Italie : un timide redressement

par Paolo Ciocca, économiste chez BNL (groupe BNP Paribas)

La crise actuelle, qui a commencé au cours de l’été 2007, est la plus grave que l’Italie ait connue depuis soixante ans. Si l’on prend le premier trimestre 2008 pour base 100, le PIB réel a reculé à 93,5 au second trimestre 2009. La contraction cumulée s’élève à 6,5%. Lors de la récession des années 1970, le PIB avait reculé de 3,8% alors que, dans les années 1990, le repli avait été moins marqué (-1,9%).

Au deuxième trimestre 2009, la récession a marqué le pas. Le PIB s’est replié de 0,5% t/t en raison d’une chute notable des exportations et de l’investissement. La consommation des ménages a augmenté, tirée par les achats de biens durables. Par ailleurs, le processus de déstockage s’est poursuivi.

Après cinq trimestres consécutifs de contraction, la reprise de l’économie pourrait avoir déjà commencé au troisième trimestre 2009. L’indicateur avancé de l’OCDE a grimpé en juillet, annonçant un début de reprise.

Le redressement de l’économie pourrait néanmoins être modeste. D’après les dernières prévisions de la Commission européenne, la croissance serait de 0,2% t/t au troisième trimestre et de 0,1% au quatrième.

Les dernières statistiques sont venues corroborer l’hypothèse d’un début de reprise économique au troisième trimestre 2009.

Ces données confirmeraient également l’information fournie par certains indicateurs qualitatifs. En juillet, l’indicateur avancé de l’OCDE a progressé de 2,7 points en glissement mensuel, à 104,8, soit une hausse de 8 points par rapport au même mois de 2008.

Le secteur industriel, sévèrement frappé par la crise, a donné des signes de rebond modéré. En juillet, la production a augmenté de 1% m/m, atteignant le niveau de début 2009. L’activité a rebondi dans la plupart des secteurs, enregistrant un redressement significatif dans la pharmacie (+7%) et la chimie (+4%). La production de moyens de transport a progressé de 3%. Selon les prévisions de l’ISAE, la production devrait croître de 3,2% au troisième trimestre 2009, puis rester inchangée au quatrième.

Néanmoins, le redressement de l’économie devrait être modeste. Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, la croissance trimestrielle devrait être de 0,2% au troisième trimestre et de 0,1% au quatrième.

Le scénario économique demeure incertain. Dans les trimestres à venir, la croissance s’appuiera sur la consommation des ménages encouragée par des facteurs temporaires tels que les primes à la casse. En août, les immatriculations automobiles ont fait un bond de 8,5% en rythme annuel. Par ailleurs, l’inflation, après avoir baissé et ainsi soutenu le revenu disponible réel des ménages au premier semestre 2009, devrait légèrement augmenter. Le revenu nominal va pâtir de la détérioration des conditions du marché du travail. Le redressement des investissements se heurtera au faible niveau d’utilisation des capacités industrielles, qui est tombé, conformément aux estimations de l’ISAE, à 65%, le niveau le plus bas depuis le début des années 19901. La croissance des exportations pourrait également être modérée. Dans un premier temps, les économies émergentes seront le moteur du redressement mondial. Or la part de ces pays dans les exportations italiennes totales reste faible.

La contraction du PIB se modère mais elle reste significative

Au second trimestre 2009, le rythme de la récession qui avait débuté au premier semestre de l’année précédente a commencé à ralentir. Le PIB réel, après avoir baissé de plus de 2% au quatrième trimestre 2008 comme au premier trimestre 2009, a reculé de 0,5%.

La demande intérieure, hors stocks, a pesé à hauteur de 0,1% sur la croissance globale, malgré une contribution positive de la consommation (0,2%). Les investissements se sont nettement effondrés, amputant le PIB de 0,6%. Le repli des exportations (-3,7% t/t) a dépassé celui des importations (-3%), aboutissant à une contribution négative de 0,1% des échanges nets. Au second trimestre, le processus de déstockage s’est poursuivi, retranchant 0,3% à la croissance trimestrielle, contre -0,4% au cours des trois mois précédents.

La récession actuelle est la plus sévère que l’Italie ait connue depuis soixante ans. En prenant le premier trimestre 2008 pour base 100, le PIB réel a reculé au second trimestre 2009 à 93,5.

La perte cumulée du PIB s’élève à 6,5% en termes réels, un chiffre supérieur à celui enregistré lors des précédentes récessions. En 1974-75, le PIB avait perdu 3,8%, contre 1,9% en 1992-93. Au cours de la crise actuelle, il a suffi de cinq trimestres de contraction pour effacer vingt-cinq trimestres de croissance modérée. En termes réels, le PIB est revenu au niveau de 2001.

L’économie pâtit d’une chute notable dans l’industrie

Au second trimestre 2009, l’industrie a poursuivi sa chute affectant ainsi l’économie. La valeur ajoutée a diminué de 1,7% en glissement trimestriel en termes réels dans l’industrie, soit près de la moitié de la contraction de la valeur ajoutée totale.

Depuis le début de la récession, le repli cumulé de la valeur ajoutée industrielle représente environ 20%2. En prenant le premier trimestre 2008 pour base 100, la valeur ajoutée de l’industrie s’est effondrée à 81,8 au second trimestre 2009, revenant au niveau de 1988. L’industrie, qui représente moins de 20% de la valeur ajoutée totale, est responsable à plus de 60% de la chute de l’économie depuis que la crise a éclaté.

