France : quelles répercussions économiques du Brexit ?

par Hélène Baudchon, Cconomiste chez BNP Paribas

Suite au Brexit, nous avons ajusté à la baisse nos prévisions de croissance pour la France, de manière très marginale en 2016 (-0,05 point, la croissance attendue restant à 1,4 %) et plus nettement en 2017 (-0,3 point, à 1%).

La reprise ne serait que ralentie mais la croissance se retrouverait sur un rythme peu élevé problématique car l’écart négatif de production, important, ne se résorberait plus, laissant persister les pressions baissières sur les prix.

Les exportations et l’investissement des entreprises sont les composantes du PIB les plus affectées.

Les forces positives par ailleurs à l’œuvre et l’action attendue de la BCE devraient amortir le choc.

Après avoir fait le point sur l’état de la reprise française (cf. Ecoweek n°16- 25) avant le Brexit, nous nous intéressons aux conséquences sur l’économie et la révision en baisse de nos prévisions de croissance à l’horizon 2017. En résumé, le Brexit change la donne mais la reprise commençant à être mieux assise et auto-entretenue, il ne devrait que la ralentir sans la remettre en cause. La croissance reviendrait toutefois sur un rythme inconfortablement peu élevé, au sens où, en étant peu ou prou égal, et non plus supérieur, à la croissance potentielle (estimée autour de 1%), l’écart négatif de production, important, ne se résorberait plus. Les pressions baissières sur les prix persisteraient donc, alors même que l’inflation est déjà extrêmement faible et source d’inconfort pour la BCE.

En 2016, la croissance en moyenne annuelle ne serait pas visiblement affectée : la révision en baisse se limite à 0,05 point de pourcentage et laisse la croissance attendue à 1,4%. En 2017, l’effet serait plus sensible et accentuerait la décélération anticipée avant même le Brexit : nous tablons désormais sur 1% de croissance contre 1,3% auparavant. La révision est légèrement inférieure à celle de la zone euro (-0,1 point en 2016 à 1,4%, et -0,4 point en 2017 à 0,9%) du fait de la capacité structurelle de résistance à la baisse de l’économie française et des forces conjoncturelles positives par ailleurs à l’œuvre. Ces nouvelles prévisions sont empreintes d’une incertitude plus grande qu’à l’accoutumée tant il est difficile d’appréhender l’ampleur des conséquences économiques de ce choc inédit, même à l’horizon court qui est le nôtre.

L’effet négatif transite d’abord et surtout par les exportations, doublement affectées : par le coup d’arrêt de la croissance britannique1 et par l’appréciation de l’euro vis-à-vis de la livre sterling (+12% en deux semaines, entre le 22 juin et le 6 juillet). Les liens commerciaux entre la France et le Royaume-Uni sont, en effet, importants. Avec un poids de 7% dans les exportations françaises de biens (11% dans celles de services), le Royaume-Uni est le cinquième partenaire commercial de la France, à égalité avec les Etats-Unis, l’Espagne et l’Italie (l’Allemagne se situant loin devant, avec 16%). Le Royaume-Uni est aussi le pays avec lequel la France dégage le plus gros excédent commercial et de loin (EUR 12 milliards en 2015). Et à l’exposition directe s’ajoutent les effets du Brexit sur les autres pays de l’UE dont la moindre croissance pèsera aussi sur la demande adressée à la France.

L’investissement des entreprises devrait également être significativement affecté par, d’une part, l’incertitude générée par le Brexit, le choc de confiance et des conditions monétaires et financières moins favorables2 et, d’autre part, par la détérioration des perspectives de croissance. Le moindre dynamisme de l’investissement des entreprises devrait se répercuter, à son tour, sur l’emploi, dont la progression ralentie pèsera sur la consommation des ménages et devrait compromettre la légère baisse auparavant attendue du taux de chômage. L’effet négatif sur le pouvoir d’achat des ménages serait toutefois contrebalancé par la légère révision en baisse de l’inflation entraînée par l’abaissement de la croissance.

Pour contrer ces évolutions défavorables qui touchent toute la zone euro, nous nous attendons à ce que la BCE prenne, prochainement, de nouvelles mesures de soutien3. Côté budgétaire, il est plus difficile d’imaginer une réponse et même de laisser seulement jouer les stabilisateurs automatiques compte tenu de l’étroitesse des marges de manœuvre dans de nombreux pays, dont la France. Toutefois, arguant du caractère exceptionnel des circonstances, un relâchement des efforts structurels pourrait être éventuellement, et temporairement, toléré par l’Europe.

NOTES

  1. Nous prévoyons une stagnation au second semestre 2016 jusqu’au début 2017. L’économie frôlerait la récession avant de redémarrer courant 2017 à la faveur de l’assouplissement monétaire de la Banque d’Angleterre et d’une diminution des incertitudes autour des modalités du Brexit. En moyenne annuelle, la croissance perd 0,3 point en 2016 (à 1,4% au lieu de 1,7%) et 1,4 point en 2017 (0,7% au lieu de 2,1%).
  2. Via la correction des marchés actions, leur volatilité, un surcroît d’aversion au risque. Côté change, l’envolée de l’euro vis-à-vis de la livre sterling est contrebalancée par sa baisse vis-à-vis du dollar américain et du yen (respectivement -2% et -5% entre le 22 juin et le 6 juillet). Le renforcement du taux de change effectif de l’euro s’en trouve limité (+0,7% sur les deux semaines). La forte baisse des taux sans risque permet également de contenir le durcissement des conditions monétaires et financières.
  3. En plus de l’annonce attendue en septembre d’une extension de six mois de son programme de QE (soit jusqu’en septembre 2017), la BCE pourrait jouer sur d’autres paramètres : augmentation du rythme mensuel d’achats ; relèvement de la part de chaque ligne obligataire qu’elle peut acquérir (de 33% à 50%) ; modification de la clé de répartition (aujourd’hui fonction de la participation des Etats au capital de la BCE) ; achat de titres à un rendement inférieur au taux de la facilité de dépôt (aujourd’hui de -0,40%). Avant cela, une baisse de 10 pb du taux de refinancement est aussi envisageable.

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