est plutôt tenté de croire les banques. L'indice composite PMI Markit de la zone euro, qui mesure l’activité dans les services et l’industrie manufacturière, est ressorti en 46,9 en avril contre 46,5 en mars. Il reste nettement en dessous de la barre des 50, qui sépare contraction et expansion de l'activité. De nombreux économistes pensent que ces chiffres correspondent à une contraction trimestrielle du PIB de 0,4 à 0,5 point.
 
La zone euro est clairement en récession. Conséquence, le taux de chômage continue de monter. Il était en mars à 12,1% contre 12% en février (dont 24% pour les jeunes de 16 à 25 ans !). Au total, 19,2 millions de personnes sont privées d’emploi dans la région.
 
Pour compléter le tableau, l’inflation est tombée à 1,2% en rythme annuel en avril alors que les économistes tablaient en moyenne sur 1,6%. Il ne fait guère de doute que la BCE a été très sensible à cet indicateur pour prendre sa décision de baisser son taux directeur car son mandat lui demande de faire en sorte que le taux d’inflation soit inférieur mais proche de 2%.
 
Si l’activité continue de sombrer, si l’inflation de chuter et si le chômage de monter, nous sommes clairement face à un risque de déflation. On peut se demander si une baisse d’un quart de point du taux d’intérêt sera suffisante pour redresser la barre. La réponse est unanime : non. La BCE devra trouver autre chose pour écarter ce risque.
 
D’ores et déjà, sur les marchés financiers, on évoque un risque de « japonisation » de l’Europe. Le Japon a sombré dans la déflation au début des années 1990. Les autorités ont eu beau baisser les taux et ouvrir le robinet de liquidités, rien n’y a fait.
 
Du moins jusqu’à l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Shinzo Abe fin 2012. Il a imposé sa volonté à la Banque du Japon, lui demandant de favoriser l’inflation (avec un objectif de 2%) et de faire marcher la planche à billets pour financer les dépenses publiques et, corollairement, faire baisser le yen. Cette stratégie est pertinente car si la dette du pays représente plus de 2,2 fois le PIB, elle est détenue essentiellement par les résidents.
 
Conséquence : l’euro est au plus haut contre la monnaie japonaise de janvier 2010 et le dollar au plus haut depuis mai 2009. Cette évolution va favoriser les exportations japonaises, au détriment notamment des produits allemands. La Bourse de Tokyo est en nette progression : l’indice Nikkei 225 affiche un gain de 37% depuis le début de l’année contre 5,6% seulement pour l’Euro Stoxx 50.
 
Les investisseurs du monde entier redécouvrent le Japon. La zone euro n’est encore vraiment pénalisée car il y a une abondance de liquidités dans le monde, beaucoup plus que d’instruments d’investissement. C’est ce qui explique que certains sont prêts à perdre de l’argent en achetant des obligations d’Etat allemandes voire françaises.
 
Mais ne nous y trompons pas : cela ne pourra pas durer. Si la BCE et les autorités politiques ne parviennent pas à redresser la situation et à empêcher une déflation, les investisseurs fuiront la zone euro et nous pourrions bien nous engager dans une période sombre.
 
Pour l’éviter, la BCE peut intervenir avec des outils non conventionnels, en rachetant par exemple directement la dette de certains pays. Une telle décision nécessite un accord de l’Allemagne. Pour rassurer celle-ci, les autres gouvernements doivent donc continuer à assainir les finances publiques, surtout dans des pays comme la France où la classe politique ne sait pas gérer, et stimuler la croissance de manière intelligente. 
 
Ce n’est pas en créant des emplois publics qu’on résoudra le problème de compétitivité de l’économie française. On soutiendra la consommation mais cela favorisera les importations. Il convient aujourd’hui de soutenir la production afin que l’Europe puisse exporter vers les régions en forte croissance (Asie, Amérique latine et aussi Afrique). Et il est nécessaire d’investir massivement dans les infrastructures, notamment les technologies. 
 
La zone euro est au bord du précipice. Les dirigeants politiques, aveuglés par les taux d’intérêt bas, n’en ont pas encore conscience. S’ils veulent éviter une catastrophe, ils doivent prendre la mesure de la situation et agir en conséquence. Et vite.
 
 
 
 
Bourse : coup d’arrêt définitif à la hausse ?
 
 
La crise chypriote a provoqué une baisse générale des marchés financiers lundi 18 mars. Peut-elle stopper la hausse des indices boursiers constatée depuis quelques mois ? Pas sûr car les investisseurs semblent avoir retrouvé le goût du risque.
 
Suivant les indices américains, qui ont battu dernièrement les records historiques atteints fin 2007, avant la crise financière, les places boursières européennes ont fortement progressé ces dernières semaines. A  VERIFIER A la clôture du 15 mars, le Dax allemand était en hausse de 36% depuis le début de l’année, l’Eurostoxx 50 de 17%, le FTSE britannique de 16%, le BEL 20 belge de 26%, le SMI suisse de 32% et le CAC 40 de 22%.
 
Si la bourse allemande s’est rapprochée de son niveau de fin 2007, seul l’indice britannique est revenu en territoire positif par rapport à cette date. Alors que de l’autre coté de l’Atlantique, le Dow Jones a dépassé de 17% son niveau d’il y a un peu plus de cinq ans, le Nasdaq Composite de 22,5% et le S&P 500 de 6%.
 
Ce décalage est lié à la dynamique de croissance entre les Etats-Unis, où les indicateurs sont bien orientés, et l’Europe, où le risque de récession demeure à moyen terme.
 
Pour autant, le fait que les marchés d’actions européens sont en nette hausse montrent que les investisseurs veulent  
 
La crise financière est peut-être en train de s’estomper mais les pays de la zone euro mettront de très nombreuses années pour rétablir leurs finances publiques, ce qui va peser sur la rentabilité des placements obligataires. Le moment est sans doute venu de miser sur les actions cotées, européennes mais aussi issues des pays émergents.