France : 2 milliards € pour les PME = +0,15 % de PIB

par Olivier Bizimana, Olivier Eluère et Axelle Lacan, économistes au Crédit Agricole

  • La crise a fortement dégradé la situation financière des PME.
  • Le 5 octobre, de nouvelles mesures de soutien aux PME ont été annoncées, visant à renforcer leurs fonds propres et à encourager leurs investissements.
  • Selon nos estimations, ce plan d’aide aux PME de deux milliards implique, toutes choses égales par ailleurs, un accroissement du PIB annuel de 0,15 %.

 

La crise financière, et la récession économique en résultant, ont affecté fortement la situation financière des entreprises. En particulier, les petites et moyennes entreprises (PME) ont, semble-t-il, été plus touchées que les grandes. Elles ont été affectées plus durement à la fois par le resserrement des conditions de crédit des banques et par la chute de la demande. La dégradation de la situation économique pénalise d’autant plus les PME, qu’elles ont en moyenne un taux d’investissement moins dynamique que l’ensemble des sociétés non financières. Dans cet article, nous rappelons le contexte macroéconomique très défavorable ainsi que les principales mesures du plan de soutien aux fonds propres des PME annoncées en octobre par le gouvernement. Nous examinons également l’impact potentiel de ces mesures sur l’investissement et la croissance.

I. Les PME dans la crise

Un contexte macro-économique défavorable…

La croissance française a rebondi au deuxième et au troisième trimestre 2009 (+0,3 % t/t), après quatre trimestres de baisse consécutive. Et l’activité devrait continuer à se redresser au quatrième trimestre 2009, grâce au soutien des facteurs techniques (début de restockage et de reprise dans l’industrie, impact des plans de soutien, etc) (cf. graphique ci-dessous).

La confiance des agents va continuer à s’améliorer. Mais la demande domestique restera stable. En particulier, la consommation privée sera modérée fin 2009 et en 2010 : dégradation du marché du travail, fin ou réduction (prime à la casse notamment) de certaines mesures du plan de soutien, reprise de l’inflation.

Surtout, l’investissement des entreprises sera en baisse au quatrième trimestre 2009 (-0,9 % t/t en moyenne) et devrait se stabiliser en 2010.

A court terme, les PME françaises auront un problème de débouchés domestiques. En revanche, l’amélioration de l’environnement économique global attendue au second semestre pourrait ré-ouvrir la voie des débouchés internationaux. Mais les PME françaises restent plutôt axées sur des débouchés français et européens qui, selon nos prévisions, resteront assez limités.

…et des PME fortement affectées par la crise…

Il est très difficile d’évaluer précisément l’impact de la crise financière sur la santé des PME françaises du fait du manque de statistiques conjoncturelles. Néanmoins, l’enquête sur l’accès au financement des PME en zone euro, réalisée conjointement pour le compte de la Commission européenne et la BCE cet été, donne quelques informations sur l’impact de la crise sur leur situation financière au cours des derniers mois1. Cette enquête montre que près de la moitié des PME françaises déclare avoir enregistré une détérioration de leur situation financière (baisse des profits, chute du chiffre d’affaire) au cours des six derniers mois.

En outre, l’enquête met en évidence l’importance des fonds propres comme source de financement pour les PME françaises. La majorité d’entre elles (54 %) indique avoir utilisé leurs fonds propres internes (épargne) comme principal moyen de financement au cours des six derniers mois. Le crédit bancaire demeure la principale source de financement externe (29 %). Le financement de marché reste extrêmement marginal : 3 % des PME déclarent avoir recours à des émissions d’actions ou à des actionnaires externes et 0,1 % à des émissions obligataires.

Par ailleurs, cette enquête montre que le manque de débouchés est la principale contrainte qui a pesé sur les PME françaises au cours de ces six derniers mois. Les PME françaises n’anticipent pas d’amélioration de leur situation financière au cours des prochains mois.

Une majorité d’entre elles anticipe une stabilité de leur source de financement interne (56 %) et externe (63 %). Un cinquième seulement des PME prévoit une détérioration de leur source de financement interne (18%). Le nombre de PME déclarant anticiper un accès plus difficile au crédit bancaire est encore plus faible (14 %).

