Guerre commerciale et réduction des risques

par Axel Botte, Stratégiste chez Ostrum AM

Les négociations commerciales sont au point mort entre la Chine et les Etats-Unis. Le relèvement des tarifs douaniers américains provoque une chute des marchés d’actifs risqués et un regain de volatilité. Les marchés d’actions occidentaux perdent 2 à 3% sur la semaine. En parallèle, l’ajustement du Renminbi proche de 6,90 pour un dollar soutient Shanghai. L’ensemble des devises asiatiques perd du terrain contre le billet vert. Le repli vers le yen (sous 110) accentue la baisse des actions nippones (-4,8%).

Le T-note (2,39%) et le Bund profitent de la correction boursière. Les spreads souverains s’élargissent en zone euro. La situation politique délicate en Italie renforce ce mouvement de défiance. Cela se traduit par une hausse du spread à 10 ans vers 277pb. Le crédit européen subit des prises de profit. Les spreads IG ressortent en hausse de 9pb. Le marché du crédit synthétique rattrape la chute des actions. L’iTraxx Crossover s’échange au-dessus de 280pb. Les spreads émergents cotent au-dessus de 350pb en moyenne, sous l’effet de tensions renouvelées en Turquie et en Amérique du Sud.

Les discussions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis sont dans l’impasse après l’échec de la réunion de Washington la semaine passée. Donald Trump a demandé à son administration de relever les droits de douane sur 200mds $ d’importations en provenance de Chine à hauteur de 25%. Parmi les produits concernés figurent des produits chimiques, des matériaux de construction, du mobilier et des produits électroniques grand public. Cette mesure pourrait être étendue aux importations restantes totalisant 325mds $. La Chine prendra rapidement des mesures de rétorsion avant une éventuelle rencontre entre Xi Jinping et Donald Trump en marge du G20 de Tokyo fin juin. Une hausse des tarifs chinois portant sur 60mds $ de biens américains sera mise en œuvre dès le 1er juin.

L’ire de Donald Trump provoque des réallocations de portefeuilles défavorables aux actifs risqués. L’activité du marché des ETFs révèle ainsi des flux vendeurs de crédit investment grade en zone euro, des sorties de fonds sur la dette émergente en monnaie dure et en devises locales et un retour sur les créances hypothécaires (MBS) et les obligations municipales aux Etats-Unis. Les valeurs refuge habituelles comme le yen japonais ou le T-note sont naturellement recherchées. Ces deux éléments ont sans doute accentué la chute du Nikkei. L’indice japonais (-4,8%) sous-performe les marchés asiatiques continentaux. En revanche, l’or libellé en dollars progresse à peine. La faiblesse des actions fait tache d’huile sur le crédit européen, le marché du high yield, les emprunts souverains de la zone euro ou encore les dettes émergentes. Les indices de crédit synthétique (iTraxx, CDX) se sont nettement élargis malgré l’absence de réaction initiale au saut de la volatilité implicite sur les actions. L’indice VIX se stabilise autour de 20%, ce qui reste bien en dessous des niveaux de crise boursière.

Les marchés d’actions plus liquides et sensibles aux inquiétudes sur la conjoncture mondiale ont naturellement réagi davantage que les autres marchés financiers. Les secteurs impactés par les restrictions à la liberté du commerce accusent le coup. Aux Etats- Unis, les secteurs des semi-conducteurs et le hardware perdent respectivement 5,3% et 4,2% sur la semaine sous-performant nettement l’indice global S&P 500. En Europe, les valeurs cycliques se replient également. L’automobile décroche de 5% alors que Donald Trump doit statuer sur de nouvelles mesures protectionnistes envers l’industrie européenne avant le 18 mai prochain. Le rapport du Trésor daté du 17 février avait en effet classé l’automobile européenne comme une menace pour la sécurité intérieure américaine. Par ailleurs, les banques de la zone euro plongent de 5,5% parallèlement au mouvement de fuite vers la qualité ramenant le rendement du Bund en territoire négatif (-0,07%). Les publications bancaires en Italie attisent également les inquiétudes des intervenants.

Prudence à court terme

La configuration actuelle des marchés financiers demeure favorable au Bund et au T-note. Malgré des valorisations incompatibles avec les fondamentaux économiques américains, l’analyse technique suggère un biais de sur-sensibilité sur le T-note. Le consensus haussier et le portage négatif des Treasuries limitent peut-être le potentiel de gain mais le risque de correction des marchés de taux apparait faible à court terme. L’inflation stable à 2%a (IPC) en avril valide le statu quo prolongé sur le Fed Funds annoncé par Jerome Powell. La demande de 10 ans implique aussi la poursuite de la pentification du spread 10-30 ans (44pb). Les TIPS restent boudés par les investisseurs, la recherche de sécurité étant favorable à une diminution des breakevens. Le risque réduit de remontée des taux tient aussi au positionnement acheteur d’actions des gestions. Les positions risquées n’ont pas encore été liquidées, ce qui nous incite à rester prudents sur les marchés d’actions.

Le Bund suivra d’autant que les spreads souverains s’élargissent. Une position acheteuse de Bund reste appropriée ainsi qu’un biais à l’aplatissement du segment de courbe 2-10 ans. La Commission Européenne a de nouveau pointé du doigt l’Italie dont le déficit budgétaire pourrait atteindre 3,5% du PIB l’an prochain dégradant ainsi le ratio de dette publique à 135%. Le BTP à 10 ans s’échange à un spread proche de 280pb contre l’emprunt allemand de référence. L’émission d’1,5md € de BTP 30 ans cette semaine fera figure de test de l’appétit des investisseurs pour la dette italienne à long terme. Le risque d’une dérive permanente de la dette entretient la pentification de la courbe de spreads italiens. En revanche, les spreads espagnols (106pb) et portugais (123pb) se sont moins élargis cette semaine.

Les marchés du crédit respirent. Le spread moyen sur l’IG en zone euro ressort à 107pb. Les indices synthétiques ont réagi plus fortement après un moment d’hésitation face à la chute des actions. Les valorisations tendues justifient pleinement un retour vers 280pb sur l’iTraxx Crossover. Cela étant, certains indicateurs techniques (skew) suggèrent une sur- réaction des indices.

Enfin, la Reserve Bank of New Zealand a réduit son taux de 25pb. Ce mouvement intervient plus tôt que prévu et préfigure sans doute une baisse équivalente en Australie où le risque immobilier apparaît très important. A l’inverse, la Banque de Norvège devrait relever son taux. La NOK s’apprécie aux dépens de la couronne suédoise qui s’approche de ses plus bas historiques contre l’euro (au-delà de de 10,80).