France : les inquiétudes sur l’emploi ne s’éloignent pas

par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique de Natixis AM

La première estimation de l'INSEE sur l'emploi du 3ème trimestre a eu quelques effets rassurants lors de sa parution le 13 novembre. L'emploi du secteur marchand s'était stabilisé, ne reculant que de 5 500 postes après un repli de -185 900 au premier trimestre et -85 400 au deuxième. L'hémorragie était stoppée.

Les interprétations n'ont alors pas manqué pour expliquer ce bon comportement. Chacun avait son explication pour expliquer que la France était plus robuste et plus résistante.

Cependant, lors de la deuxième estimation, l'image change totalement. Le -5 500 se transforme en -93 100, un chiffre identique à celui constaté au 2ème trimestre. Le premier graphique montre les 2 estimations sur la variation de l'emploi.

L'ajustement a eu lieu principalement dans le secteur des services hors intérim comme le montre le deuxième graphe.

L'explication de l'INSEE sur cette rupture dans l'estimation se trouve dans l'exploitation des fichiers de l'URSSAF qui a un champ complet, plus large que celui de l'enquête ACEMO qui s'ajuste sur les établissements de 10 salariés et plus. En d'autres termes, l'ajustement et le changement d'estimation s'est fait sur les établissements de moins de 10 salariés.

Ce point est important. Il y a quelques jours, j'évoquais l'enquête NFIB aux Etats-Unis en remarquant que les PME (dont l'enquête NFIB retrace l'activité) ne constataient pas de décollage de leur activité alors que les enquêtes plus larges, du type ISM, montraient une situation de reprise.

Cette situation permettait de comprendre la baisse d'emploi des 35-55 ans aux USA qui s'opérait par fermetures d'entreprise. Cette conclusion que l'on trouvait dramatique pour les Etats-Unis pourrait peut être s'appliquer à la France.

Si l'on suit l'information donnée par l'INSEE pour expliquer le changement dans l'estimation des pertes d'emplois alors il y a une vraie inquiétude sur la situation des PME. Dès lors, une reprise robuste sera longue, très longue à se dessiner car il y a probablement une perte de substance dans cet ajustement à la baisse de l'activité des PME. Il y a certainement d'importantes fermetures d'entreprises avec des effets locaux importants.

Ne parions pas sur le pire mais cette information sur l'ajustement de l'emploi, si elle est validée et confirmée dans l'estimation de l'emploi au 4ème trimestre, est probablement une des mauvaises nouvelles de cette crise sur l'économie française.