Investir au Japon ? Dépasser la rhétorique de la guerre commerciale

par Dan Carter, Gérant, Jupiter Global Strategy, Japon

Les Etats-Unis et la Chine se rapprochent toujours plus d’une véritable guerre commerciale, mais ce n’affectera pas seulement ces deux super puissances. Avec son marché actions fortement corrélé à la croissance mondiale, beaucoup considèrent le Japon comme une victime collatérale de cette guerre commerciale. Toutefois, bien qu’il n’y ait aucun doute que le Japon soit affecté, les facteurs qui font du Japon une opportunité d’investissement sont largement déconnectés des mesures de Trump et de Xi-Jinping.

L’enjeu le plus pressant posé aux marchés internationaux pour le reste de l’année 2018 est peut-être de savoir dans quelles mesures un revers commercial volontaire peut affecter les actions. L’accent a été mis jusqu’ici sur les deux plus grandes économies du monde, la Chine et les Etats-Unis. Cependant, cette question n'est nulle part ailleurs aussi pertinente qu’au Japon, troisième économie mondiale, alors que ses deux principaux partenaires commerciaux se disputent concernant les échanges.

Sortir de la ligne de mire

La bonne nouvelle pour ce pays est que, malgré les critiques de Trump, les taxes qui affectent le Japon sont uniquement concentrées sur l’acier et l’aluminium. Bien que le Japon exporte quelques métaux vers les Etats-Unis, ils sont éclipsés par d’autres produits manufacturés tels que la mécanique ou l’automobile, qui semblent avoir échappé pour l’instant au viseur de Trump.

Le risque de barrières commerciales plus importantes pour le secteur automobile ne peut pas être écarté. Néanmoins, le fait que le Japon ne taxe pas les entreprises étrangères pour accéder à son propre marché automobile rend peu probable des barrières commerciales plus importantes vers ses marchés de destination.

Menace sur les profits

Bien que les spécificités de la situation actuelle soient quelque peu rassurantes, nous sommes conscients que l’inquiétude plus générale sur un recul du commerce international constitue peut-être un point plus important.

Le graphique ci-dessous illustre deux faits simples mais essentiels – la reprise économique mondiale comme celle des marchés depuis 2009 est assortie d’une augmentation du commerce mondial (probablement à la fois en tant que cause et effet) et les volumes des échanges internationaux sont fortement corrélés à l’ensemble des bénéfices des entreprises japonaises cotées.

Clairement, la croissance mondiale est liée aux propres perspectives du Japon et, en considérant que le FMI a récemment averti dans ses perspectives sur l’économie mondiale que les menaces actuelles d’une guerre commerciale pourraient impacter de manière significative le redressement de la croissance mondiale, une aggravation de la guerre commerciale pourrait être préjudiciable pour le Japon. Un fait qui n’est pas sous estimé par le gouvernement japonais, qui a évité de répondre en mettant en place ses propres taxes et qui a en réalité commencé à dialoguer avec la Chine pour la première fois depuis 8 ans – notamment pour se protéger du récent protectionnisme.

Dépasser les gros titres

Toutefois, bien que les actions japonaises soient liées à la croissance mondiale, en tant qu’investisseurs bottom-up nous essayons d’éviter de nous fier au bruit pour nous concentrer plutôt sur les nombreux thèmes intéressants au Japon qui ne devraient pas être impactés par la guerre commerciale.

Par exemple, lorsque nous recherchons des opportunités dans la région, la démographie joue un rôle essentiel. La population du Japon vieillit et le nombre de décès dépasse aujourd’hui le nombre de naissances à un taux moyen de 1 000 par jour[i]. Cela génère une demande croissante de services tels que des soins abordables et modernes qui sont fournit par des entreprises comme la société d’analyses microbiologiques EIKEN. Ces entreprises capitalisent sur une tendance démographique apparemment négative, qui existera au Japon qu’importe la dynamique des échanges internationaux.

Une autre tendance du même ordre largement non-affectée par le commerce concerne l’effort du Japon pour l’amélioration de la gouvernance des entreprises. Historiquement, le Japon jouissait d’une mauvaise gouvernance en comparaison des autres économies majeures et développées. Toutefois, le gouvernement a priorisé l’amélioration de la gouvernance, ce qui en retour s’est transformé en opportunité. Selon nous, il y a un certain nombre d'entreprises que nous considérons comme des « bobines ». Nous pensons que ces bobines se dérouleront grâce à une meilleure gouvernance, à une meilleure gestion du capital et à l'indépendance du conseil d’administration – ce qui dégagera de la valeur dans un laps de temps relativement court.

En gardant à l’esprit ce qui précède, le déroulement de l’actuelle guerre commerciale ne constitue pas pour nous une inquiétude majeure. Bien sûr, si la guerre commerciale continue à s’envenimer, le secteur japonais en souffrirait sans aucun doute. Mais un renversement signifiant dans les échanges internationaux semble peu probable et nous pensons qu’il existe des tendances intéressantes au Japon indépendantes de la rhétorique du commerce mondial.

Accepter les bons et les mauvais côtés

Finalement, les mois à venir pourraient susciter quelques surprises mais la nature gagnant-gagnant des échanges signifie que tous les partis sont incités à faire preuve de prudence, et ceci est au fondement de notre scénario d’étude. Dans l’état actuel des choses, le Japon n’est pas excessivement impacté par les taxes en vigueur, et si les investisseurs cherchent au bon endroit, les opportunités sont présentes au Japon, peu importe qui prend l’avantage dans la guerre commerciale.