Investissements thématiques : bénéficier des grandes tendances mondiales

par Mark van der Kroft, Chief Investment Officer (CIO) Equity chez Robeco

La moitié de la population mondiale vit dans des régions souffrant de la sécheresse. Un quart de la population du globe est retraitée. Deux-cent villes chinoises comptent plus d’un million d’habitants. Ce scénario contre-utopique semble sortir d’un film de science fiction. Et pourtant il ne l’est pas. Ces développements vont prendre forme dans les vingt prochaines années. Ils découleront de trois grandes tendances qui modifieront la face du monde : la croissance de la population, la pénurie de ressources naturelles et les changements environnementaux. La place grandissante des marchés émergents, à la fois sur les plans économiques et politiques, pourrait être considérée comme une quatrième tendance. Dans ce contexte, comment les investisseurs peuvent-ils bénéficier de la croissance des entreprises qui trouvent des solutions à ces problèmes ?

Une chose est claire, ces tendances ne se limitent pas à certains secteurs et une approche thématique multisectorielle est un moyen idéal de capturer le potentiel de hausse de ces entreprises.

Démographie

– Croissance de la population mondiale

Le plus grand changement surviendra au niveau démographique, avec une croissance rapide et continue de la population mondiale. Selon les Nations Unies, elle devrait passer de 6,8 milliards à 9 milliards d’habitants d’ici 2050. Cette croissance ne sera pas uniforme à travers le globe.

Toujours selon les prévisions des Nations Unies, 98% de la hausse des populations proviendra des pays émergents.

– Une urbanisation galopante

La montée de l’urbanisation est le second facteur démographique clé. Plus de la moitié de la population mondiale est déjà urbaine. Les gens continuent d’affluer dans les villes, à la recherche d’un meilleur mode de vie. Les Nations Unies prévoient un taux d’urbanisation de 60% en Chine et de 40% en Inde d’ici 2050. En 1975, ce taux n’était qu’à 20% pour ces deux pays.

– Une population vieillissante

Le vieillissement est la troisième évolution cruciale de la démographie. Les populations vieillissent tant dans le monde développé que dans certains pays émergents tels que la Chine et la Russie. Selon les Nations Unies, plus d’un quart de la population des pays du G7 atteindra l’âge de la retraite en 2030.

Raréfaction imminente des ressources naturelles

La deuxième grande tendance, la raréfaction imminente des ressources naturelles, est liée à la démographie. La croissance de la population mondiale nous amène trop rapidement à une escalade de la demande mondiale en produits limités, comme le pétrole et les autres minéraux.

– L’eau est reconnue comme une ressource limitée

Le problème n’est pas confiné à l’épuisement de certains minéraux (le charbon et le cuivre). L’eau est rapidement devenue une ressource limitée. Des problèmes quant à sa quantité, sa qualité et à sa distribution sont d’actualité. L’OCDE estime que la moitié de la population mondiale vivra dans des régions connaissant des pénuries d’eau d’ici 2030.

– Comment la population mondiale va-t-elle se nourrir ?

Un autre problème de ressources concerne l’alimentation. Comment 9 milliards de bouches pourront-elle être nourries ? La demande continue d’augmenter avec l’accroissement des populations et les changements de modes de consommation. Les possibilités d’une hausse de la production sont cependant limitées en raison d’années de sous-investissements et du nombre défini de terres arables.

Conscience environnementale

La troisième grande tendance impacte l’environnement. Les émissions de carbone et la température de la surface de la planète ont augmentée de concert sur les 50 dernières années. Le consensus politique converge sur le fait que les émissions de gaz à effet de serre sont un moteur du réchauffement climatique mondial.

Marchés émergents : croissance des richesses

Les marchés émergents font partie intégrante de ces développements. Evidemment les marchés développés jouent un rôle important, notamment en ce qui concerne le vieillissement des populations. Et certains domaines en bénéficieront : les loisirs (les retraités voyagent plus), la santé et les plans de prévoyance financière. Cependant, les marchés émergents influent sur toutes les grandes tendances que nous suivons. Le monde en voie de développement est sorti de la crise financière relativement indemne. La croissance y revient plus rapidement – particulièrement en Asie – comparé à beaucoup de pays développés.

Comment les évolutions prévues dans les marchés développés (croissance des populations, de l’urbanisation, croissance économique robuste) se répercuteront-elles au travers des différents domaines de l’économie ?