II. Principales mesures de soutien aux fonds propres des PME

Dans ce contexte, de nouvelles mesures de soutien aux PME ont été annoncées le 5 octobre 2009, visant à renforcer leurs fonds propres et à encourager leurs projets d’investissement :

  1. Mise en place par OSEO de « contrats de développement participatif » pour 1 milliard € : prêts de cinq à sept ans, sans garantie, à remboursement différé, destinés aux PME et notamment aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).
  2. Apport en fonds propres fourni par le Fonds Stratégique d’Investissement (FSI) pour 1 milliard € :
  • investissements directs dans les entreprises à fort potentiel de croissance (300 millions),
  • souscription d’obligations convertibles de 4 millions € maximum (300 millions), – injection de 300 millions dans les fonds régionaux de capital risque,
  • financement (conjointement avec les banques et compagnies d’assurance) du Fonds de Consolidation et de Développement des Entreprises, fonds commun de placement destiné à renforcer le capital de PME fragilisées (100 millions).

Ces mesures permettent de renforcer les fonds propres ou quasi fonds propres des PME. Ceci doit permettre de stimuler leurs dépenses d’investissement, et donc leur croissance, sans accroître un taux d’endettement déjà élevé (113 % de la valeur ajoutée pour l’ensemble des sociétés non financières début 2009, niveau record depuis 1993).

Ce plan ne cible pas principalement les PME fragilisées par la récession économique et confrontées à des problèmes marqués de trésorerie. Elles bénéficient déjà de mesures de soutien mises en place ces derniers mois : mobilisation d’une partie de l’épargne réglementée, médiation du crédit, mesures de soutien à la trésorerie des entreprises dans le cadre du plan de relance de la fin 2008. Le nouveau plan s’adresse plutôt aux PME à potentiel de croissance, notamment les entreprises de taille intermédiaire (ETI), et vise un soutien à moyen – long terme.

L’investissement des PME peut-il, dans le contexte actuel, être dopé par un accroissement des fonds propres ? Quel est l’impact sur la croissance d’une telle politique ?

III. Accroître les fonds propres des PME : quel impact sur l’investissement ?

Pour financer leurs investissements, les PME utilisent essentiellement leurs ressources propres, et dans une moindre mesure le crédit bancaire – principale source de financement externe. S’agissant du financement bancaire, elles ont moins de garanties à offrir que leurs homologues plus grandes.

Le plan d’aide aux PME de deux milliards d’euros a donc précisément pour objectif de jouer sur la déterminante « contrainte de financement » pour mobiliser l’investissement. En renforçant les fonds propres, et donc la solidité financière des PME, le plan d’aide facilitera également leur accès aux crédits bancaires. Les PME, qui souffrent d’un déficit structurel en fonds propres, tant par manque de connaissance des dispositifs existants que par peur d’une dilution de pouvoir, ont bien besoin de ce renforcement. Celui-ci permettra de dynamiser le taux d’investissement des PME, qui reste structurellement inférieur à celui de l’ensemble des sociétés non financières (10% en moyenne entre 2002 et 2004 pour les PME, contre 14 % pour l’ensemble des SNF)2.

In fine, la hausse de l’investissement devrait avoir des effets positifs sur la croissance du PIB. Il est très difficile de connaître a priori la part des deux milliards qui sera effectivement alloué aux dépenses d’investissement. Dans nos estimations nous avons supposé que l’essentiel de ces apports sera consacré effectivement à l’investissement productif (ces ressources peuvent être affectées à d’autres postes : stocks, trésorerie, désendettement, etc.). Ceci implique donc un accroissement de l’investissement total des sociétés non financières d’un peu moins de 1 % (le montant des investissements en valeurs des SNF en 2008 est de 224,6 milliards €).

Selon nos estimations, cela implique, toutes choses égales par ailleurs, un accroissement du PIB annuel de 0,15 %.

NOTES

  1. Voir les documents EC, “Access to Finance”, septembre 2009; et BCE, “Survey on the access to finance of small and medium-sized enterprises in the Euro area”, septembre 2009.
  2. Voir l’Economie Française, comptes et dossiers (INSEE, Edition 2008) : « La situation financière des entreprises : vue d’ensemble et situation relative des PME ».

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