Au second trimestre 2009, la valeur ajoutée du secteur du bâtiment a reculé de 1,2% en glissement trimestriel. En rythme annuel, elle a baissé de près de 6%. Depuis le début de la crise, la contraction cumulée est d’environ 7%.

Comme dans les récessions précédentes, le secteur des services a mieux résisté à la crise. Au second trimestre 2009, la valeur ajoutée a diminué de 0,2% en glissement trimestriel. La baisse cumulée dans ce secteur est inférieure à 3%. Les services, qui génèrent 70% de la valeur ajoutée totale, ne représentent qu’un tiers du repli de l’économie. 

La consommation des ménages : moteur de la reprise

Au deuxième trimestre 2009, la consommation des ménages a progressé de 0,3% t/t, après avoir reculé de 1% au quatrième trimestre 2008 et de 1,2% au premier trimestre 2009. La consommation a bénéficié de la baisse notable de l’inflation3. La légère amélioration du scénario économique a renforcé la confiance des consommateurs. En août, l’indice ISAE a grimpé de 107,5 à 111,8, le niveau le plus élevé depuis le début de 2007.

Au cours des derniers mois, les décisions d’achat des ménages ont également été encouragées par des facteurs temporaires, tels que les mesures fiscales en faveur du secteur automobile. Les incitations relatives à la mise à la casse de véhicules, motos et de certains utilitaires ont relancé la consommation de biens durables, qui avait été frappée de plein fouet par la récession mondiale. Au premier trimestre 2009, la contraction cumulée de la consommation de biens durables s’était élevée à 15%. Entre avril et juin, en revanche, les achats de biens durables ont fait un bond de 4% en glissement trimestriel, soit l’équivalent de la croissance totale de la consommation des ménages4. Au second trimestre 2009, la consommation de biens semi-durables a également augmenté, enregistrant une hausse de 0,4% après un repli de 5,9% au cours du trimestre précédent. Les achats de biens non durables, par contre, ont reculé de 0,4%. La caractéristique propre à cette crise est précisément le ralentissement persistant de la consommation de biens non durables, qui a baissé de 2,2% en base annuelle. En termes réels, la consommation de biens non durables s’est effondrée aux niveaux de début 1999. Quant aux achats de biens durables, ils sont revenus au niveau de 2003.

Plongeon des investissements en machines-outils et équipements

Au second trimestre 2009, les investissements ont plongé pour le sixième trimestre d’affilée (-2,9% t/t, après – 5% au trimestre précédent). La contraction a concerné le secteur du bâtiment (- 1,6%) et s’est révélée extrêmement sévère dans les machines- outils et équipements, en chute libre de 5,9%. En revanche, les investissements en moyens de transport ont augmenté de 1,2% t/t, compensant en partie la chute de 10% et 18,9%, respectivement, au cours des deux trimestres précédents.

Les investissements des entreprises présentent, jusqu’à présent, la même évolution à la baisse que celle enregistrée au cours des récessions antérieures. La chute cumulée (proche de 15%) est comparable à celle des années 19905.

D’un point de vue historique, la construction est le secteur dans lequel la chute des investissements est la plus faible. Après cinq baisses consécutives, la perte cumulée représente près de 10%.

Les investissements dans la construction sont revenus à leur niveau de début 2002. Dans les années 1990, après cinq trimestres de contraction, la baisse était similaire à celle du repli actuel. Au cours de la dernière récession, les investissements dans la construction ont continué à décliner bien après la fin de la crise économique (T4 1993). Ils ont touché un point bas au troisième trimestre 1994, avec une perte cumulée de 14%. La réduction des investissements en machines-outils et équipements revêt une importance capitale en raison de ses conséquences sur les capacités productives de l’économie dans son ensemble. Au second trimestre 2009, la contraction cumulée des investissements en machines-outils a dépassé les 20%.

Dans les années 1990, la chute s’élevait, au bout de cinq trimestres, à 18,3%. A la fin de la récession, les investissements en machines-outils s’étaient effondrés de 22%. Le secteur des moyens de transport a été, plus que d’autres, frappé par la crise. Malgré le rebond modéré enregistré au second trimestre 2009 et imputable aux mesures gouvernementales de primes à la casse, la contraction cumulée des investissements en moyens de transport s’élève à près de 30%. Dans les années 1990, le repli était moins élevé (23%).

NOTES

  1. Au cours de la récession de 1992-93, caractérisée par une chute importante des investissements, l’utilisation des capacités a touché un point bas à 71,9% au troisième trimestre 1993. 
  2. La contraction cumulée de la valeur ajoutée industrielle avoisinait les 5% en termes réels, lors de la récession de 1992-93, contre 14% en 1974-75.
  3. Au second trimestre, l’inflation s’est repliée à 0,8%. Dans les mois qui ont suivi, elle a poursuivi son déclin, atteignant 0% en juillet, pour revenir à 0,1% en août. Le ralentissement de l’inflation était plus prononcé pour les biens et services fréquemment achetés, qui avaient considérablement pâti des effets de la hausse des prix des matières premières au cours de l’été 2008. En juillet, l’inflation dans ce groupe de produits et services était négative (- 0,3%). En août, elle a augmenté à 0,1%.
  4. Les données de l’ISTAT sur la consommation par catégorie de produits incluent les achats faits sur le territoire. Cet agrégat diffère des achats effectués par les ménages résidents. Ce dernier chiffre comprend en effet les achats des résidents hors du territoire italien, mais ne tient pas compte des achats effectués en Italie par des non-résidents.
  5. Lors de la récession du début des années 1970, la baisse cumulée des investissements avait été inférieure à 10%.

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