– Les dépenses des consommateurs sont toujours faibles dans les marchés émergents

Sur le front des consommateurs, l’enrichissement des populations des marchés émergents sera clairement un moteur de croissance des dépenses de consommation. Cinq milliards de personnes habitent dans les pays émergents. Comme les habitants des campagnes migrent vers les villes, ils achètent des voitures, des maisons, des téléphones portables, et des objets de luxe. Aujourd’hui, ces dépenses sont encore relativement faibles. En Chine, avec une population de 1,3 milliard d’habitants, les dépenses de consommation ne représentaient en 2007 que 1 700 milliards de $. Ce chiffre est à comparé aux dépenses américaines qui représentent 12 000 milliards pour 300 millions de consommateurs environ. La Chine a encore un long chemin à parcourir pour atteindre ces niveaux, même si le plan de stimulation gouvernemental de 4 trillions de Yuan lui a donné un bon coup d’accélérateur.

– Une classe moyenne en pleine expansion

Le montant des dépenses par habitant ne va pas augmenté seul. Le nombre de consommateur suivra la tendance. Selon les données de la Banque mondiale, la classe moyenne, celle dont le revenu annuel se situe entre 3000 $ et 20 000 $, va s’étendre de 7% de la population mondiale en 2000 à 16% en 2030. Dans un même temps, le pourcentage de personnes définies comme “riches” aura plus que doublé, de 10% à 21% sur la même période.

– Opportunités sur les secteurs financiers et de la santé

Les biens de consommation sont loin d’être les seuls domaines dans lesquels la création de richesses dans les marchés émergents aura un impact. Ces marchés présentent des perspectives de croissance à long terme pour les valeurs financières. Et il y aura une hausse de la demande en produits et services de santé, créant des opportunités non seulement pour les entreprises de santé mais également pour les producteurs d’aliments de bonne qualité et de produits d’hygiène. Un bon exemple est le shampoing. La consommation annuelle par tête est de 7,5 $ en Allemagne et de 6,7 $ aux Etats-Unis. En comparaison, l’Indonésie et la Chine dépensent 1 $ et l’Inde 0,3$. Il existe donc une marge de croissance significative.

– Hausse de la consommation de protéines

La consommation de protéines est l’un des domaines sur lequel la hausse du revenu des ménages a un effet. Lorsque les gens s’enrichissent, leur alimentation change. Typiquement, ils mangent davantage de viande et plus particulièrement du bœuf. Cette tendance est notable car le bœuf démultiplie la demande de grains. Produire 2 kg de poulet nécessite 2 kg de grains. Chaque kilo de bœuf en requière 8,3 kg. Ce phénomène offre des opportunités pour les entreprises de l’agribusinness qui développent de nouvelles technologies permettant d’intensifier la production par terrain. 

Comment ces grandes tendances se traduisent-elles en opportunités concrètes pour les entreprises ?

Et quelles sont les approches les plus efficaces pour les investisseurs qui souhaitent capturer les bénéfices de ces développements ?

– Infrastructure : gestion chinoise de l’urbanisation

L’examen d’une tendance – l’urbanisation galopante liée au thème démographique – qui se joue en Chine, montre toute l’étendue des opportunités. 350 millions de personnes supplémentaires devraient peupler les villes chinoises en 2025. Ce chiffre est équivalent à la population actuelle de l’Union européenne dans son ensemble. D’ici 2030, 1 milliard de Chinois, soit 1/8e de la population mondiale, résidera en ville. Cette croissance soulève quelques questions délicates : où les nouveaux citadins vont-ils résider ? Et où vont-ils travailler ?

– Les nouvelles constructions chinoises comprendront 50 000 gratte-ciels

Quelques autres chiffres démontrent le niveau de développement des infrastructures nécessaires à l’intégration de ce nouvel urbanisme. Plus de 200 villes chinoises compteront plus d’1 million d’habitants d’ici 2030. Ce chiffre est à mettre en perspective avec l’ensemble des villes européennes qui ne compte pas plus de 35 millions de citadins aujourd’hui. 50 000 nouveaux gratte-ciels, soit 10 fois plus qu’à New-York, seront construits, ainsi que 5 milliards de mètres carrés de routes.

– Des investissements doivent être réalisés dans les pays émergents

La Chine montre le chemin, mais des investissements massifs dans les infrastructures doivent être entrepris dans toutes les économies émergentes. Il est nécessaire de construire non seulement des usines, des bureaux, des routes et des infrastructures de transports, mais également des réseaux de communication et électriques.

Les grandes tendances mondiales touchent l’ensemble des secteurs

La solution est donc d’investir de manière à sécuriser les bénéfices réalisés par les entreprises impliquées dans cette extraordinaire mutation. Ce qui est clair, c’est que l’accélération de l’urbanisation – comme d’autres tendances – touche de multiples secteurs. C’est pourquoi l’investissement dans un fonds pur du secteur industriel n’est pas suffisant pour capturer de cette croissance. Même si investir en ligne avec l’indice MSCI Infrastructure permettrait de tirer les bénéfices des dépenses massivement planifiées dans ce domaine (n’oublions pas que 35 à 40% des 2,3 trillions de $ du plan de stimulation annoncé est réservé aux investissements dans les infrastructures) cela n’est pas suffisant car l’indice ne se concentre que sur les opérateurs. Les sociétés de services en télécommunication intégrée, les services publics de l’électricité, les services de communication sans fil et les services publics multiples représentent les plus grandes pondérations de l’indice MSCI Infrastructure.

