France : les dessous de la réduction du déficit budgétaire

par Héléne Baudchon, Economiste chez BNP Paribas

En première estimation, le déficit budgétaire français s’établit à 3,4% du PIB en 2016, en baisse 0,2 point par rapport à 2015. L’amélioration est limitée mais elle se poursuit pour la septième année consécutive.

Comme en 2015, le poids des dépenses publiques dans le PIB ainsi que celui des recettes diminuent, le premier plus que le second (-0,5 et -0,3 point, respectivement).

Depuis 2012, la réduction du déficit (-1,4 point) s’explique pour une moitié par la diminution du service de la dette et, pour l’autre, par celle du déficit structurel primaire.

D’après les premiers résultats publiés par l’INSEE, le déficit budgétaire français s’est établi à 3,4% du PIB en 2016. La cible de 3,3% du gouvernement est légèrement dépassée mais l’amélioration par rapport à 2015 (-0,2 point) est en ligne avec ses attentes1. Le déficit est toutefois conforme à la recommandation de la Commission européenne. Et le gouvernement n’est pas loin de son objectif : un écart de 0,1 point n’est pas significatif, d’autant que ces résultats sont susceptibles d’être révisés dans les versions ultérieures des comptes nationaux. Depuis, les révisions se situent dans une fourchette comprise entre -0,1 et +0,1 point2.

La réduction du déficit, entamée en 2010, se poursuit donc, bien qu’à pas comptés. Cette lenteur a des conséquences en termes de dette publique, même si l’inflexion est nette : le ratio de dette n’augmente presque plus (96% du PIB en 2016 après 95,6% en 2015 et 94,9% en 2014). Mais il se situe à un niveau élevé et son absence de baisse contraste avec celle enclenchée au niveau agrégé de la zone euro.

La réduction limitée du déficit budgétaire en 2016 masque des évolutions plus significatives, comme la baisse concomitante du poids des dépenses et des recettes publiques dans le PIB (une baisse parallèle déjà observée en 2015). Le poids des dépenses publiques a ainsi diminué de 0,5 point (à 56,2%) et celui des recettes de 0,3 point (à 52,8%). L’amélioration du déficit global masque aussi un creusement du besoin de financement de l’Etat (de EUR 2,5 mds, à EUR 74,1 mds), plus que compensé par l’amélioration du solde des autres sphères de l’administration (en hausse de EUR 0,3 md, à –EUR 1,9 md pour les organismes divers d’administration centrale ; de EUR 3,1 mds, à EUR 3 mds pour les administrations publiques locales qui dégagent désormais une capacité de financement ; de EUR 1,8 md, à –EUR 2,9 mds pour les administrations de sécurité sociale).

La quasi-tenue de l’objectif de déficit est aussi remarquable en ce qu’il est fixé à 3,3% depuis le Programme de stabilité d’avril 2015. A l’époque (et encore jusqu’à récemment), un tel objectif paraissait difficile à atteindre compte tenu notamment des risques baissiers sur les prévisions de croissance et d’inflation du gouvernement pour 2016 (1,5% et 1%, respectivement, en moyenne annuelle). Au final, l’objectif de déficit est quasiment respecté alors que ni la croissance ni l’inflation n’ont été au rendez-vous. L’année dernière, le PIB en volume n’a, en effet, progressé que de 1,1% (1,2% hors correction des jours ouvrés) et la hausse des prix à la consommation s’est limitée à 0,2%.

Les efforts structurels nécessaires ont donc été fournis pour parvenir à réduire le déficit. En se basant sur l’estimation de croissance potentielle de la Commission, ces efforts apparaissent toutefois très réduits. En effet, l’amélioration de 0,2 point du déficit s’appuierait pour 0,1 point sur la diminution du service de la dette et pour 0,1 point sur celle du déficit structurel primaire, le déficit conjoncturel étant inchangé.

Depuis 2012, l’allègement du service de la dette dû à la forte baisse des taux d’intérêt est un facteur essentiel d’amélioration du déficit : il explique pour moitié la réduction de 1,4 point du déficit sur la période. Revers de la médaille : cette source d’économies n’est pas pérenne. En revanche, le reste de l’amélioration du déficit est structurel, donc plus solide. S’agissant de 2017 et de l’objectif du gouvernement actuel d’un retour du déficit sous la barre des 3% (à 2,7% plus exactement), les résultats de 2016 laissent inchangée l’ampleur de la tâche. L’objectif paraît toujours aussi difficile à atteindre, la marche à franchir étant très haute (une amélioration de 0,7 point du déficit en un an, quand il en a fallu trois, de 2014 à 2016, pour le réduire de 0,6 point).

De toutes les façons, la donne va changer après l’élection présidentielle. Les cinq principaux candidats combinent tous, à des degrés divers et dans des modalités différentes, des mesures de consolidation et de relance budgétaire. MM. Hamon et Mélenchon et Mme Le Pen mettent l’accent sur le soutien à la demande, M. Fillon sur l’offre et M. Macron défend une approche mixte. M. Macron est le seul à annoncer maintenir le déficit sous la barre des 3% pendant tout le quinquennat tandis que les trajectoires budgétaires fournies par les autres candidats affichent une détérioration plus ou moins marquée en 2017-2018 avant d’entamer un redressement, d’ampleur variable, de 2019 à 2022.

NOTES

  1. Cette première estimation pour 2016 s’accompagne d’une révision en baisse du déficit de 2014 (-3,9% au lieu de -4% précédemment) et en hausse pour celui de 2015 (-3,6% contre -3,5%). L’ampleur de l’amélioration entre 2014 et 2015 s’en trouve réduite (de 0,5 point à 0,3 point), celle entre 2015 et 2016 légèrement accrue (de 0,1 point à 0,2 point).
  2. Le passage en base 2010, en mai 2014, s’est accompagné d’une révision plus importante.

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