France : la baisse du nombre de chômeurs est anecdotique

par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis

En juin, le nombre de demandeurs d’emploi a (légèrement) baissé pour la première fois depuis un an. Nous revenons ici sur le détail des chiffres publiés par le Pôle emploi afin de comprendre cette baisse plutôt surprenante du nombre de chômeurs. Liée pour l’essentiel à des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation et à la montée en puissance des dispositifs de reclassement (CTP et CRP), cette baisse du chômage ne remet pas en cause nos prévisions d’évolution de l’emploi à l’horizon des dix-huit prochains mois. Elle pourrait toutefois différer quelque peu la remontée connexe du taux de chômage.

Après un flux ininterrompu de 534K nouveaux chômeurs venus alimenter les listes du Pôle emploi depuis juillet 2008, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a baissé pour la première fois depuis un an en juin dernier (-18,6K).

Rassurant (à première vue) dans la mesure où il s’inscrit dans le prolongement d’une certaine modération des entrées au chômage depuis quelques mois, ce chiffre n’a néanmoins pas suscité de réaction particulièrement enthousiaste de la part des pouvoirs publics ou des partenaires sociaux. A juste titre selon nous.

Le détail des chiffres publié par la DARES montre en effet que les motifs de satisfaction sont relativement ténus : mis à part le fait que cette baisse du chômage est essentiellement concentrée dans les catégories jusqu’ici les plus affectées par la crise (les jeunes), la seule bonne nouvelle pourrait être le retour des entrées au chômage pour non-renouvellement de contrat (à l’origine de la forte hausse du taux de chômage ces six derniers mois) sur des niveaux plus conformes à leur moyenne de long terme. Une telle évolution (des contrats temporaires) pourrait d’ailleurs s’avérer durable, alors que les entrepreneurs anticipent un léger regain d’activité dans un contexte toujours très incertain.

Une baisse du chômage en trompe-l’œil ?

Plusieurs facteurs incitent à la prudence dans l’interprétation du léger recul du nombre de chômeurs de catégorie A observé en juin. Tout d’abord, la forte hausse des chômeurs de catégorie C recensée sur le mois (+41K) compense les baisses enregistrées dans les catégories A et B si bien que le nombre total de chômeurs en recherche active d’emploi augmente de plus de 7K sur le mois. En outre, il conviendrait de rajouter une partie des effectifs dont l’inscription au Pôle emploi a été annulée, faute d’actualisation, et qui explique l’essentiel des sorties du chômage enregistrées en juin. Ces effectifs sont en nette progression depuis plusieurs mois et ont franchi le seuil des 200K le mois dernier.

Aussi le chômage de longue durée cesse-t-il de baisser (de manière relative), la part des demandeurs d’emploi depuis plus d’un an progressant de 0,6 point en juin, après une baisse ininterrompue pendant trois ans (de 38,3% en mai 2006 à 29,7% en mai 2009, 30,3% en juin). La baisse du chômage de juin est ainsi intégralement imputable aux chômeurs de moins de trois mois.

Enfin, la stabilité apparente des licenciements économiques depuis le début de l’année ne doit pas non plus induire en erreur, du fait non seulement d’un recours significatif au chômage partiel mais aussi de la montée en puissance des dispositifs de reclassement tels que la convention de reclassement personnalisé (CRP) ou le contrat de transition professionnelle (CTP).

Au final, cette légère baisse du chômage de catégorie A ne doit naturellement pas être interprétée comme le signe d’une inversion de tendance, ni même comme le signe d’un quelconque ralentissement de la progression du chômage. Le cycle de productivité suggère toujours des destructions d’emplois particulièrement marquées (notamment dans l’industrie manufacturière et la construction), si bien que le taux de chômage devrait franchir le seuil des 10% d’ici la fin de l’année.

NOTES

  1. Les catégories A, B et C regroupent les chômeurs en recherche active d’emploi, respectivement sans emploi, en activité réduite courte et en activité réduite longue.

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