L’économie est faible, les bénéfices sont révisés en baisse… et les actions montent

par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Délégué en charge des gestions chez OFI AM

Cette situation contre-intuitive et paradoxale s’explique par la meilleure visibilité donnée par les banques centrales, de faibles valorisations et des investisseurs encore prudents qui ont conservé de faibles allocations en actions. ce mouvement peut-il durer ?

Le FMI vient de réviser une nouvelle fois à la baisse son estimation de croissance mondiale pour 2012, de 3,5 à 3,3 %. Les estimations pour 2013 s’annoncent à peine meilleures. Cette détérioration des prévisions s’explique principalement par la zone euro qui sera en récession de – 0,4 % l’année prochaine.

Les conditions très difficiles en Europe du sud commencent en effet à se propager aux pays du nord de la zone et on ne voit pas comment la situation pourrait s’améliorer dans les prochains mois. Le carcan imposé par le sauvetage nécessaire de l’euro tombe très mal car, de ce fait, les pays européens sont engagés dans un triple deleveraging simultané : celui des finances publiques, des ménages et des banques. Notons qu’en Europe, le travail sur les banques n’a pas été fait rapidement comme aux Etats-Unis après la crise de 2008. Elles sont encore sous-capitalisées et, d’après certains experts, leurs ratios de prêts sur dépôts seraient de 200 % contre désormais 90 % pour les banques américaines… ne cherchons pas plus loin pourquoi l’octroi de crédit est si faible chez nous. Le reste du monde est en meilleure situation.

Aux Etats-Unis, l’horizon court est assombri par l’incertitude politique et la question du « fiscal Cliff » qui peut inciter les chefs d’entreprises à différer leurs investissements. Mais à moyen/long terme, les perspectives s’annoncent plus florissantes : l’immobilier repart cette fois-ci franchement à la hausse, le boost des gaz de schiste commence concrètement à se faire sentir si bien que le pays redevient compétitif et peut se « réindustrialiser ». Pour la première fois depuis les années 70, Dow Chemical construit une usine aux États-Unis…

Les pays émergents sont naturellement sur un rythme de croissance plus élevé de 5 à 6 %. Les inquiétudes concernent l’ampleur du ralentissement en Chine. Les dernières statistiques montrent une croissance qui a baissé certes, mais qui est tout de même à près de 7,4 % en rythme annuel. La visibilité devrait s’améliorer très prochainement avec la mise en place d’un nouveau duo Président/Premier ministre au mois de novembre. Au final, l’économie mondiale avance à un rythme très modéré, mais qui paraît assez sûr, sauf en Europe !

Dans ces conditions, les politiques des Banques Centrales sont logiques et bien comprises : pour la Fed, l’enjeu est d’accompagner autant que possible la reprise de l’économie, et si possible agir pour que le dollar ne monte pas trop pour l’instant. Pour la Banque Centrale européenne, l’enjeu est de fluidifier le marché interbancaire et d’éviter une dislocation de la zone, ce qu’elle a réussi à faire cet été en se donnant la possibilité d’acquérir des dettes souveraines des pays fragilisés. L’impact sur les marchés a été immédiat, mais cette action « magique » des Banques Centrales va-t-elle s’estomper ?

Probablement pas à court terme sur les marchés de taux d’intérêt. Vu que les taux monétaires vont rester nuls pendant encore près de 2 ans (dixit la Fed), il y a peu de risque de tension sur toute la courbe. Les investisseurs vont donc continuer à aller « chercher » du rendement sur les émissions d’entreprises « investment grade » et « High Yield », et à nouveau sur les obligations émergentes.

Il reste donc encore du potentiel de détente pour atteindre les niveaux d’excès des années 2005/2007 !

Sur les marchés actions, la situation semble paradoxale : elles montent alors que les profits baissent ! Les dernières publications trimestrielles sont éloquentes : seules 42 % des entreprises de l’indice S&P 500 ayant publié à ce jour battent les estimations, ce qui est un ratio historiquement faible. Mais les actions, prises globalement, présentent aujourd’hui beaucoup d’avantages dans un monde à taux zéro : des dividendes élevés, des expositions à la croissance mondiale, des valorisations absolues et relatives (prix/valeurs d’actifs net comptables souvent proches de 1) qui sont plutôt dans des basses eaux historiques. nous savons que, en période de faibles taux d’intérêt et de faible croissance, il est possible d’assister à un mouvement d’expansion des PER, donc de la valeur des entreprises. Ce serait d’autant plus logique que la confiance envers les titres gouvernementaux devrait baisser au vu des faibles capacités financières de remboursement.

En conséquence, le mouvement d’appréciation des actions peut encore durer et donner l’impression de se déconnecter de la réalité économique, surtout pour nous européens. Nous savons également que, en bourse, les mouvements sont toujours plus puissants que ce que la logique intuitive voudrait.