France : récession profonde et brutale ?

par Philippe Waechter, Directeur de la Recherche Economique de Natixis Asset Management.

L'enquête de l'INSEE de décembre 2008 auprès des chefs d'entreprise illustre plusieurs difficultés auxquelles l'économie française est confrontée :
 

Accentuation du retournement conjoncturel

  • L'indicateur du climat des affaires est à un niveau équivalent au point bas constaté lors de la récession de 1993. de production passé. La liquidation des stocks s'opère avant l'augmentation de la production.
  • En conséquence, les perspectives individuelles des chefs d'entreprise sont très médiocres, touchant un point bas historique très en dessous de ceux observés dans les récessions précédentes.

Les entreprises ont des stocks à un niveau perçu comme trop élevé et observent un repli très rapide de leurs commandes (domestiques ou étrangères). Elles n'ont donc pas de raison de produire davantage mais sont plutôt incitées à déstocker

Une rupture dans l’activité

Le point le plus préoccupant est l'ampleur de la rupture constatée notamment depuis l'été 2008. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les différences de niveau pour chaque indicateur d'un trimestre sur l'autre. Pour l'indicateur de climat des affaires (la mesure synthétique calculée par l'INSEE à partir des réponses à l'enquête), le repli est de quasiment 15 points entre la moyenne du 4ème trimestre et celle du 3ème. C'est le mouvement le plus fort enregistré sur cet indicateur depuis le début de l'enquête. Les mêmes calculs pour les autres indicateurs montrent le même résultat. Les commandes n'ont jamais baissé aussi vite et les stocks s'accumulent très rapidement (mouvement haussier le plus fort, à égalité avec celui observé au dernier trimestre 1980). Idem pour la chute de la production passée.

Tous les secteurs sont affectés

Les mouvements constatés au niveau général se retrouvent dans chacun des grands secteurs. Les commandes baissent très rapidement et les stocks s'accumulent à grande vitesse. Les perspectives se dégradent aussi. Cela était déjà observable sur les secteurs des biens de consommation et de l'automobile. Cela le devient de façon spectaculaire sur les biens intermédiaires et sur les biens d'équipement. Sur ce dernier, les indicateurs d'activité (niveau de production, exportation) avaient tiré les indicateurs industriels vers le haut depuis de nombreux mois. La rupture observée sur ce secteur va donc affecter fortement et durablement la production industrielle et les exportations.

Des chiffres de croissance qui seront médiocres

L'indicateur de climat des affaires, pris en différence sur un trimestre, est cohérent avec l'évolution trimestrielle du PIB. La rupture constatée au dernier trimestre va entraîner le PIB sur un repli beaucoup plus marqué que ce qui était attendu précédemment. L'INSEE dans sa dernière note de conjoncture suggère un repli de l'activité de -3.1 % en taux annualisé (l'INSEE indique -0.8 % en taux non annualisé). Au regard des éléments évoqués et de l'ampleur de la rupture, cela ne serait pas surprenant. On voit bien la façon dont les choses peuvent se dérouler. Pas de demande interne et externe, des stocks trop importants, il y a alors ajustement de la production à la baisse. Ces effets négatifs vont se prolonger sur la première partie de l'année 2009 car le choc négatif subi est de très grande ampleur et qu'il n'y a pas de facteurs qui, spontanément, réduiraient l'incertitude, réactiveraient les flux d'échanges internationaux ou arrêteraient la dégradation du marché du travail. Dès lors même s'il y a une légère amélioration sur la deuxième partie de l'année 2009, la croissance tournera autour de -1 % sur l'ensemble de l'année 2009 après +0.8 % en 2008. Ces états d'alerte suggèrent une politique monétaire plus accommodante.