– L’approche thématique capture la hausse engendrée par les grandes tendances

En fait, une approche thématique multisectorielle est un moyen efficace de saisir les opportunités liées aux grandes tendances. Dans le domaine des infrastructures, nous croyons que la meilleure stratégie d’investissement est de se concentrer sur le début de la chaine de valeur, lorsque les infrastructures sont conçues puis construites. Ce sont ces domaines qui bénéficieront des importantes dépenses dans les infrastructures. Il est donc possible d’investir sur une large gamme d’industries telles que la construction et l’ingénierie, les matériaux, les équipements et services pétroliers et du gaz et les conglomérats industriels. Ce focus multisectoriel n’est pas unique aux thèmes de l’urbanisation et des infrastructures. Les grandes tendances ne se limitent pas à un secteur. Elles touchent et affectent la vie de nombreux autres secteurs. De ce fait, l’approche thématique regroupe des sous-industries en rapport les unes avec les autres en un seul fonds. Cela permet de s’assurer que l’exposition aux tendances à long terme ne se dilue pas. De la même façon, capturer les bénéfices des tendances de l’agribusiness ne signifie pas se concentrer uniquement sur le secteur des biens de consommation. Les activités situées en amont, actives dans l’optimisation de la production par unité de terre sont ainsi regroupées dans trois sous-industries : les produits chimiques agricoles et de fertilisation, les produits alimentaires et la viande, les produits agricoles.

– Les classifications sectorielles mondiales reflètent les évolutions du passé

En conséquence, l’approche sectorielle traditionnelle ne semble plus être pertinente. En fait, les classifications des secteurs mondiaux prennent en considération les développements économiques du passé, ce que nous ne souhaitons pas faire. Nous souhaitons être là où le futur sera. C’est pourquoi nous avons fait évoluer notre stratégie. Nous sommes profondément convaincus qu’en suivant ces grandes tendances, et en sélectionnant les thèmes qui en sont issus, nous sommes mieux positionnés pour faire des bénéfices qu’en ne sélectionnant qu’un nombre limité de secteurs. De même, en n’utilisant qu’une approche sectorielle, le risque est de manquer les tendances qui ont des effets transversaux sur différents secteurs. Cette approche thématique est une évolution significative de la façon dont nous gérons les actifs. Cela étant dit, de nombreux gérants utilisent depuis de nombreuses années une approche thématique plus globale au sein de leurs portefeuilles sectoriels. Dans ce sens, l’adoption d’une approche thématique est la formalisation d’une évolution qui se produit en tout lieu.

– L’approche thématique libère les gérants

L’investissement thématique libère en fait les gérants qui ne sont plus contraints par des restrictions d’indice, ni retenus par les horizons à court terme typiques de la communauté d’investissement. Ils ont pour objectif de surperformer l’ensemble du marché sur le long terme. Dans un même temps, il est important pour les gérants de s’attacher aux tendances qu’ils ont identifiées. Dans le domaine de l’agriculture nous souhaitons vraiment que 80% des revenus des entreprises en portefeuille soient liés à cette activité. En maintenant cette ligne de conduite, les investisseurs peuvent bénéficier des tendances à long terme. La critique que l’on pourrait faire à l’investissement thématique est que certaines grandes tendances prendront des années, voire des décennies, à se matérialiser. Ses détracteurs voient une disparité entre les attentes des investisseurs (des rendements positifs) sur les deux prochaines années et la matérialisation de ces tendances.

Bénéficier des tendances à long terme

Nous pensons qu’il y a une bonne raison de changer pour une approche plus thématique. Les horizons d’investissement, en général, sont devenus plus courts, peut-être trop courts. Mais en misant sur une approche thématique, il est nécessaire d’avoir des vues à long terme de façon à capturer les tendances séculaires mondiales. Simplement dit, l’investissement thématique ne concerne pas les gains à court terme mais à long terme. Ce qui ne signifie pas que les tendances sont uniquement à long terme. Des évolutions dans le domaine de l’agriculture sont déjà survenues et ont offertes de fantastiques opportunités aux investisseurs. C’est également le cas pour les tendances de consommation avec l’émergence d’une classe moyenne dans les marchés émergents. Ce changement a déjà débuté et il va s’intensifier.