Europe : une crise de 100 ans ?

Faut-il restructurer la dette de la Grèce ?

Faut-il restructurer la dette de la Grèce ? Les dirigeants politiques européens écartent cette solution pour des raisons tout à fait valables mais ils ne font que prolonger la crise qui frappe la zone euro.

Les données du problème sont connus : la Grèce a une dette qui représente 140% de son Produit intérieur brut (PIB) et comme les investisseurs pensent qu’elle ne pourra pas rembourser cette dette, ils ne lui prêtent plus d’argent. L’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) ont accepté de voler à son secours tout en imposant de sévères mesures de restructuration.

Cela ne suffit pas et les marchés financiers pensent qu’une restructuration est nécessaire. Que signifie une restructuration ? Les créanciers de la dette devraient soit accepter une partie de leurs créances, soit accepter de reculer le remboursement.

Apporter de l’argent à la Grèce ne résoudra pas les problèmes. Les économistes d’Amundi Asset Management expliquaient récemment qu’avec une décote de 30% de la dette et avec un solde primaire positif de 6% permanent du budget, la Grèce verrait son ratio dette publique revenir à 60% en 2025 contre 140% aujourd’hui. Notons que les 60% ont été retenus dans le traité de Maastricht permettant la création de l’euro.

C’est un calendrier qui semble réaliste. Mais les dirigeants politiques – en particulier le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet – refusent un tel scenario car il pourrait y avoir une contagion potentiellement dévastatrice.

D’une part, les banques européennes subiraient des pertes en cas de restructuration. Or, elles ont actuellement besoin de reconstituer leurs fonds propres. Si une nouvelle crise bancaire devait apparaître, les Etats, eux-mêmes très endettés, auraient du mal à renflouer leurs banques.

D’autre part, si la Grèce restructure, les agences de notation devraient dégrader la note d’autres pays périphériques comme l’Irlande, le Portugal et l’Espagne, poussant ces pays à restructurer leurs dettes à leur tour avec un impact négatif infiniment plus important. L’Espagne représente à elle seule 8,6% de la dette publique de la zone euro, soit davantage que la Grèce (4%), l’Irlande (1,9%) et le Portugal (1,8%) réunis.

Les conséquences seraient désastreuses pour les banques comme pour les Etats. On entrerait dans une crise systémique. Les dirigeants politiques pensent qu’il faut éviter une telle situation, d’où leurs efforts pour renflouer la Grèce via les mécanismes européens (FESF et MES) et via le FMI.

Mais cela suffira-t-il ? Christophe Donay, chef stratège de la banque suisse Pictet, soulignait récemment que pour revenir à un ratio dette sur PIB de 60% en dix ans, la Grèce devrait enregistrer une croissance économique de plus de 20% chaque année sachant qu’il faudrait que son taux de financement devrait se rapprocher de 10% et non de 20% comme c’est le cas aujourd’hui. A titre indicatif, le taux de croissance du PIB pour la France devrait être de 6% à 7%, loin des 2% actuels.

Une telle hypothèse n’est pas crédible. Prenons le problème dans l’autre sens : si la Grèce parvient à afficher une croissance du PIB réel de 2%, à dégager un solde primaire de son budget de 3%, avec une inflation à 2% et des taux d’intérêt à 4%, il lui faudrait 36 ans pour ramener sa dette à 60% du PIB. Dans l’hypothèse, la plus pessimiste (croissance de 2%, solde primaire de 1%), il faudrait …107 ans, soit en 2018.

Dans le scenario le plus optimiste retenu pour la Grèce, l’Irlande devrait atteindre 2040 (soit tout de même 39 ans) et la France 2030.

Pour Christophe Donay, ces indications expliquent la position des investisseurs vis-à-vis des tentatives européennes. « Le marché n’a pas une approche seulement comptable de la crise de la dette. Il a une approche dynamique ».

Cela n’est pas surprenant car les investisseurs ont pour mission d’anticiper. Il est tout de même inquiétant que les dirigeants politiques de la zone euro ne s’en rendent pas compte.